Au Maroc aussi, des tempêtes de plus en plus fréquentes et intenses suite au réchauffement climatique
Quatre tempêtes de grande ampleur ont frappé l’Europe du Sud-Est, l’Europe de l’Ouest et une partie de l’Afrique du Nord entre septembre et novembre, période au cours de laquelle le Maroc a été traversé à son tour par des épisodes de fortes rafales de vent couplées à des chasse-poussières. Voici les explications de la Direction générale de la météorologie ainsi que du climatologue Mohamed Saïd Karrouk.
Au Maroc aussi, des tempêtes de plus en plus fréquentes et intenses suite au réchauffement climatique
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Basma Khirchi
Le 8 novembre 2023 à 13h13
Modifié 8 novembre 2023 à 16h59Quatre tempêtes de grande ampleur ont frappé l’Europe du Sud-Est, l’Europe de l’Ouest et une partie de l’Afrique du Nord entre septembre et novembre, période au cours de laquelle le Maroc a été traversé à son tour par des épisodes de fortes rafales de vent couplées à des chasse-poussières. Voici les explications de la Direction générale de la météorologie ainsi que du climatologue Mohamed Saïd Karrouk.
"Daniel", "Ciaran", "Babet", "Agnès"... Les appellations diffèrent mais le phénomène reste le même : des tempêtes. Ces quatre perturbations de grande ampleur ont traversé l’Europe du Sud-Est, l’Europe de l’Ouest et une partie de l’Afrique du Nord rien qu’entre septembre et novembre, provoquant inondations, décès et dégâts matériels.
🚨Video shows catastrophic flooding hitting Derna, Libya after dams collapse during Storm Daniel.
5,300 people confirmed dead, according to local officials. (Dredre babb)#storm#إعصار_دانيال#Libya #Libye #sel #Weather #HurricaneDaniel #Daniel #StormDaniel #Danielle #Libia pic.twitter.com/uOQ5wzw4sD
— Jazath (@Jazath96) September 13, 2023
#Libye Après le tremblement de terre au Maroc, des inondations dévastatrices font plus de 2.000 morts et des milliers de disparus en Libye à la suite du passage de l'ouragan Daniel. La situation est catastrophique à Derna. Une partie de la ville a été rayée de la carte. pic.twitter.com/PczYWgJFjt
— Tchad One (@TchadOne) September 11, 2023
Le dimanche 22 octobre, des vents d’une violence exceptionnelle ont également soufflé dans plusieurs villes du Maroc, provoquant une série d’incidents et perturbant significativement le trafic routier et aérien. Dans les plaines au nord d’Essaouira, les rafales de vent ont atteint localement une vitesse de 100 km/h.
Une telle fréquence couplée à une forte intensité est-elle normale? Le monde, ainsi que le Maroc, ne s'installent-ils pas dans un climat fortement instable et qui sera ponctué d'épisodes similaires? Pour répondre à cette question, Médias24 a joint la Direction générale de la météorologie (DGM) ainsi que le climatologue Mohamed Saïd Karrouk.
Le réchauffement climatique augmente la probabilité de survenue des tempêtes, selon la DGM
"Les vents forts sont d’abord un phénomène météorologique naturel qui peut être influencé par divers facteurs météorologiques tels que les dépressions atmosphériques creuses, comme ce fut le cas dimanche 22 octobre 2023 au Maroc. Il peut aussi résulter d’une instabilité pendant le printemps ou l’été, comme ce fut le cas de la tempête de poussière survenue dans la région de Ben Guerir le 18 juillet 2023. Il s’agissait d’un front de poussière de plusieurs mètres de hauteur qui a balayé la région, réduisant la visibilité horizontale jusqu’à 0 mètre. Les rafales de vent avaient atteint 120 km/h", explique la Direction générale de la météorologie.
"Ce n’est pas la première fois que des vents forts se produisent dans les villes côtières marocaines. Situées sur la côte atlantique, elles sont parfois exposées à des conditions météorologiques variables, y compris des vents forts, en particulier pendant les saisons hivernales en raison de divers facteurs météorologiques tels que les dépressions atmosphériques creuses. D’ailleurs, le 1er mars 2018, des vents forts ont provoqué de lourds dégâts à Casablanca, à Rabat et dans d’autres villes. Le record des vents, qui est de 154 km/h, a été enregistré à Casablanca le 28 février 1965", poursuit la DGM.
"Les changements climatiques peuvent avoir des répercussions sur la fréquence et l’intensité des tempêtes, mais il est important de noter que chaque tempête est le résultat de multiples variables météorologiques. Les scientifiques observent des tendances à long terme liées aux changements climatiques, telles que la hausse des températures de surface de la mer, qui peuvent contribuer à des conditions météorologiques plus extrêmes. Il est donc difficile de lier directement une seule tempête à un changement climatique spécifique. Cependant, les études scientifiques montrent que le changement climatique peut augmenter la probabilité d’événements météorologiques extrêmes, y compris les tempêtes et les cyclones car la température de la mer a tendance à augmenter", conclut la même source.
Ci-dessous la carte du modèle marocain illustrant le rapprochement de la dépression du Maroc et entraînant des vents forts accompagnées de poussière.
Les phénomènes extrêmes, produits d’un bilan énergétique déséquilibré
"Ce que nous expérimentons aujourd’hui est la conséquence de l’évolution du climat, qui n’est rien d’autre que l’évolution du bilan énergétique planétaire. La température de la planète a en effet augmenté du fait que l’apport radiatif solaire est devenu plus important que le retour de ce même apport qui pénètre le sommet de l’atmosphère. Autrement dit, le bilan énergétique est déséquilibré : la part qui quitte l’atmosphère devrait être au même niveau que celle qui y entre. La hausse ces dernières décennies du bilan énergétique a induit une augmentation de la température. Nous faisons face à un nouveau climat par rapport à celui observé il y a 150 ans", affirme le climatologue Mohamed Saïd Karrouk à Médias24.
"Par conséquent, les phénomènes météorologiques sont devenus de plus en plus extrêmes par rapport à ceux observés auparavant. Ces mêmes phénomènes caractérisent aujourd’hui le nouveau climat prédominant. C’est comme si nous avions remplacé le moteur d’une machine par un autre moteur beaucoup plus puissant. Il faudra apprendre à vivre avec ce nouveau moteur, et surtout à le manier", enchaîne notre interlocuteur.
"Les perturbations installées sur nos latitudes sont inhabituelles"
"Durant la phase transitoire actuelle entre l’été et l’hiver, l’atmosphère emmagasine dans nos régions une grande quantité de vapeur d’eau formée en été, due à la hausse de la température. Quand nous nous déplaçons vers la saison d’hiver à travers l’automne, les températures baissent. Il y a une confrontation entre le froid et le chaud qui se fait maintenant dans des latitudes plus basses par rapport à avant. La tempête qui a touché la Turquie, la Grèce... s’est formée grâce au déplacement du froid dans son espace habituel, certes, mais dans des conditions inhabituelles", poursuit Mohamed Saïd Karrouk.
"Quand ce froid s’est déplacé vers le Sud, en traversant la Méditerranée, d’autres conditions sont entrées en jeu. La Méditerranée était très chaude, ce qui fait que de nouvelles quantités de vapeur d’eau se sont accumulées dans l’atmosphère. Cela a contribué à l’amplification de cette perturbation et à sa transformation en une grande tempête, ce que nous appelons "médicane" en référence à l’ouragan méditerranéen. Ce médicane a atteint la Libye et a déversé beaucoup d’eau, causant par extension beaucoup de dégâts (rupture de barrages, inondations, décès...). Les habitants de la région ne sont pas habitués à de tels phénomènes", souligne notre source.
"Les vents qui se sont abattus dimanche 22 octobre sur le Maroc sont également des perturbations inhabituelles qui se sont installées sur nos latitudes. Les nouvelles conditions font qu’il y a une nouvelle distribution des événements météorologiques. Au Maroc, la nouvelle distribution s’est traduite par une dépression qui a formé beaucoup de vent fort. Le vent devient fort lorsqu’il y a un fort gradient barométrique, que nous pouvons définir comme une grande différence de pression entre la hausse et la basse pression mais dans un espace très réduit. La poussière observée, elle, est d’ordre local. Les poussières étaient dues à l’assèchement du sol en raison de la forte sécheresse que nous avons vécue − à ne pas confondre avec les graines de sable qui se déplacent depuis le Sahara".
"Le génie civil doit prendre en considération le phénomène du vent"
"Concernant les latitudes européennes, il faut savoir que l’atmosphère n’a pas de frontière et que ces mêmes conditions énergétiques s’appliquent sur la Terre entière. La distribution de la chaleur est aujourd’hui concentrée dans le Nord. Nous observons par conséquent des perturbations qui commencent à se produire de manière précoce, mais aussi très développée et très intense. Les latitudes européennes connaissent ces dernières années, et pratiquement cette année, des perturbations similaires qui sont à l’origine de vents forts provoquant des vagues élevées... Les mêmes vents finissent par atterrir jusqu’à chez nous. Ils arrivent néanmoins tardivement, d’autant qu’ils sont atténués. Il faut désormais s’habituer à de telles perturbations et apprendre à vivre avec", soutient encore le climatologue.
"Le vent est un phénomène très important qu’il faut prendre en considération dans le génie civil, l’aménagement des villes et l’utilisation de nos espaces, qui doivent être adaptés à la force du vent. Les décideurs doivent considérer cette nouvelle donne pour la conception des poteaux par exemple, pour renforcer leur résistance, sans oublier les panneaux publicitaires et la canalisation des ruelles", conclut Mohamed Saïd Karrouk.
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