La découverte d'hélium à Guercif, un nouveau potentiel stratégique ?
En phase de finalisation de son évaluation, la société britannique d'exploration pétrolière Predator Oil & Gas, titulaire du permis d'exploration de Guercif, s'apprête à annoncer une évaluation détaillée du potentiel en hélium mis en évidence par les récents forages. Une fois cette évaluation achevée, une décision quant à l'exploitation, ou non, du gisement pourra être prise. Quelle est l'importance des récentes découvertes d'hélium à Guercif ?
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Amine Bouwafoud
Le 25 septembre 2024 à 15h02
Modifié 25 septembre 2024 à 16h02En phase de finalisation de son évaluation, la société britannique d'exploration pétrolière Predator Oil & Gas, titulaire du permis d'exploration de Guercif, s'apprête à annoncer une évaluation détaillée du potentiel en hélium mis en évidence par les récents forages. Une fois cette évaluation achevée, une décision quant à l'exploitation, ou non, du gisement pourra être prise. Quelle est l'importance des récentes découvertes d'hélium à Guercif ?
Située dans le bassin de Guercif, la licence d'exploration de Predator Oil & Gas couvre une superficie d'environ 7.269 km², soit l'équivalent de quatre permis. Ce bassin bénéficie d'une position géographique stratégique, étant situé entre les régions du Gharb et de Tendrara, où la présence de réserves de gaz naturel a été établie. Ces champs gaziers se trouvent respectivement à 250 km à l'ouest et 180 km au nord-est du bassin de Guercif.
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Les travaux d'exploration menés précédemment par la compagnie britannique ont mis en évidence quatre pièges pétroliers potentiellement renfermant des ressources estimées à environ 1,5 milliard de mètres cubes de gaz dans le prospect MOU-3. Confirmées en 2024, ces ressources gazières sont de nature biogénique et composées majoritairement de méthane, ce qui les rend particulièrement adaptées à une commercialisation rapide sous forme de gaz naturel comprimé, à l’horizon 2025.
Actuellement, Predator Oil & Gas se prépare à lancer un forage profond pour mieux cerner l'existence de ressources gazières. En plus du gaz naturel, les campagnes de forage de 2024, en particulier celles menées sur le puits MOU-3, ont révélé la présence d'hélium dans les échantillons de gaz prélevés. Ces dernières font actuellement l'objet d'études afin d'évaluer leur potentiel d'exploitation.
L'hélium, une ressource rare
Contrairement à l'hydrogène, l'hélium est un gaz non renouvelable qui pourrait s'épuiser dans les prochaines décennies si des alternatives efficaces ne sont pas développées. C'est pourquoi il est classé comme ressource critique par plusieurs pays, dont ceux de l'Union européenne, le Canada et l'Australie. Ses propriétés physiques uniques – il est inerte, léger, conducteur et non toxique – en font une ressource très recherchée pour l'industrie. L'hélium est principalement extrait comme sous-produit du gaz naturel, où il se trouve en profondeur. Il peut également être extrait directement des gisements de dioxyde de carbone. Bien que sa synthèse soit théoriquement possible, elle reste complexe et économiquement non viable à l'heure actuelle.
Pour que l'extraction de l'hélium soit économiquement viable, sa teneur dans le gaz naturel doit dépasser 0,2 %. Toutefois, il est possible de le récupérer dans les unités de traitement du gaz naturel, même lorsque sa teneur est faible, notamment dans les usines de liquéfaction.
À l'échelle mondiale, ce sont naturellement les pays producteurs de gaz naturel qui dominent la production d'hélium, issu principalement du gaz naturel. En 2023, la production mondiale d'hélium a atteint 170 Mm3, avec le Qatar en tête (66 Mm3), suivis des Etats-Unis (60 Mm3) et de l'Algérie (10 Mm3).
Comment l'hélium est-il produit?
La plupart des usines produisent de l'hélium à partir du gaz de purge des usines de GNL, c'est-à-dire le gaz résiduel qui s'échappe lors du processus de liquéfaction du gaz naturel. Il est récupéré via un processus en deux étapes : la première étape récupère un concentré brut d'hélium à partir du gaz naturel, la deuxième étape purifie l'hélium pour obtenir la qualité visée. L'hélium gazeux purifié peut ensuite être liquéfié.
Le gaz naturel est refroidi par étapes jusqu'à ce que pratiquement tous ses composants, à l'exception de l'hélium, se soient condensés. La phase gazeuse résiduelle est le produit brut d'hélium. Des concentrations maximales d'hélium d'environ 99% peuvent être atteintes à des températures proches du point de fusion de l'azote. La valorisation et la purification de l'hélium impliquent une distillation cryogénique pour éliminer l'azote résiduelle.
Les coûts énergétiques de la récupération de l'hélium à partir de gaz contenant 0,35% d'hélium s'élèvent à 18 kWh/Nm³. Ils augmentent significativement pour des teneurs inférieures en hélium.
Avant la découverte d'hélium, Predator Oil & Gas envisageait simplement la construction d'une unité de production modulaire, conçue pour sécher et comprimer le gaz pour être prêt pour le transport par camions. Cependant, si l'exploitation de l'hélium s'avérait rentable et que la campagne de forage en cours révélait des réserves de gaz plus importantes que prévu, l'installation d'une unité de liquéfaction de gaz naturel pourrait s'avérer plus avantageuse.
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Le potentiel économique de l'hélium
Bien plus coûteux que le gaz naturel, le prix de l'hélium s'élève à environ 14 dollars pour un mètre cube aux États-Unis et oscille entre 25 et 30 euros le m3 en Europe. Cette dernière, dépendante à 99% des importations pour satisfaire sa demande, consomme annuellement 25 Mm3 par rapport à une demande mondiale d'environ 170 Mm3 chaque année.
Selon les projections de Gazprom, le géant russe, cette demande devrait augmenter considérablement pour atteindre, en 2030, une fourchette comprise entre 238 et 312 Mm3. Or, la production, estimée entre 213 et 238 Mm3, pourrait ne pas suffire à couvrir cette demande accrue, ce qui risque de faire grimper les prix.
Cette augmentation de la demande est tout à fait logique étant donné le nombre croissant d'applications industrielles qui nécessitent de l'hélium, et ses propriétés physiques uniques le rendant difficilement remplaçable par d'autres produits.
L'hélium, bien qu'il soit connu pour gonfler les ballons, possède des applications bien plus complexes dans l'industrie. Sa commercialisation se fait en différents grades, chacun correspondant à un niveau de pureté spécifique. L'hélium de grade 6, le plus pur (99,9999%), est notamment utilisé dans la fabrication de semi-conducteurs. sa grande pureté permet d'évacuer efficacement la chaleur générée par le silicium lors de la production, évitant ainsi tout dommage et toute réaction indésirable.
Plus encore, l'industrie électronique trouve plusieurs solutions par l'utilisation de l'hélium comme c'est le cas de la fabrication des fibres optiques où il est utilisé pour la production de préformes, la consolidation du verre, le tirage en fibres, le refroidissement rapide et l'application de revêtements protecteurs.
Moins pur, l'hélium de grade A (pureté de 99,997%) est le plus couramment utilisé. Il sert notamment dans les applications cryogéniques (comme fluide de refroidissement), en tant qu'atmosphère de contrôle dans les procédés de fabrication, de gaz de protection lors du soudage, dans les mélanges respiratoires et comme gaz traceur pour la détection de fuites.
Les détecteurs de fuites à l'hélium constituent la méthode de référence pour détecter les fuites dans les systèmes sous vide à des pressions inférieures à 10−6 mbar. Leur extrême sensibilité et leur spécificité les rendent indispensables dans de nombreux domaines. En effet, l'hélium est le gaz traceur idéal grâce à ses propriétés uniques : il est inerte(ne réagit pas avec d'autres substances), non toxique, ininflammable et facilement différenciable des autres gaz, ce qui garantit des mesures fiables et précises.
L'hélium est utilisé dans d'autres applications stratégiques, notamment comme réfrigérant dans les réacteurs nucléaires. Il est également utilisé dans l'industrie spatiale et aéronautique comme gaz inerte pour purger les systèmes à hydrogène, pressuriser les systèmes de fluides au sol et en vol, et tester l'étanchéité des composants.
Ce qu'il faut retenir du potentiel en hélium au Maroc :
- Bien que l'hélium soit relativement abondant, il s'agit d'une ressource stratégique soumise à d'importantes fluctuations de prix. La production actuelle peine à satisfaire une demande mondiale en constante croissance, notamment dans les secteurs industriels de pointe, dans lesquels le Maroc souhaite se développer.
- La rentabilité de l'hélium de Guercif n'est pas encore confirmée. Predator Oil & Gas est en train d'évaluer le volume exact d'hélium présent dans le gaz naturel de la région, et devrait publier une première évaluation dans les prochaines semaines.
- À l'image du Qatar, la taille importante du gisement de gaz naturel pourrait compenser les coûts d'extraction de l'hélium, même si sa concentration est faible (0,04 % d'hélium dans le gaz naturel qatari).
- Predator Oil & Gas estime avoir découvert environ 1,5 MMm3 de gaz biogénique à Guercif, similaires aux champs exploités dans le Gharb par SDX Energy. La société s'intéresse désormais à des niveaux plus profonds, dans l'espoir de confirmer le plus grand "jackpot" de l'histoire du Maroc, mais cette perspective doit à ce stade être envisagée avec la plus grande prudence.