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Villes sans bidonvilles : un programme ambitieux aux fortes contraintes opérationnelles ?

ph-médias24
| Le 8/7/2024 à 17:39
Le nombre restant de logements en bidonvilles a été estimé à environ 120.000 unités réparties à travers le Royaume. Un nouveau programme a été présenté pour y remédier. D'un point de vue opérationnel, les professionnels de l'immobilier estiment qu'il est difficile à réaliser et peu rentable au regard des critères.

La circulaire du chef du gouvernement, émise le 3 juillet dernier, dessine les contours d'un nouveau programme destiné à éradiquer les logements insalubres sur l'ensemble du territoire national.

Cette circulaire indique que le nombre de logements en bidonvilles à traiter a été estimé à environ 120.000 unités réparties à travers le Royaume, d'après les chiffres du recensement initial réalisé par le ministère en charge de l'Habitat.

La région de Casablanca-Settat, à elle seule, prévoit la construction de 62.000 unités à horizon 2028. Le reste étant réparti dans d’autres villes du pays, principalement Larache, Marrakech, Salé, Témara-Skhirat ou encore Guercif.

Cette approche consiste à "reloger les familles vivant dans ces quartiers dans des logements de type F3 au minimum (composés de deux chambres, un salon, une cuisine et une salle de bain),  qui seront réalisés par les promoteurs immobiliers à la suite d'un appel à manifestation d'intérêt".

La structuration financière et le soutien de l'État pour ce programme ont été définis en fonction des types de logement : des unités d'une valeur de 250.000 DH hors taxes, qui entrent dans le cadre des conventions de logement social signées avant fin 2020, et des unités d'une valeur de 300.000 DH TTC.

Dans les deux cas, le bénéficiaire débourse 100.000 DH seulement, le reste étant pris en charge par l'Etat.

Mais comment cela se passera-t-il concrètement et est-ce que le programme rencontrera le succès attendu ? Difficile de prédire l'avenir mais, d'après les premiers échos du marché, l'enthousiasme n'est pas de mise. Des sources vont jusqu'à dire que "ce n’est pas cette initiative qui boostera le secteur immobilier".

Une frilosité des promoteurs pour le nouveau programme

Contacté, un opérateur nous explique la situation face à ce nouveau programme de villes sans bidonvilles. Deux cas de figure se présentent.

"Il faut être précis. Il y a deux programmes. Le premier, dans le cadre de l’ancien programme de logements sociaux de 250.000 dirhams HT, soit 294.000 TTC, pour les promoteurs qui ont des conventions encore valables. Il faut savoir qu’ils sont peu nombreux. Sur ce volet, des promoteurs sont intéressés à le faire, malgré les hausses des prix du foncier et des matériaux. Pourquoi ? Car ils ont des acquéreurs, donc le problème de la commercialisation est en moins".

Dans le second cadre, avec les logements à 300.000 dirhams TTC, il s’avère que cela intéresse moins les promoteurs du fait d’une fiscalité plus lourde. "Avant, les promoteurs percevaient 294.000 dirhams TTC sans payer d’impôts. Désormais, ils perçoivent 300.000 et payent des impôts à hauteur de 40.000 ou 50.000 dirhams. Cela fait que les promoteurs sont peu attirés par ce programme", explique notre source.

Aucune garantie de vente des produits livrés

Il y a aussi, la question du prix des logements fixés par la circulaire.  "Le problème est que le prix est arrêté. Produire un appartement à 250.000 DH, cela suppose que le foncier soit acheté, au plus, à 600 ou 650 dirhams le mètre carré. Or, ces prix de foncier n’existent plus dans les agglomérations. L’initiative est louable, mais il y a beaucoup de contraintes opérationnelles", explique un autre opérateur.

Par ailleurs, un appel à manifestation d’intérêt sera lancé pour la réalisation de ces logements. Mais pour notre interlocuteur, "il ne faut pas se dire qu’une sélection à un appel à manifestation d’intérêt veut dire vente de logements. Les bidonvillois refusent parfois les logements. Gagner un appel d’offres de 3.000 logements ne signifie pas que vous allez vendre 3.000 logements, loin de là. Si l’offre est mise à la disposition des populations et que les logements ne leur plaisent pas, il n’y a rien à faire. Ils n’ont pas obligation d’y aller", conclut notre source.

Au regard des avis collectés, la question de l'adhésion des promoteurs immobiliers au programme reste d'actualité. C'est un point central auquel le gouvernement doit accorder de l'attention s'il veut arriver à bout des bidonvilles.

Mais ce n'est qu'un défi parmi d'autres, car c'est un projet qui n'en manque pas vu la nature de la problématique qu'il traite.

La ministre du logement Fatima Ezzahra El Mansouri a d’ailleurs évoqué, le 3 juillet à la Chambre des Représentants, les différents sujets qui compliquent l'exécution et le bon déroulement du programme "Villes sans bidonvilles". Il s'agit de l'identification des bénéficiaires, de l'absence de critères d'éligibilité unifiés, de la régularisation du foncier et de son exploitation rationnelle, ainsi que de l'absence d'approches intégrées incluant, en plus du logement, la mise en place d'infrastructures publiques et de services publics essentiels.

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