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Événements de Fnideq : “Hrig 2.0”, les ressorts d'un phénomène inédit et spectaculaire (experts)

Les événements de Fnideq du 15 septembre ont eu cette particularité qu'ils ont été orchestrés via les réseaux sociaux et largement relayés sur ces canaux. Comment s'est déclenché le mouvement ? Quels sont les messages véhiculés ? Y a-t-il eu ingérence étrangère ou récupération ? Analyse et réponses d'experts.

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Événements de Fnideq : “Hrig 2.0”, les ressorts d'un phénomène inédit et spectaculaire (experts)

Le 19 septembre 2024 à 16h58

Modifié 19 septembre 2024 à 18h12

Les événements de Fnideq du 15 septembre ont eu cette particularité qu'ils ont été orchestrés via les réseaux sociaux et largement relayés sur ces canaux. Comment s'est déclenché le mouvement ? Quels sont les messages véhiculés ? Y a-t-il eu ingérence étrangère ou récupération ? Analyse et réponses d'experts.

En plein débat au Congrès espagnol sur la question du traitement des migrants mineurs non accompagnés, un mystérieux appel à traverser les frontières vers l’enclave de Sebta le 15 septembre est lancé sur les réseaux sociaux.

Une très forte mobilisation sur Internet, avec plusieurs dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de posts par jour à l’approche de la date fatidique.

À la base, une fake news

Selon l’expert en communication digitale et suivi des trends des réseaux sociaux Marouane Harmach, "ce sont des fake news qui ont alimenté la viralité des appels à se rendre dans le Nord. La plus importante est la soi-disant mise en place en Espagne d’une législation favorable aux migrants mineurs, renforçant l'idée que la migration vers le voisin du Nord pourrait offrir des opportunités plus favorables pour les jeunes, notamment pour ceux qui sont mineurs et non accompagnés".

L’autre rumeur est en lien avec la remise en liberté de Mounir Erramach en août dernier. Le célèbre trafiquant de drogue, qui, avec ses moyens et un présumé fort ressentiment contre les autorités, aiderait à organiser des navettes en go-fast entre le Maroc et l’Espagne. "Des vidéos anciennes, ayant déjà fait le buzz ont ainsi été repostées, montrant des tentatives de migration à partir des plages du Nord, donnaient une crédibilité accrue aux appels pour le 15 septembre", détaille Harmach.

Une communication multiforme

L'autre particularité de ces appels, selon notre expert, est qu’ils sont multiformes. "Il y a eu une création de contenus ciblés et multicanaux. Des reels sur Instagram, des vidéos sur TikTok, et des posts sur des groupes Facebook, ainsi que l’utilisation de boucles sur le réseau social Telegram ; ce qui laisse penser que c’est une vraie campagne", affirme notre expert.

Pour lui, s’il est difficile d’affirmer que la campagne ait été sciemment déclenchée depuis le départ, l’ingérence de groupes algériens, russes ou émiratis a été relevée. "Le plus probable est que les premiers appels aient été spontanés, avant d’être amplifiés par la suite. Pour le moment, seuls des moyens plus sophistiqués, notamment des moyens d’Etat, peuvent remonter au départ des appels et en déterminer l’origine et les intentions", commente-t-il.

Concernant les sujets récurrents, notre expert relève tout d’abord que le langage, la tonalité et les arguments de la plupart des messages montrent que c’est bien la catégorie NEET qui a le plus créé de contenus et contribué à faire enfler les appels.

Deux sujets principaux ont ainsi été fortement mobilisateurs : le premier à trait à la perte d’espoir dans les perspectives des jeunes au Maroc, où il n’y aurait plus "rien à faire" ; et son pendant, à savoir que le paradis est en Europe avec des opportunités économiques alléchantes.

Le second sujet est en lien avec la facilité de passer à l’acte, notamment avec la présumée implication des réseaux de trafic de drogue pour créer une sorte de "pont maritime". Cet argument est étayé par plusieurs images et vidéos de témoignages d'anciens harraga arrivés sur l’autre rive.

Par ailleurs, note Marouane Harmach, la réaction marocaine est arrivée de manière assez tardive, alors que le phénomène devenait viral. 

Les arrestations survenues à partir du 10 septembre ont augmenté la viralité des appels. Au-delà, notre expert relève que c’est symptomatique d’une désintermédiation accrue entre l’Etat et une large tranche de la jeunesse marocaine, en l’absence de relais politiques et sociétaux crédibles, accompagnée d’un appauvrissement des termes du débat public.

Un espace social digital avec un discours simpliste…

"Nous assistons à la naissance d’un espace social digital autorégulé par des NEET avec un nouveau discours très simpliste, qui appelle à des actes de désobéissance", analyse Harmach.

Un discours qui a trouvé écho auprès de ces jeunes grâce à une amplification sur les réseaux sociaux, après une récupération par des médias hostiles au Maroc, notamment chez notre voisin de l'Est, "qui a donné une place de choix à ce mouvement avec un suivi quotidien", affirme Harmach, alimentant de fait les débats sur Internet.

Un point que partage Khalid Mouna. Pour cet anthropologue spécialisé dans la migration et la région du Nord, "ce 15 septembre, nous n’avons pas assisté à une tentative de migration classique. Nous sommes face à autre chose".

Ce qui est nouveau est la "spectacularisation" de cette tentative, et son caractère national. Ce qui est aussi frappant, selon Khalid Mouna, est l’extrême jeunesse de la population concernée, avec de nombreux mineurs et des femmes venant de toutes les régions du Maroc.

"L’essentiel des gens qui ont essayé la traversée sont de jeunes Marocains de Benguérir, Khouribga, Béni Mellal, Errachidia, Khénifra, etc. qui ne voient plus d’avenir dans leur pays. Des jeunes qui courent derrière le dernier wagon du train 'Maroc', mais qui ont perdu l'espoir de le rattraper", explique Khalid Mouna.

Pour lui, les deux termes récurrents qu’on retrouve dans le discours de ces jeunes lors de leur prise de parole, y compris dans les médias, est d’une part "l7asla", c’est-à-dire le sentiment d’être piégé, et "lrisk", c’est-à-dire la prise de risque migratoire. Ces deux termes structurent leur imaginaire en opposant un semi-nomadisme risqué à une sédentarité sans perspective.

Autre élément nouveau, selon notre spécialiste de la migration, est que contrairement aux tentatives notamment des migrants subsahariens, qui tentent la "boza", c’est à dire la traversée en escaladant les clôtures métalliques, ces jeunes ont choisi la mer. "Cela rejoint un peu ce qui a été fait en 2022, en pleine crise entre le Maroc et l’Espagne, où des centaines de jeunes et d’enfants de Tanger, Tétouan et Fnideq ont tenté la traversée à la nage".

Vers une nouvelle tentative ?

Toutefois, contrairement aussi bien à la "boza", qui est longuement planifiée et coordonnée dans les camps de migrants de transit de manière secrète, ou encore la tentative de 2022 à Sebta qui, bien qu’elle ne fût pas préparée, a été effectuée par des jeunes connaissant parfaitement le terrain, les risques et rouages de la migration en Espagne, la tentative du 15 septembre 2024 a connu une préparation publique sur les réseaux sociaux, avec même une couverture de l’appel par des médias mainstream. La tentative a été faite par de jeunes Marocains, souvent éloignés des régions frontalières, qui se sont spécialement déplacés pour "l’événement". Ce côté spectaculaire et national est, selon notre chercheur, inédit.

Le nouvel appel lancé pour le 30 septembre vient conforter cette analyse. Selon Marouane Harmach, "la réponse des autorités n'a pas dissuadé les jeunes concernés, considérant qu’ils ont une chance de passer. Certains messages ont même appelé à des manifestations dans de nombreuses villes".

Et d’ajouter que le sujet est encore très chaud au niveau des réseaux sociaux, d’autant plus qu’il a été récupéré dans des discussions plus "intellectualisées" sur les raisons profondes d’un tel mouvement, sans que ce soit sérieusement repris dans la sphère politique partisane, amplifiant d’autant plus le sentiment d’absence de leadership politique crédible à même de poser les problèmes de cette jeunesse.

Toutefois, la grande inconnue, selon notre expert, reste liée à l'éventualité d'une nouvelle tentative le 30 septembre et à la réponse qui y sera apportée.

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