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Dossier Cet article est issu du dossier «Agriculture : Souveraineté et durabilité deux enjeux conciliables ?» Voir le dossier

AGRICULTURE Combien d'eau le Maroc exporte-t-il dans ses fruits et légumes ? Enfin une réponse scientifique

Le 20 avril 2023 à 18h56

Modifié 25 avril 2023 à 14h56

Voici la première étude scientifique marocaine qui quantifie la balance de l'eau virtuelle au Maroc, à l'export et à l'import des produits agricoles. Le point avec Abdeslam Boudhar, auteur principal de l'étude.

Vous êtes-vous déjà demandé combien d'eau virtuelle le Maroc exportait-il dans ses produits agricoles ? En d'autres termes, quelle est la quantité d'eau qui a été utilisée pour produire tel ou tel légume ou fruit exporté ?

Des chercheurs marocains apportent enfin une réponse. Beaucoup la trouveront surprenante. Le Royaume importe en effet davantage de produits consommateurs d’eau qu’il n’en exporte. L'eau virtuelle exportée est principalement contenue dans les légumes, et celle importée est contenue dans les céréales. 

Une étude inédite réalisée par ces chercheurs, qui a nécessité trois ans de travail, livre une estimation complète de l'exportation et de l'importation d'eau virtuelle dans le commerce extérieur de 40 cultures, au cours de la période allant de 2000 à 2017.

Les résultats soulignent que le Royaume a été un importateur net d'eau virtuelle au cours de la période étudiée. Autrement dit, "la balance de l’eau virtuelle est positive", précise Abdeslam Boudhar, l’auteur principal de l'étude*. 

"Lorsqu’on compare les exportations en eau du Maroc à ses importations, on remarque que le pays importe plus de produits agricoles consommateurs d'eau. Mais il doit en importer davantage et exporter encore moins, car la situation hydrique du pays est alarmante", estime le chercheur du Laboratoire d'études et de recherche en sciences économiques et de gestion (LERSEG) de l’université Sultan Moulay Slimane à Béni Mellal. 

Partant de ce postulat, le commerce de l'eau virtuelle, établi sur le modèle climatique Penman-Monteith de l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), "pourrait être un outil efficace pour atténuer la pénurie d'eau", assure notre interlocuteur. D'autant que "l'exportation totale d'eau virtuelle a eu tendance à augmenter, tandis que l'importation diminue", précise-t-il. 

En matière d'intensité hydrique des produits végétaux exportés, "elle est excessivement concentrée sur les produits à forte intensité hydrique, tels que les mandarines, les figues, les oranges, les abricots, les prunes, les agrumes, les olives, les tomates, les asperges, les pommes de terre, les pois et les artichauts", complète l'étude en question.  

Importations d'eau virtuelle : orge, maïs et blé principalement

En détail, les cinq principales cultures en termes d'importation d'eau virtuelle au cours de la période étudiée sont l'orge, le maïs, le blé, les dattes et les lentilles séchées. L'eau virtuelle importée contenue dans ces produits végétaux représente 99% du volume total d'eau virtuelle importée. 

La plus importante quantité d’eau virtuelle importée dans la catégorie des céréales est issue de l'orge ; elle représente environ 45% du volume total d'eau virtuelle importée dans la catégorie des céréales (150 millions de tonnes sur la période entre 2000 et 2017). L’orge devance le maïs, le blé, le millet et l'avoine.

Les légumineuses importées les plus gourmandes en eau sont les lentilles séchées et les pois chiches. 

S'agissant des légumes, au cours de la période 2000-2017, les cinq cultures les plus importantes du point de vue de l'importation d'eau virtuelle sont ci-dessous :

- les pommes de terre ;

- les olives ;

- les tomates ;

- les pois ;

- les asperges.

Pour ce qui est des fruits importés, les cinq premiers selon le critère de l'eau virtuelle sont :

- les dattes ;

- les poires ;

- les pommes ;

- les raisins ;

- les bananes.

L'eau virtuelle importée dans ces produits fruitiers représentait seulement 1% du volume total de l'eau virtuelle des 40 cultures étudiées.

Exportations d'eau virtuelle : olives, mandarines et tomates principalement

En termes d’exportation d'eau virtuelle entre 2000 et 2017, les cinq produits végétaux trustant les premières places sont :

- les olives ;

- les mandarines et clémentines ;

- les tomates ;

- les abricots ;

- les fraises.

Bien que les olives aient la teneur en eau la plus élevée, elles sont pourtant présentées comme étant une culture éco-responsable, comme l’a récemment rappelé Mohammed Sadiki, ministre de l’Agriculture.

"L’olivier consomme de l’eau mais, en termes économiques, il est rentable contrairement à d’autres cultures", nuance Abdessalam Boudhar. 

Quant aux cinq légumes exportés qui consomment le plus d’eau, ils se déclinent comme suit :

- les pommes de terre ;

- les olives ;

- les tomates ;

- les pois ;

- les asperges.

Concernant les légumineuses, les pois chiches sont le principal produit agricole exportateur d'eau virtuelle. Viennent ensuite les lentilles sèches. 

Les cinq premiers fruits en termes d'exportation d'eau virtuelle sont :

- la mandarine et la clémentine ; 

- les abricots ;

- les fraises ;

- les oranges ;

- les melons.

L'eau virtuelle contenue dans ces produits représente environ 26% du volume de l’eau virtuelle exportée. Les avocats n'ont pas été inclus dans l'étude en raison de l'absence de données.

En outre, les dix principaux fruits dont la balance commerciale est négative en termes de teneur en eau sont les suivants : 

- les mandarines et clémentines ;  

- les figues ; 

- les oranges ;

- les abricots ; 

- les prunes ; 

- les agrumes ;  

- les pamplemousses ; 

- les pastèques ;  

- les framboises ; 

- les pêches et nectarines.

Par ailleurs, les auteurs de l’étude précisent que les dattes sont également une culture très gourmande en eau, mais indiquent qu’un investissement important a été réalisé pour augmenter la production et les exportations dans ce secteur. 

Équilibre et spécialisation régionale

En résumé, l’étude indique que le Maroc a une structure de commerce d'eau virtuelle préjudiciable à ses ressources en eau. Pour y remédier, "le pays devrait modifier l'utilisation de l'eau dans l'agriculture à grande échelle", estiment les auteurs. 

En ce sens, "il faut trouver un équilibre entre les exportations et importations de produits agricoles. Car si l’idée est d’exporter pour avoir des devises afin d’importer d’autres produits dont on a besoin, il faut tenir compte du manque de disponibilité en eau", recommande Abdeslam Boudhar.

Les auteurs de l’étude préconisent également un arrêt des subventions des cultures consommatrices d’eau dans le cadre de la politique agricole, à l'instar de celui des subventions à l’irrigation d’agrumes et d'avocats, décidé par le ministère de l'Agriculture. 

Or, d'après les opérateurs agricoles consultés, une telle mesure n'empêche pas la croissance de ses filières, car les investisseurs dans ces produits agricoles peuvent se passer des subventions. "L’impact de cette décision dépend des agriculteurs car c’est une question de coût/bénéfice", précise Abdeslam Boudhar.

"Si l’agriculteur arrive, sans subventions, à produire et réaliser des bénéfices, il va certainement continuer cette activité, à moins que l’état n’intervienne pour carrément interdire les exploitations de produire telle ou telle culture."

De plus, l'étude évoque la possibilité de refuser, dans le cadre de la politique agricole, des partenariats avec des pays étrangers qui ne consomment pas beaucoup d'eau. Enfin, "l'Etat doit promouvoir la technologie et la recherche scientifique dans le domaine agronomique afin de mettre en place des cultures adaptées aux spécificités de chaque région en termes de ressources en eau", insistent les chercheurs.

A ce titre, il faudrait encourager une politique agricole qui combine les considérations financières et écologiques. "Les agriculteurs doivent assurer un revenu raisonnable pour en vivre, mais on doit en parallèle tenir compte de la nouvelle donne écologique", avance Abdeslam Boudhar.

"Lorsqu’on propose une solution écologique, elle contient une dominante économique. Par exemple, quand on propose aux agriculteurs de s’adapter aux conditions climatiques, il est certain d'être gagnant sur le plan économique parce que s’il ne respecte pas la situation écologique de la région, il risque de tout perdre en cas de pénurie d’eau", assure-t-il.

"Nous travaillons sur un projet de recherche lié à la gestion durable de l’eau agricole dans les régions de Béni Mellal, Khénifra, El Haouz et Souss, en collaboration avec l’université Mohammed VI polydisciplinaire de Ben Guérir, les universités Ibn Zohr d'Agadir, Cadi Ayyad de Marrakech et Sultan Moulay Slimane de Béni Mellal. La question s’impose", conclut-il.

(*) Une étude réalisée par Abdeslam Boudhar¹, Said Boudhar², Mohamed Oudgou³ et Aomar Ibourk⁴.

  1. Laboratoire d'Etudes et de Recherche en Sciences Economiques et de Gestion (LERSEG), Faculté Polydisciplinaire, Université Sultan Moulay Slimane, Béni Mellal 23000, Maroc
  2. Département des sciences économiques, Faculté de droit, des sciences économiques et sociales, Université Cadi Ayyad, Marrakech 40000, Maroc
  3. Laboratoire d'Etudes et de Recherche en Sciences Economiques et de Gestion (LERSEG), Ecole Nationale Supérieure de Commerce et de Gestion, Université Sultan Moulay Slimane, Béni Mellal 23000, Maroc
  4. Laboratoire d'Economie Sociale et Solidaire, Gouvernance et Développement (LARESSGD), Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales, Université Cadi Ayyad, Marrakech 40000, Maroc

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