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Construire parasismique et en terre crue, c'est possible

Les techniques traditionnelles locales de construction en terre ont résisté à l’épreuve du temps dans de nombreuses régions du Maroc, avant d’être confrontées au séisme d'Al Haouz qui a provoqué de nombreux décès et l'apparition de villes fantômes. Le défi actuel consiste à reconstruire des bâtiments qui préservent l’identité des villages sinistrés tout en offrant une protection contre les séismes.

Construire parasismique et en terre crue, c'est possible

Le 18 septembre 2023 à 16h31

Modifié 19 septembre 2023 à 8h42

Les techniques traditionnelles locales de construction en terre ont résisté à l’épreuve du temps dans de nombreuses régions du Maroc, avant d’être confrontées au séisme d'Al Haouz qui a provoqué de nombreux décès et l'apparition de villes fantômes. Le défi actuel consiste à reconstruire des bâtiments qui préservent l’identité des villages sinistrés tout en offrant une protection contre les séismes.

Comme expliqué dans un précédent article, le Maroc est doté, depuis 2002, d'un dispositif légal en matière de construction parasismique (RPS 2000) qui a pour objectif "d'assurer la sécurité du public pendant un tremblement de terre, de protéger les biens matériels et d'assurer la continuité de la fonctionnalité des services de base".

En 2013, ce dispositif légal a été enrichi par le règlement parasismique pour les constructions en terre. L’enjeu premier est d’améliorer la performance sismique des constructions en terre et de les rendre suffisamment résistantes face à d’éventuelles secousses, au même titre que les constructions en matériaux dits "conventionnels" : ciment, béton, verre...

La ductilité et la stabilité globale de la construction en terre sont assurées par "le respect des exigences minimales portant sur les règles générales de conception architecturale, les caractéristiques des matériaux utilisés, les performances mécaniques des structures de contreventement, les systèmes de renforcement, les conditions de liaison entre les différentes composantes constitutives, les dispositions constructives et les conditions de mise en œuvre", explique ce texte.

Ces exigences sont détaillés dans ce même règlement qui distingue deux types d’ouvrages :

  • les bâtiments d’habitation en terre réalisés par des auto-constructeurs, sans l’obligation de recours à un architecte ou à un ingénieur spécialisé ;
  • les bâtiments d’habitation en terre soumis à l’obligation de recours à un architecte ou à un ingénieur spécialisé, pour l’obtention du permis de construire.

Bauge, pisé et adobe 

La bauge, le pisé et l’adobe sont les principales techniques locales traditionnelles de construction en terre. Il existe également le torchis, le mortier de terre. Toutes sont prises en compte dans l'élaboration du réglement parasismique pour les constructions en terre.

Le pisé consiste à disposer la terre sèche dans des coffrages avant de la tasser pour en chasser l'air. Après compactage, on peut monter un nouvel étage. La technique de l'adobe repose sur l'utilisation de briques de terre crue, renforcées d'un peu de paille hachée et séchées au soleil.

Concernant la bauge, il s'agit d'empiler de la terre crue, gorgée d'eau pour la rendre plastique. Toutefois, le matériau utilisé étant assez liquide, le mur est exposée à un risque d'affaissement.

Ces trois techniques permettent de monter les murs des habitations traditionnelles en terre crue. Toutefois, il est expliqué dans le réglement que "les fondations des murs doivent être en maçonnerie de pierres à mortier à base d'un liant hydraulique (chaux ou ciment) ou en béton cyclopéen, ou un chaînage en béton armé formant la semelle d'un mur en maçonnerie de pierres ou en briques pleines en béton".

Il est donc important de prendre cet élément en considération dans la construction en terre crue, afin de se conformer aux normes parasismiques, d'assurer la sécurité des habitants, mais aussi la protection des biens matériels.

Allier construction en terre et normes parasismiques 

Le texte souligne qu’avant même de penser à la conception et la construction, il est nécessaire de comprendre la particularité des matériaux en terre et leur comportement structural vis-à-vis des secousses sismiques, mais aussi d'identifier les régions où ils sont le plus adaptés.

Concernant les exigences qui encadrent la construction en terre, il s'agit entre autres de :

  • L'interdiction de construire des bâtiments en terre sur des sols mous, expansifs, marécageux, inondables, à risque de glissement, en présence de nappe phréatique superficielle, ou à moins de deux km de distance de failles géologiques actives connues.
  • La nécessité de préserver les structures en terre de l'action de l'eau, "principale cause de dégradation et d'affaiblissement de leur capacité résistante".
  • Les terres utilisables pour la construction de bâtiments en terre doivent être pures de toutes matières organiques et être composées comme suit : 10% à 20% d'argile, 15% à 25% de silice, 55% à 70% de sable.
  • Les matériaux utilisés ne doivent présenter aucune fissure ou défaut. Le pisé et l’adobe particulièrement ne doivent contenir aucun matériau étranger, graines ou racines végétales, ou tout autre défaut pouvant diminuer leur durabilité.
  • Les bâtiments construits en terre non stabilisée doivent recevoir un enduit comme mesure de protection contre les effets de l'érosion et de l'humidité.
  • Les bâtiments d'habitation en terre seront limités en hauteur à un seul niveau dans la zone 4 et 3, ou zone à haut risque sismique, et à deux niveaux dans les zones sismiques 2, 1 et 0.
  • Il est recommandé d’adopter des plans d’architecture aussi symétriques que possible.
  • Les angles sont les premiers à monter. La montée du mur doit être uniforme sur toute la longueur.
  • Les murs porteurs doivent avoir une épaisseur minimum de 40 cm.
  • Les ouvertures doivent être de préférence de taille réduite et centrées dans les murs.
  • Adopter un système de renforcement adéquat, à travers un contrefort en terre, en bois ou un raidisseur vertical en béton armé avec armatures latérales enrobées d’un mortier à ciment et noyées dans le mur en terre, comme décrit dans le règlement.

Techniques de vérification de la qualité des matériaux

Plusieurs procédés d'essais de terrain pour déterminer les bonnes terres et leur qualité sont détaillés dans le réglement.

À titre d’exemple, pour le pisé, Il est recommandé de recourir aux tests traditionnels locaux. Dans un premier temps, la terre doit être humidifiée pendant trois à dix jours, puis une fois "correctement fermentée", elle doit être travaillée dans les formes de banche (coffrage). C’est à ce niveau que démarre le test de compactage.

Dans le détail, "chaque jour en fin de journée, les formes de banche de la dernière banchée seront laissées sur place et attachées, et celle-ci sera submergée d'eau. Si le lendemain matin l'eau recouvre toujours la banchée avec les formes, le pisé est bon, et la construction peut reprendre. Mais si le pisé a absorbé l'eau, cela veut dire qu'il n'a pas été correctement compacté, et en conséquence la dernière banchée doit être détruite et refaite à neuf", peut-on lire.

Pour les constructions en adobe, l’investigation porte sur la préparation de cinq ou six petites boules de terre ayant approximativement 2 cm de diamètre. Celles-ci doivent sécher pendant 48 heures, avant de procéder à leur écrasement entre l'index et le pouce.

Si aucune ne s'écrase, la terre contient assez d'argile pour être utilisée dans la construction en adobe, à condition que le contrôle de microfissures provoquées par le processus de séchage soit effectué. Si quelques-unes des boules écrasées se brisent, la terre n'est pas adéquate parce qu'elle ne contient pas assez d'argile et devrait être écartée.

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