Khalid Alioua, liberté provisoire ou définitive?

Khalid Alioua, ex-PDG du CIH et l’un des ex-dirigeants de l’USFP,a été mis en liberté provisoire le 20 mars. Que faut-il en penser ? Premières réponses.

Khalid Alioua, liberté provisoire ou définitive?

Le 24 mars 2013 à 7h50

Modifié 24 mars 2013 à 7h50

Khalid Alioua, ex-PDG du CIH et l’un des ex-dirigeants de l’USFP,a été mis en liberté provisoire le 20 mars. Que faut-il en penser ? Premières réponses.

Au bout de 9 mois de détention préventive, Khalid Alioua a quitté mercredi dernier la prison de Oukacha, en compagnie de ses trois codétenus. Le lendemain, une rencontre était prévue chez le juge d’instruction. Elle n’a pas eu lieu. « « Il n’y pas eu d’audience. Nous attendons la convocation. Les autres détenus sont également libres », nous confie Me Abderrahim Jamaï, un des avocats de la défense. Khalid Alioua bénéficie de la liberté provisoire. Il reste cependant soumis au contrôle judiciaire et s’est vu retirer son passeport.

Enfin libre !

La nouvelle de la libération de Khalid Alioua fait sensation ce 20 mars ; aussitôt relayée par les agences de presse, elle délie les langues. Car Alioua est un homme politique et un ex pdg d’une banque publique. La permission de sortie accordée pour assister aux obsèques de sa mère, le 4 mars dernier, avait alimenté les commentaires. Selon des observateurs, cet événement a été l’élément déclencheur, à tout le moins un signal fort de l’imminente libération.

Les signes avant-coureurs

« La lettre royale de condoléances est une espèce de reconnaissance »,commente  ce juriste. Et d’ajouter : « si la détention préventive se justifiait par l’absence de garantie de représentation de l’inculpé, le message royal est une caution en soi ». Le défilé des hauts commis de l’Etat et des hommes d’influence lors du deuil familial va également dans ce sens.

Autre niveau de lecture : « l’image véhiculée par les médias qui immortalise la présence de Abderrahmane Youssoufi, juste derrière Khalid Alioua, lors de la cérémonie, n’est pas anodine », précise ce proche de l’USEFP. Et de poursuivre : « d’ailleurs, il n’est un secret pour personne que Abderrahmane Youssoufi considère depuis toujours Alioua comme son fils spirituel ». Un lien qui ne s’est exprimé qu’une année plus tard…

Toujours est-il : au plan strict du droit et de la procédure pénale, la mise en liberté provisoire de Khalid Alioua est normale. C’est son maintien en détention qui ne l’était pas. Neuf mois de détention préventive sans jugement, alors que l’accusé présente toutes les garanties, c’était abusif, jugent des sources judiciaires…

Mais c’est l’enchaînement des séquences, depuis le décès de sa mère, qui suscite les commentaires jusqu’à faire penser à une décision politique.

Le début des déboires du fils prodige…

Entendu par la Brigade nationale de la police judiciaire, la BNPJ, à partir du 12 mars 2012, Khalid Alioua est incarcéré en juin. Il est reproché à l’ex-PDG du CIH, en fonction de 2004 à 2009 : l’octroi de prêts sans garantie, la mauvaise gestion des hôtels propriétés de la banque, d’avoir profité d’avantages personnels à travers des acquisitions immobilières à des prix inférieurs à leur valeur réelle et d’avoir accordé des faveurs aux membres de sa famille.

L’affaire des appartements

Extrait du rapport de la Cour des Comptes 2009

L’ex. président s’est fait attribuer directement ou indirectement des biens appartenant à la Banque à des prix nettement inférieurs à ceux du marché.

C’est le cas des appartements «La fraternité»: il s’agit de deux appartements mitoyens de superficies respectives 211 m² et 282 m² sis à l’avenue Rachidi àCasablanca, récupérés par le CIH en 1997 pour un coût total de 1.695.802 DH. Ces appartements ont été cédés en 2006 à l’ex. président du CIH sans l’approbation préalable du Conseil d’administrationpour un prix de 1.705.000 DH (soit 3458 DH/m2 ) alors que le prix de marché lors de cette période sesituerait aux alentours de 20.000 DH/m2; d’où un manque à gagner qui pourrait atteindre 8 millions DH. A préciser que le Conseil d’administration de la Banque n’avait pas joué son rôle et assumé ses responsabilités en exigeant l’annulation de ladite cession.

De plus, en octobre 2005, soit quelques mois avant la cession, plusieurs travaux ont été réalisés dans les deux appartements dont les frais ont été imputés sur le budget de la Banque (lesdits budgets étaient prévus pour les exercices 2005 et 2006 pour des montants respectifs de 730.000 et 700.000 DH).

Par ailleurs, le CIH a continué à supporter des frais supplémentaires de mise à niveau après la cession des dits appartements à l’ex. président et qui, selon les seules factures dont la Cour des comptes a pudisposer, se chiffrent à 1.972.066 DH.Il convient de signaler que ce n’est qu’à la veille du départ de l’ex. président, que le Conseil de surveillance du CIH tenu le 24 avril 2009 a délibéré sur la cession du gage «la fraternité» et a estimé que ladite cession «ne doit pas être considérée comme convention courante dans la mesure où elle ne relève pas de l’activité principale de la société telle que cette activité est règlementée par la loi bancaire et la législation sur le crédit foncier».

Au cours de cette même séance, il a été décidé de réajuster le prix de vente à 3.888.000 DH et de la soumettre à l’approbation de l’assemblée générale du CIH. Lors de sa réunion en date du 28 mai 2009, l’assemblée générale a donné son accord .Malgré cela, cette différence entre le prix de cession initial et le prix décidé de 3.888.000 DH ne sera remboursée à la Banque qu’environ une année plus tard à l’occasion du déblocage de la prime de départ de l’ex. président par le CIH. A signaler également que seront imputés sur cette prime d’un montant de 7.133.119 DH, les frais d’aménagement sus-mentionnés soit un montant de 1.972.000 DH.

Les faveurs accordées aux membres de la famille

Extrait du rapport de la Cour des Comptes 2009 

Outre une implication directe dans la gestion des hôtels, l’ex. président du CIH et des membres de sa famille bénéficiaient d’avantages importants dont les suivants :

-Les ressources, produits et équipements des hôtels sont souvent mis au service de l’ex. président du CIH, de ses invités, ou de membres de sa famille. Les investigations menées par la Cour des comptes ont mis en évidence une prise en charge systématique des besoins de l’ex. président du CIH, des membres de sa famille et de ses invités autant en ce qui concerne les repas que diverses autres prestations ;

- Des suites lui étaient réservées en permanence ou mises à la disposition de membres de safamille pendant leur séjour ;

-Des dépenses personnelles de l’ex. président étaient prises en charge par les hôtels (dont certaines réglées par régie) ;

-Des agents des hôtels (Talalet Marrakech et Lido Casablanca) étaient affectés au service de

l’ex. président pendant les vacances d’été au niveau de sa résidence au complexe Al Mina.

Exemple : l’hôtel Tichka

Avantages accordés indûment

De nombreux avantages étaient accordés à l’ex. président du CIH, de ses invités, ou de membres de sa famille qui ont pris différentes formes parmi lesquelles :

-De nombreuses gratuités ont été accordées. Le montant identifié, sur la base d’un échantillon,effectué sur la période allant du 1erjanvier 2007 au 30 avril 2009, atteint un total de 282.451 DHdont 30.810 DH pour le seul 31 décembre 2007 ;

-Des membres de la famille de l’ex. président ont régulièrement et gratuitement bénéficié de séjours au niveau de l’hôtel Tichka.

Un parent de l’ex. président du CIH a bénéficié, lors de son séjour à l’hôtel, de gratuités en termes de communication téléphonique pour un montant de 21.714 DH dont 15.135 DH pourla seule période du 30 décembre 2008 au 5janvier 2009 ;

-De nombreux achats ont été faits pour le compte de l’ex. président via la régie des dépenses de l’hôtel. Les produits étaient généralement transmis aux domiciles propriété du CIH aux jardins de la palmeraie ;

- Des frais relatifs à des dépenses de la famille ou à des invités de l’ex. président, étaient pris encharge par l’hôtel Tichka. Ainsi et à titre d’illustration le paiement de : 

 *une facture d’une clinique à Marrakech, au nom d’une parente de l’ex. président du CIH, d’un montant de 6.194,89 DH, datée du 23 février 2007

• Une facture relative à la location d’une voiture de marque Mercedes au profitd’un invité de l’ex.président, pour la période du 28 décembre 2006 au 1er  janvier 2007, d’un montant de 21.300DH

 

Jusqu’à ce mois de juin 2012 date de l’incarcération, les ténors de l’USFP n’avaient toujours pas exprimé de soutien public. Ce n’est que vers fin septembre de la même année, que la campagne de lobbying commence. Et qu’un mois plus tard, Driss Lachgar, par ailleurs avocat, monte au créneau et devient l’un des défenseurs du camarade Alioua. Ironie du sort : c’est Driss Lachgar lui-même qui avait en 2001 diligenté l’enquête parlementaire, qui avait émis un rapport accablant sur le CIH, qui n’était pas encore dirigé par Khalid Alioua. Trois cent pages où étaient recensées les malversations et irrégularités dans la gestion de l’établissement de crédit. Résultat : Moulay Zine Zahidi, ancien PDG du CIH, écope de 20 ans par contumace.

La défense de Alioua

On ignore toujours les arguments avancés par Khalid Alioua durant ses séances d’interrogatoires chez la BNPJ. Il n’a eu de cesse de contester en public les résultats du rapport : « la Cour de Comptes m’a tout simplement ignoré ». Selon son entourage, ses enquêteurs ne l’ont pas auditionné. Ses défenseurs avancent certains arguments. Si en 2004, la banque frisait la banqueroute, ce n’est plus le cas, à son départ en 2009. Une année plus tard, l’excédent était de près de 2 milliards de DH. Autre élément : une meilleure gouvernance avec la mise en place d’un directoire et d’un conseil de surveillance. En dehors  de sa dimension politique, cette affaire remet au goût du jour, la question de la détention provisoire. Mais aussi de la gestion des entreprises publiques et enfin du mélange des genres entre management et politique. Affaire à suivre.


 

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