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Halieutis 2023 : comment le Maroc compte préserver durablement ses ressources marines

Plans d’aménagement et de gestion de pêcherie, aires marines protégées, recherche halieutique… Depuis deux décennies, le département de la Pêche maritime multiplie les mesures propices à la durabilité du secteur halieutique. Leur application se heurte toutefois à quelques obstacles.

Halieutis 2023 : comment le Maroc compte préserver durablement ses ressources marines

Le 2 février 2023 à 14h53

Modifié 2 février 2023 à 16h20

Plans d’aménagement et de gestion de pêcherie, aires marines protégées, recherche halieutique… Depuis deux décennies, le département de la Pêche maritime multiplie les mesures propices à la durabilité du secteur halieutique. Leur application se heurte toutefois à quelques obstacles.

Du mercredi 1er au dimanche 5 février à Agadir, le Salon international Halieutis fait la part belle à l’économie bleue. Orienté vers l’identification de leviers propices à la durabilité des ressources, "ce Salon contribue aussi à la dynamique du secteur de la pêche maritime", a affirmé le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch.    

Le Maroc est leader en Afrique en termes de production halieutique nationale en 2022, avec 1,55 million de tonnes. L’équivalent d’environ 1% de la production halieutique mondiale. Le secteur mobilise 19.064 unités opérationnelles dont 334 actives dans la pêche hauturière, 1.800 dans la pêche côtière et 17.130 dans la pêche artisanale. La flotte nationale compte 119.147 employés.

Selon le chef du gouvernement, qui a inauguré le Salon international Halieutis, mercredi 1er février, le secteur halieutique, dont "les exportations ont atteint plus de 28 milliards de dirhams en 2022, soit une augmentation de 16% en un an", est marqué par une croissance significative, mais fragile. 

Composante essentielle de la stratégie Halieutis, l’économie bleue tend justement à réduire ses fragilités. Aux antipodes de l’économie rouge, destructive pour l’environnement, l’économie bleue promeut une solide gouvernance des ressources marines et côtières, dont regorgent les 3.500 km de côtes marocaines. 

Les océans, un puits de carbone bleu

Or, les activités humaines poussent ces ressources au bord de l’asphyxie. Ces dernières décennies, les stocks de poissons du domaine maritime marocain ont diminué à cause de : 

- la pêche illicite, non réglementée et non déclarée, qui représente près de 15% des prises totales selon la FAO ;  

- la surpêche et la surcapacité ; 

- des habitats halieutiques qui pâtissent de la pollution, de l’aménagement du littoral et des pratiques de pêche destructrices qui entravent la reconstitution des stocks de poissons.

A terme, l’impact environnemental de la dégradation de la santé des océans pourrait avoir des conséquences dramatiques. Car les mangroves et autres habitats végétaux marins sont des puits de carbone bleu qui peuvent fixer 25% des émissions de CO2. Ils constituent également des remparts contre les tempêtes et les inondations côtières. 

Pour éviter le pire, le département de la Pêche maritime est à l’initiative de plusieurs mesures dans le cadre de la stratégie Halieutis et du Programme national de développement de l’économie bleue, en étroite collaboration avec l’Institut national de recherche halieutique (INRH). 

Acteur majeur de la révolution Halieutis, "le budget de l’Institut a triplé en l’espace de dix ans, passant de 100 millions de dirhams à plus de 300 MDH", indique Abdelmalek Faraj, directeur de l’INRH. "Sur la même période, nous avons également mobilisé plus de 1,5 milliard de dirhams dans la recherche halieutique, soit en termes d’infrastructures ou de projets", indique-t-il. 

Il n’en faudra pas moins au regard des exigences fixées : instaurer la productivité des océans, engendrer des bénéfices pour les opérateurs du secteur et garantir aux populations côtières croissance, sécurité alimentaire et emplois pour l’avenir. 

Une nouvelle approche de spatialisation de l’effort de pêche

L’une des options choisie par le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime prend la forme de plans d’aménagement et de gestion des pêcheries. Ils servent à délimiter une ou plusieurs unités d’aménagement, ainsi que des unités marines protégées

Ce plan de redressement détermine également les espèces ou les groupes d’espèces surexploitées et fixe les objectifs de gestion des pêcheries, avec en ligne de mire, la préservation de la biodiversité et les écosystèmes marins en vue d’une exploitation durable et rationnelle des stocks halieutiques. 

Il s’agit aussi de tenir compte de la disponibilités des ressources, des facteurs socio-économiques, des droits de pêches attribués et de l’approche de précaution. Régis par le décret N°2-18-722, du 30 septembre 2019, cette mesure a été appliquée dans le cadre de la pêcherie des petits pélagiques (anchois, sardines…) et la pêcherie de l’espadon

A court terme, un plan d’aménagement est prévu au titre de la pêcherie marocaine aménagée. Celui de la pêcherie des petits pélagiques ambitionne de réduire la mortalité par pêche pour s’ajuster aux capacités biologiques des stocks, mais aussi de protéger les phases sensibles des différents stocks de petits pélagiques, "en particulier la sardine, identifiée grâce au suivi et à la détermination de la dynamique spatio-temporelle des cycles biologiques", précise le département de la Pêche maritime. 

Pour sa part, la pêcherie marocaine aménagée concerne plusieurs espèces, dont les crevettes, les algues et le poulpe. A cet effet, les mesures de gestion, qui n’ont pour l’instant été appliquées qu’aux crevettes, se déclinent comme suit : 

- des unités d’aménagements ; 

- des périodes de repos biologiques ; 

- des zones d’interdiction spatio-temporelle ;

- l’instauration de quotas, de taille marchande des espèces halieutiques et de seuil de tolérances des espèces accessoires.

Le plan d’aménagement de l’espadon se traduit quant à lui par la mise en œuvre, en Méditerranée, d’un programme de rétablissement du stock de l’espadon à l’horizon 2031, à hauteur de 60% au minimum. En Atlantique, ce plan d’aménagement prévoit la conservation du stock de l’espadon à un niveau d’équilibre

Trois aires marines protégées   

Les aires marines protégées (AMP) mises en place au Maroc font partie de la catégorie "Aires protégées pour la gestion des ressources naturelles", selon les critères de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Ce sont des aires marines où l’utilisation durable des écosystèmes naturels est privilégiée.

Actuellement, les trois AMP du Maroc sont gérées par des plans d’aménagement et de gestion des pêcheries, d’une durée de dix ans, réévalués tous les cinq ans :

- d’une superficie de 12.700 ha, l’AMP de Souss-Massa a été créée en 1991 ;

- mise en place en 2004, l’APM d’Al Hoceima compte une superficie marine de 24.400 ha ;

- l’APM de Khnifiss a été instaurée en 2006 et occupe 10.500 ha.

Dans le cadre du Programme national de développement de l’économie bleue, en partenariat avec la Banque mondiale, quatre nouvelles AMP seront créées à Agadir, Larache, au cap des Trois Fourches et à Boujdour. "L’INRH est un chaînon important de ce programme, car il évalue les stocks et alerte lorsqu’une espèce est sur le déclin afin d’instaurer un plan d’aménagement", précise une source au sein du département de la Pêche maritime. 

385 fermes aquacoles pour un investissement de 8,1 MMDH

Selon l’Agence nationale de développement de l’aquaculture, 188 fermes aquacoles sont en cours d’achèvement dans différentes régions du Maroc. Pour l’heure, il en existe 385. D’un investissement global de 8,1 MMDH, elles produisent 370.026 tonnes sur une surface de 10.455 hectares. Elles emploient 5.765 personnes :

- 19 fermes de poissons qui ont nécessité 5 MMDH d’investissement et occupent une superficie maritime de 4.283 ha. Leur production atteint 53.700 tonnes/an et elles emploient 1.017 personnes ; 

- 95 fermes d’algues marines qui produisent 219.950 tonnes par an, sur une superficie de 1.635 ha. Plus de 1.300 personnes y travaillent. Elles ont nécessité un investissement de 1,04 MMDH ;

- 266 fermes de conchyliculture, pour un investissement global de 1,5 MMDH. D’une superficie de 4.377 ha, elles emploient 3.226 personnes et ont un rendement de 91.285 tonnes/an ;

- 5 fermes d’élevages de crevettes, d’un investissement total de 490 MDH. Elles produisent 5.091 tonnes par an sur une superficie de 160 ha et emploient 210 personnes.

"La croissance du secteur halieutique dépend des fermes d’élevage car elles concernent principalement des produits de mer à haute valeur ajoutée", assure un opérateur du secteur. "C’est l’avenir du secteur halieutique", se réjouit-il.

Cependant, "les investisseurs sont parfois réticents à l’idée de financer des fermes coûteuses sans garantie de retour sur investissement. Car il suffit d’une tempête pour ravager tout un élevage", déplore d’une même voix plusieurs interlocuteurs, alertant sur la pénurie d’alevins, "qui sont essentiels au lancement d’une activité aquacole".

L’une des rares fermes aquacoles offshore au monde 

"Le développement de l’aquaculture est confronté à la cherté de l’alimentation et à la disponibilité des alevins", concède Abdelmalek Faraj. Majoritairement importés d’Espagne, les alevins sont de jeunes poissons destinés au peuplement des rivières, des étangs et des élevages. 

"Il y a une écloserie d’alevins de crevette expérimentale qui est en passe d’être mise en exploitation à Dakhla", annonce notre interlocuteur. "L’idée est de maîtriser la technique de production, un processus long et fastidieux."

"Un système d’élevage intensif sans impact environnemental sera mis en place", reprend-il. "Une fois terminé ce travail de longue haleine, nous essayerons de produire une espèce de crevette marocaine de haute valeur", ambitionne le directeur de l’INRH.  

Mais la problématique principale réside dans "notre incapacité à exploiter notre énorme potentiel maritime, notamment pour la pisciculture en mer, car nous avons très peu de zones protégées. La façade Atlantique du Maroc est ouverte au vent et aux tempêtes. Nous devons apprendre à opérer quelles que soient les conditions", estime M. Faraj, dont les chercheurs testent actuellement une ferme offshore en face de Sidi Ifni, dans l’océan Atlantique.

"Il n’existe que six ou sept fermes offshore dans le monde. Le département de la Pêche maritime nous a octroyé 40 millions de dirhams pour la réalisation de ce projet. L’objectif est d’apprivoiser ce nouveau milieu naturel pour définir un protocole et une marche à suivre", envisage M. Farraj. Ce protocole sera partagé avec des opérateurs privés.

"La ferme existe depuis juillet 2022, nous sommes en train d’observer la phase critique de l’hiver. Ce n’est pas une technologie achetée ou importée de l’étranger. Nous sommes certes accompagnés par des experts internationaux, mais c’est dans le but d’expérimenter des prototypes marocains de fermes offshore marocaines", se félicite-t-il. 

Une application pour combattre les rejets de pêche

Les rejets de pêche sont un fléau pour le secteur de la pêche maritime. Selon la FAO, il s’agit de la partie non débarquée des captures, composée de poissons non commercialisables (espèce protégée), blessés, inférieurs à la taille légale, de faible valeur économique ou dont les quotas sont épuisés. 

"Combattre cette mauvaise pratique n’est pas chose facile", avoue une source au sein du département de la Pêche maritime. "Car la problématique réside dans la surveillance des bateaux de pêche en haute mer." Pour contourner cette limite, "la Norvège a par exemple adopté la politique zéro rejet. Mais en l’état, une telle politique est inapplicable au Maroc", nuance notre source. Compte tenu notamment de la législation qui impose certains quotas et calibrage des prises.  

De son côté, l’INRH opte pour l’intelligence artificielle. "Nous développons la version 2.0 d’une application baptisée ‘Smart Fishing’", affirme Abdelmalek Faraj. Cet outil qui allie rentabilité et protection de l’environnement est basé sur des cartes de données biologiques et des prévisions météorologiques mises à jour quotidiennement", décrit-il.  

Dans sa version 1.0, l’application Smart Fishing est expérimentée "sur les petits pélagiques et possiblement dans le cas de la pêche au poulpe", poursuit-il. Une visée ambitieuse quelques fois contrariée par le manque d’accompagnement et de sensibilisation des pêcheurs. 

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