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Dossier Cet article est issu du dossier «Agriculture : Souveraineté et durabilité deux enjeux conciliables ?» Voir le dossier

AGRICULTURE AgriTech. À MAScIR, la recherche technologique ambitionne de dessiner l’agriculture marocaine de demain

Le 27 avril 2023 à 14h26

Modifié 28 avril 2023 à 9h30

SPÉCIAL SIAM. Booster la productivité agricole, analyser les sols pour rationaliser la gestion des ressources ou encore mesurer la teneur en sucre ou le taux d’acidité d’un aliment en dehors des laboratoires… Ce sont là quelques innovations technologiques sur lesquelles travaillent les chercheurs de la Fondation MAScIR, relevant de l’Université Mohammed VI Polytechnique. Médias24 vous embarque dans les coulisses de cette fabrique marocaine de l’agriculture 4.0. Reportage.

L’agriculture de demain se prépare aujourd’hui. La recherche scientifique et technologique est le pilier de cette agriculture du futur. Le Maroc n’est pas en reste dans cette marche vers l’avenir, notamment quand il s’agit de la recherche scientifique et technologique appliquée à l’agriculture.

Centre de recherche et développement pluridisciplinaire, la Fondation MAScIR, qui a pour mission principale de promouvoir la R&D appliquée et applicable à des besoins concrets, en est la preuve. Le centre, qui relève de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), répond à des problématiques industrielles pour valoriser les résultats de la recherche et contribuer à l’émergence, au Maroc, d’une nouvelle économie du savoir.

Ici, pas moins de 3.000 m2 de laboratoires et de plateformes technologiques sont entièrement consacrés aux projets de recherche scientifique et technologique de cette fondation. Créée il y a quinze ans, MAScIR compte aujourd’hui 210 collaborateurs, principalement des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens et des doctorants.

Sa production scientifique prend déjà du poids, puisqu’aujourd’hui, le nombre de ses publications se situe autour de 700 articles parus dans des revues scientifiques de renom.

Lors de notre visite des nouveaux locaux de la fondation qui a récemment pris ses quartiers à Benguérir au sein du Campus de l’UM6P, nous avons rencontré les chercheurs qui ont pris part aux principales réalisations de MAScIR dans le domaine de l’innovation technologique dédiée l’agriculture.

En discutant avec les chercheurs et la directrice générale de MAScIR au sein de leurs laboratoires à Benguérir, nous avons eu accès, en coulisses, à d’intéressantes percées scientifiques dans le domaine de l’agriculture.

C’est donc un voyage dans l’univers fascinant de l’infiniment petit, s’agissant des biostimulants, et du hautement technologique quand il est question de Smart Devices ou de capteurs thermiques, que Médias24 propose dans ce reportage.

Car on le sait déjà, grâce à la recherche scientifique, l’agriculture se délestera de ses gros engins pour se faire accompagner désormais par les "appareils intelligents", les capteurs thermiques, les drones, ou encore les micro-organismes biologiques, etc.

"Notre objectif aujourd’hui est de répondre aux problématiques de santé publique, des énergies renouvelables, de développement durable, d’économie circulaire, des mines, et enfin, de l’agriculture. Pour le domaine de l’agriculture, et comme c’est une thématique transversale, toutes les équipes de MAScIR s’y sont intéressées. Typiquement, si l’on prend l’équipe de biotechnologie végétale, elle a développé une vraie expertise qui est reconnue au niveau national et à l’échelle internationale en matière de micro-algues, de sa valorisation et de ses multiples applications", commence par nous expliquer Nawal Chraïbi, directrice générale de la fondation.

Réduction de l’empreinte carbone

"Nous cherchons à explorer et à exploiter le monde des micro-algues et des cyanobactéries pour répondre aux problèmes liés à l’empreinte carbone, à la mauvaise gestion des ressources naturelles et des terres agricoles", précise Chanda Mutale Juan post-doctorante au Centre de biotechnologie des algues de MAScIR, blouse blanche et mains gantées, dans le laboratoire du centre.

Les micro-algues et les cyanobactéries sont des micro-organismes aquatiques photosynthétiques. Ils sont facilement manipulables et n’ont pas besoin de terres agricoles pour leur production. En plus, ils ont un bon impact écologique et produisent surtout des composants bioactifs qui peuvent être exploités dans le développement des biostimulants.

"Nous avons réalisé une étude scientifique approfondie pour la culture des micro-algues et des cyanobactéries, l’extraction des composés et des molécules bioactives, la caractérisation biochimique et la formulation de ces biostimulants. Nous allons ensuite utiliser ces biostimulants pour les étudier sur les plantes en termes de croissance, d’assimilation des nutriments par les racines, de tolérance vis-à-vis des stress abiotiques, et enfin, de rendement", soutient Chanda Mutale Juan. On parle de stress abiotique quand il y a des carences en nutriments.

Les biostimulants pour booster la productivité agricole

Pour ce projet dédié au développement de biostimulants à partir de micro-algues, l’équipe de biotechnologie végétale a effectué une collecte de plus de 200 souches de micro-algues sur tout le littoral marocain. Ce sont des souches caractérisées qui permettent de savoir laquelle fonctionne le mieux dans le développement d’un biofertilisant ou d’un biostimulant dans le cadre d’une agriculture durable. Il s’agit là du tout premier biostimulant à base de micro-algue au Maroc. Autant dire que c’est une prouesse scientifique.

Les biostimulants sont des substances organiques qui ne contiennent pas de produits chimiques et permettent la rationalisation et la réduction de l’utilisation des fertilisants chimiques et des pesticides. Ce qui protège les sols et les nappes phréatiques de la contamination, et assure donc la protection de l’environnement et la santé dans un cadre de développement durable.

En plus, "le rôle des biostimulants est le renforcement du système naturel de défense et de croissance de la plante dans l’objectif d’améliorer l’assimilation des nutriments par les racines, la tolérance face au stress abiotique et la croissance, et par conséquent la productivité agricole", précise Chanda Mutale Juan.

Un argument de taille quand on sait que la population mondiale atteindra la barre des 10 milliards de personnes d’ici 2050. D’où l’urgence d’accroître la production agricole pour nourrir la planète en ayant recours à des technologies en ligne avec la durabilité. D’autant que d’ici là, l’humanité sera confrontée aux impacts du réchauffement climatique, à la dégradation des sols et à d’autres stress biotiques (des virus ou des maladies qui endommagent les plantes), et et abiotiques qui affectent la production agricole.

TecAlga, la startup chargée de produire et de commercialiser ce biostimulant

Tout ce qui a été fait au niveau des études en laboratoires en lien avec ces biostimulants a déjà été validé, après test dans les champs agricoles et dans les serres. L’objectif était de voir si ces composés extraits et formulés avaient des effets positifs sur les plantes à travers l’augmentation de la productivité des cultures. Aujourd’hui, il y a des échantillons qui ont été approuvés par des clients cibles. Le produit est donc prêt pour son usage sur le marché.

Suite à leur recherche dans ce domaine bien spécifique, les équipes de MAScIR ont créé TecAlga, la startup chargée de produire et de commercialiser ce biostimulant.

MAScIR devient d’ailleurs un véritable partenaire des groupes agroalimentaires quand il s’agit de trouver des solutions sur mesure pour répondre à des problématiques réelles dans leur activité et les aide ainsi à faire face à ces défis grâce à une approche innovante et durable.

Les Smart Devices pour l’analyse des sols et les produits de la terre

Les équipes de la fondation se penchent également sur l’usage de la digitalisation et des Smart Devices dans le développement agricole. Une équipe spécialisée dans la microélectronique a développé une expertise en matière de spectroscopie proche infra-rouge. Il s’agit d’une technologie qui permet de mettre au point des dispositifs intelligents d’analyse en temps réel des produits de la terre, sans utilisation de réactifs ou de consommables.

"Aujourd’hui, nous avons mis en place un dispositif d’analyse de matières organiques du sol et un autre qui permet de mesurer instantanément le taux d’acidité, les diènes conjuguées ainsi que le mix dans l’huile d’olive. Un troisième dispositif, appelé le Fruit Grading, mesure pour sa part le taux de brix, c’est-à-dire la teneur de sucre dans un fruit, un agrume typiquement, sans le détériorer, grâce justement à l’utilisation de la spectroscopie proche infra-rouge", affirme Nawal Chraïbi.

Salah-Eddine Itqiq, ingénieur en systèmes embarqués et informatique au Centre digitalisation et dispositifs microélectroniques intelligents à MAScIR, nous explique que le but de ces technologies est l’amélioration de l’efficacité, des rendements et de la rentabilité des parcelles. "Le premier device sur lequel nous travaillons est la station météo. L’objectif est d’améliorer la précision pour une parcelle agricole et connaître la température, l’humidité et la pluviométrie. Il y a aussi un autre device, un capteur de sol. Il s’agit d’un capteur optique qui permet d’être efficace quand il est question de connaître le contenu du sol et ses différents paramètres comme la matière organique, l’azote ou le fer", nous expose Salah-Eddine Itqiq.

Ces informations techniques représentent d’importants outils de diagnostic et de gestion des parcelles agricoles. Si on veut schématiser, on dira que c’est une sorte de tableau de bord pour le producteur agricole qui lui permet de mieux aiguiller son approche et donc de prendre des décisions en ayant de la bonne "Data".

Mieux gérer les ressources grâce à l’optique photonique

Le troisième axe de développement des chercheurs de MAScIR dans le domaine agricole est l’optique photonique et plasmonique. Il faut savoir que l’optique photonique appliquée à l’agriculture permet, grâce à des capteurs, de repérer la forme et le relief des sols, la couleur et l’épaisseur de tout ce qui est visible et de détecter les substances invisibles comme le gaz. Toutes ces données sont d’inestimables informations pour mieux gérer les ressources et améliorer donc la productivité.

Les équipes d’optique photonique et plasmonique de la fondation ont travaillé dans ce cadre sur une technologie qui leur a permis de développer un "lidar" (en anglais, Light Detection And Ranging, ndlr) pour les besoins de l’agriculture. Un lidar est un radar doté d’une grande précision.

Abdessamad Elbaraghi, Data Scientist au département Optique Photonique et Plasmonique de MAScIR, nous explique cette technologie : "Nous travaillons avec un drone équipé de capteurs qui nous permet de collecter des informations pour faire des cartographies 3D du terrain. Cela facilite la tâche aux agriculteurs et aux spécialistes d’inspecter et de visualiser ces terrains-là, et de détecter des problèmes ou des maladies dans les plantes, s’il y en a."

Il ajoute : "Le premier objectif de ce projet est la détection du stress hydrique. L’idée est de savoir où il y a exactement un manque d’eau. Le deuxième est l’analyse des cultures. On s’intéresse beaucoup au stress biotique et abiotique. Le dernier objectif est l’estimation du rendement."

Grâce à cette innovation technologique, il est possible d’extraire des indices de végétation et de développer ensuite des modèles en utilisant ces paramètres. Tout ceci donne lieu au final à la création d’une cartographie 3D qui permet d’avoir des informations, comme la topographie des champs, à savoir la hauteur, la longueur et la morphologie des parcelles et des plantes. "Et tout cela aide les agriculteurs à prendre des décisions pour gérer leurs ressources", souligne Abdessamad Elbaraghi.

"Une des missions principales de la Fondation MAScIR est de valoriser les résultats de la recherche. Cette valorisation se fait par différents moyens : la création de spin off, ou startups, ou le transfert de technologie à des compagnies qui sont intéressées par les briques technologiques (un élément d’un produit ou d’un processus remplissant une fonction définie ou disposant d’une propriété spécifique et qui a une valeur marchande, ndlr) développées. Aujourd’hui, dans le domaine de l’AgriTech, nous comptons pas moins de trois startups qui abritent toutes ces briques technologiques que l’on a parcourues aujourd’hui dans nos laboratoires, et qui permettent de se substituer à des produits importés et de répondre aux besoins de l’agriculteur marocain et africain." C’est ainsi que Nawal Chraïbi conclut cette tournée dans la fabrique de l’agriculture 4.0 à l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P).

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