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Réserves en devises : les dessous d’une résilience

Le maintien des avoirs officiels de réserve (AOR) du Maroc force le respect, surtout en cette période de fortes turbulences économiques où beaucoup de pays de la région souffrent d’un manque de devises. Une situation confortable qui a même permis au Maroc d’éviter une sortie à l’international en période de forte volatilité. Explications.

Réserves en devises : les dessous d’une résilience

Le 4 janvier 2023 à 12h20

Modifié 4 janvier 2023 à 13h55

Le maintien des avoirs officiels de réserve (AOR) du Maroc force le respect, surtout en cette période de fortes turbulences économiques où beaucoup de pays de la région souffrent d’un manque de devises. Une situation confortable qui a même permis au Maroc d’éviter une sortie à l’international en période de forte volatilité. Explications.

L’année 2022 se termine sur des performances inégalées pour l’économie nationale au niveau de ses comptes extérieurs, malgré le contexte inflationniste international et le renchérissement du dollar.

Selon les derniers chiffres de l’Office des changes, les exportations ont augmenté de 33,1% ou 97 milliards de dirhams à fin novembre 2022, tirées par les ventes de l’industrie automobile nationale, qui s’élèvent à 100 milliards de dirhams, affichant un accroissement de 35%.

Mais c’est surtout l’explosion du chiffre d’affaires d’OCP à près de 110 milliards de dirhams qui drive la bonne santé des exportations marocaines ; cela malgré l’appréciation des importations des intrants d’OCP (soufre et ammoniac). Le chiffre d’affaires OCP, seul, pourrait combler une grande partie de la facture d’importation des produits énergétiques, qui a plus que doublé, se situant à 141,5 milliards de dirhams à fin novembre 2022.

A tout cela s’ajoutent l’amélioration des recettes de voyages qui ont surperfomé l'année 2019, les transferts des MRE qui poursuivent leur tendance haussière, les flux d’IDE... Ces performances permettent le maintien des avoirs officiels de réserve (AOR) à près de 338 milliards de dirhams à fin décembre 2022, soit plus de 5,5 mois d’importations. Une performance d’autant plus remarquée que cette année, le Maroc n’a fait aucune sortie à l’international, malgré les nombreuses échéances de sa dette extérieure, aussi bien pour la dette du Trésor que pour celle garantie par l’Etat. Mieux encore, la Banque centrale s’attend à une amélioration de cette réserve en 2023, et même en 2024.

Selon une source proche au ministère des Finances, des arbitrages ont conclu au report de cette sortie, pourtant prévue et préparée pour fin 2022, plutôt que de la réaliser dans des conditions trop volatiles sur le marché international. Le reliquat de la ligne de précaution et de garantie (LPL) a été débloqué par la direction du Trésor, pour près de 2 milliards de dollars, sans pour autant modifier significativement le niveau des AOR nationaux. Ce niveau ne cesse d’ailleurs de s’améliorer depuis 2020, malgré une petite baisse chemin faisant, défiant la crise mondiale post-Covid et faisant du Maroc une exception dans la région.

La flexibilité croissante de l’économie, source de sa résilience

"La résilience de la position extérieure du Maroc s’explique en grande partie par la flexibilité de plus en plus importante de son économie", analyse Omar Bakkou, économiste spécialisé dans la politique de change. Selon lui, cette résilience s’explique par le poids, de plus en plus important, du secteur privé.

"Contrairement à certains pays comparables de la région, le poids du secteur privé joue un rôle d’amortisseur de l’économie nationale face aux chocs externes. Quand on produit moins, on dépense moins de devises. C’est une capacité d’ajustement perpétuelle du secteur privé, comme on a pu le constater durant la période Covid", poursuit Omar Bakkou.

Et la place du système bancaire est, dans ce sens, de plus en plus importante, comme nous l’explique le directeur d’une salle de marché d’une grande banque nationale. Selon lui, le marché de change s’auto-régule, ce qui permet à la Banque centrale de conserver une réserve quasiment intacte.

"Bank Al Maghrib n’a pas injecté de devises sur le marché depuis 2018. Ce sont les banques, à travers les opérations de gestion de leurs trésoreries en devises, qui font face à la demande", précise notre source. Selon elle, même si des demandes pressantes de devises se font sentir sur le marché, à la faveur d’une grande opération d’importation, par exemple, ce sont les banques qui font jouer leur trésorerie pour y faire face, y compris par des emprunts à court terme. "Cela est permis essentiellement par la disponibilité de devises étrangères, elle-même assurée par les rentrées de l’OCP, le tourisme et les IDE, mais surtout par les transferts des MRE qui ont connu une très forte augmentation depuis la période Covid", affirme notre source.

Cette disponibilité de liquidités permet au marché de fonctionner tout en évitant des injections de cash de la part de la Banque centrale. "C’est un modèle qui se maintient et se développe depuis près de 15 ou 20 ans, dans lequel ce sont les rentrées touristiques et celles des MRE qui permettent l’équilibre de la balance des paiements", reprend Omar Bakkou.

Et d’ajouter : "L’amélioration significative des exportations industrielles, notamment des phosphates et dérivés ainsi que celles de l’automobile, de l’aéronautique ou du textile, et l’attractivité économique qu’elles induisent pour les IDE, permettent une plus grande résilience de notre position extérieure, et par conséquent un maintien des AOR."

Le rôle de sentinelle de la DTFE

Si le commerce extérieur est aujourd’hui complètement couvert par le système bancaire, appliquant de la sorte les principes du réalisme économique et de la vérité des prix, il en va autrement de la dette publique, notamment extérieure.

Celle-ci est intrinsèquement liée à la position de négociation du Maroc et aux conditions du marché international de la dette. La résilience des AOR est ainsi précarisée par le niveau de cette dette extérieure, qui atteint les 210 milliards de dirhams.

Une source de vigilance permanente pour le Maroc, qui a tiré près de 137 milliards de dirhams entre 2017 et le 1er semestre 2022, selon le dernier bulletin statistique publié par la Direction du Trésor et des finances extérieures (DTFE). Ce montant, dont 46% ont été levés en 2020 en pleine pandémie, sert en grande partie à financer la dette extérieure du Maroc en la faisant "rouler", tout en maintenant la cadence de financement des projets publics, permettant dans le même temps de faire face à d’éventuels chocs externes.

La dette extérieure est constituée à plus de 65% de financements bilatéraux et multilatéraux, les 35% restants provenant directement du marché international de la dette. Ce dernier nécessite une approche proactive et exigeante techniquement.

Selon une source auprès du ministère des Finances, la DTFE n’annonce pas d’objectifs spécifiques par rapport aux AOR, mais reste vigilante sur ce dossier. "Les sorties du Maroc sont cadrées par des objectifs de paniers de devises, de maturités et de taux, mais elles ont aussi un objectif interne lié à l’AOR, déterminé par des outils de monitoring spécifiques", nous dit-elle.

Ce rôle de sentinelle de la DTFE prend en considération les besoins des finances publiques en termes de devises à très court terme, notamment en cas de chocs externes, mais aussi l’adéquation des réserves de changes avec les conditions de stabilité macroéconomique, créant de la sorte des espaces d’autonomie de la politique économique. Selon notre source, si le Maroc a évité une sortie à l’international en 2022, c’est en prenant en considération tous ces éléments, tout en sachant que le besoin n’était pas pressant.

Le retour sur le marché est bien prévu en 2023, lorsque les conditions le permettront. Et bien que les conditions de financements – notamment pour les taux –, ne sont pas idéales, une sortie reste possible dès le 1er trimestre 2023.

Celle-ci devrait atteindre les 3 milliards de dollars, selon une source du marché. Au niveau du ministère, on reste toutefois prudent : "Que ce soit 3 ou 20 milliards, ce sont les conditions du marché au moment de la sortie qui vont déterminer le montant."

Quoi qu’il en soit, sur les projections publiées par la DTFE, il va falloir mobiliser plus de 36 milliards de dirhams uniquement au titre du service de la dette extérieure du Trésor pour 2023 et 2024. La Banque centrale, de son côté, table sur un besoin en financement en devises du budget public à hauteur de 39 milliards de dirhams en 2023 et de 38 milliards en 2024 pour maintenir l’embellie des AOR.

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