Omar Seghrouchi (CNDP) : “L'investissement n'absout pas les violations des données personnelles”
Où en est la protection des données personnelles au Maroc ? Médias24 fait le point avec Omar Seghrouchni, président de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP).
Omar Seghrouchi (CNDP) : “L'investissement n'absout pas les violations des données personnelles”
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Abdelali El Hourri
Le 2 octobre 2024 à 13h35
Modifié 2 octobre 2024 à 16h22Où en est la protection des données personnelles au Maroc ? Médias24 fait le point avec Omar Seghrouchni, président de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP).
Le Maroc engage sa transition numérique et, de ce fait, la question de la protection des données personnelles s'impose comme une priorité. Omar Seghrouchni, président de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP), nous explique comment l'institution s'adapte à ce contexte en plein essor.
Engagements du Royaume à l'international, enquête en cours sur les agissements de TLS Contact, augmentation des escroqueries via WhatsApp... Dans cette interview, notre interlocuteur évoque certains sujets sensibles, tout en détaillant les chantiers prioritaires pour 2024-2025. Il insiste sur la nécessité d'une culture de la protection des données personnelles au Maroc, essentielle pour garantir la confiance des citoyens dans un monde numérique en constante évolution.
Médias24 : Quels sont les principaux chantiers de la CNDP pour cette la période 2024-2025 ?
Omar Seghrouchni : Nous avons plusieurs chantiers importants. Mais nous pouvons en citer les principaux :
- renforcer nos opérations de contrôle ;
- élargir les secteurs qui se mettent en conformité ;
- continuer à améliorer notre réactivité avec les responsables de traitement et les citoyens ;
- renforcer nos équipes en nombre et en qualité afin de rester en phase avec les dernières évolutions technologiques et sociétales ;
- aménager notre siège à la suite de notre déménagement en assurant le confort et le bien-être pour le travail de nos collaborateurs et l’accueil des citoyens.
- Lors de notre dernier entretien, vous nous annonciez une action basée essentiellement sur un durcissement des contrôles et une systématisation des sanctions. Est-ce toujours le cas ?
- C’est toujours le cas. La mise en œuvre est moins immédiate que prévu. Mais c’est l'un de nos principaux chantiers. Nous renforçons nos contrôles et quand le responsable de traitement ne se met pas en conformité, nous saisissons le procureur du Roi territorialement compétent. Nous veillons à ce que nos dossiers soient les plus complets possibles.
- La CNDP nous avait habitués à des rapports annuels où elle exposait notamment le bilan des plaintes instruites, la nature des dossiers, les faits traités et les parties mises en cause...
- Oui, nous sommes très en retard sur ce chantier. Nous avons dû affronter la pandémie, la croissance des opérations de terrain entre les instructions, les plaintes et les contrôles, entre autres, en plus de nos actions à l’international, la mise en place du registre national de la protection des données… Cela a fortement mobilisé nos ressources. J’en profite pour les remercier car elles sont mobilisées de façon sérieuse. Ne tiennent chez nous que les ressources prêtes à se mobiliser.
Cependant, nous sommes conscients que la publication du rapport doit se faire, même si la loi ne l’impose pas. Nous sommes en train d’y remédier en travaillant sur un rapport de 5 ans qui sera prêt dans quelques semaines.
Le reproche est fondé et légitime. Vous avez raison. Cela fait partie des choses que nous essayons de corriger.
- On a appris que les pays organisateurs de la Coupe du monde 2030, dont le Maroc, ont été sollicités sur la question de la protection des données personnelles dans leurs dossiers respectifs... Pourquoi cet intérêt pour cette question ?
- Oui, à cet effet, nous avons répondu aux informations qui nous ont été demandées par la Fédération royale marocaine de football. La protection des données à caractère personnel est une valeur importante liée aux citoyens et aux spectateurs.
- Le Maroc est signataire de la Convention 108+, mais a-t-il ratifié le traité ?
- L’approbation de la Convention 108+ s’est faite devant le Conseil des ministres en juin 2021 et, quelques mois plus tard, soit début 2022, devant chacune des chambres du Parlement. Le processus de ratification est en cours.
- Quelles sont les conséquences de l'adhésion du Maroc à la Convention 108+ ? Qui est touché par cette convention et comment ?
- Il n’y a pas de conséquences négatives. La mise à niveau internationale de notre dispositif rassure sur le plan humain et sur le plan économique. Nous appartenons à une communauté internationale, et les échanges économiques et autres vont être facilités.
- Le Maroc est-il en phase, du point de vue de son arsenal légal, avec ses engagements internationaux en matière de protection des données personnelles ? Que reste-t-il à faire pour une mise en adéquation complète ?
- Nous avons beaucoup avancé. Il nous reste à conforter l’indépendance de la Commission pour renforcer son pouvoir dissuasif lié aux sanctions. Je dis bien dissuasif, car l’objectif est de faire respecter la protection des données à caractère personnel, et non pas de sanctionner. Mais cela sera fait à chaque fois que nous y serons obligés.
- La refonte programmée de la loi sur la protection des données personnelles semble marquer le pas. Où en est ce projet ?
- Nous sommes en train d’avancer sur ce sujet avec les services du chef de gouvernement, le ministère de la Justice et tous les autres partenaires. Nous avancerons avec le ministère de la Transformation numérique et de la réforme de l’administration, le ministère de l’Intérieur, le ministère des Affaires étrangères, de la coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger ainsi qu’avec tous les acteurs concernés. Nous espérons une nouvelle loi présentée au Parlement, au plus tard en 2025.
- Quels seront les principaux apports de la refonte ?
- Comme je vous disais, expliciter l’indépendance de la Commission (qui est déjà, de par son fonctionnement, indépendante), reformuler le système des sanctions et mieux nous rapprocher des évolutions technologiques et sociétales de ce monde nouveau mondialisé.
- Il y a la loi sur la protection des données personnelles, la pratique de la protection de ces données, et il y a également la culture en lien avec cette protection... Où en sommes-nous sur ce dernier point ?
- Nous avons beaucoup avancé, mais nous ne déploierons aucun discours de satisfaction ou d’autosatisfaction. Car dans ce domaine, plus on avance, plus il nous reste à faire. Le chantier culturel est important et immense. À titre d’exemple, des nouveautés sont initiées avec le ministère de la Jeunesse, de la culture et de la communication. Nous visons les maisons des jeunes, les colonies de vacances et tout l’écosystème. Par ailleurs, et toujours à titre d’exemple, nous allons initier des initiatives avec certaines universités et d’autres acteurs.
- Il y a quelques mois, vous aviez enclenché des procédures à caractère disciplinaire concernant TLS Contact Maroc, VFS GCC Morocco et BLSMOR Services. Où en sont ces dossiers ?
- La procédure est toujours en cours. Nous ne manquerons pas de conclure sur ce sujet. Certains pensent qu’au nom de l’investissement, ou grâce au témoignage de quelques ambassadeurs, l’infraction enregistrée sera oubliée. Ils se trompent, car le Maroc est un Etat de droit.
- Avez-vous enclenché d'autres procédures de cette ampleur ?
- Oui, d’autres acteurs sont concernés. Si vous permettez, pour l’instant, nous avons décidé d’avancer discrètement sur certains sujets.
- Au cours des derniers mois, les utilisateurs de WhatsApp au Maroc ont reçu des messages d'interlocuteurs anonymes promettant des rémunération en échange de l'accomplissement de certaines tâches sur le Web. Ces pratiques ont fait l'objet de plusieurs plaintes pour escroquerie qui sont en cours de traitement par les autorités judiciaires. La CNDP s'est-elle penchée sur le sujet ?
- La CNDP est interpellée par le sujet. D’autant plus que WhatsApp et Meta ne se conforment pas aux lois nationales. Plusieurs autorités, dans le monde, ont émis des sanctions. Par ailleurs, certains acteurs économiques veulent faire un usage conséquent de WhatsApp.
Certains pensent qu’au nom de l’investissement, ou grâce au témoignage de quelques ambassadeurs, l’infraction enregistrée sera oubliée. Ils se trompent, car le Maroc est un État de droit
Le sujet est à l’étude chez nous. Nous ne manquerons pas de communiquer lorsque les choses seront fixées.
- Au -delà de l’escroquerie en tant que qualification pénale, quelle est la qualification de ces comportements au regard de la loi sur la protection des données personnelles ?
- Non-respect des données à caractère personnel des citoyens.
- Quelles sont les sanctions encourues ?
- Celles prévues par la loi : administratives, pénales et financières.
- Avez-vous une idée de l'ampleur du phénomène au Maroc ?
- De façon formelle, pas encore, car beaucoup de citoyens subissent sans formaliser le désagrément. De façon intuitive, important.
- Les auteurs de ces pratiques approchent leurs victimes via WhatsApp. À votre avis, pourquoi ce canal est-il privilégié ?
- Car direct, sans témoin, et où l’oral est possible. Mais si les Marocains étaient plus sur Signal, Telegram ou autre… ce serait aussi le cas. C’est pour cela que nous devons réfléchir à une meilleure approche au niveau des réseaux sociaux. Il n’est pas possible de subir ces incivilités.
- Avez-vous des contacts avec les développeurs de cette application ? Avez-vous pris des mesures à leur égard ?
- Nous sommes en contact avec Meta, mais aussi avec d’autres réseaux sociaux qui nous aident à gérer les plaintes. Mais pour renforcer notre position, il faut que les citoyens nous fassent parvenir leurs plaintes de la façon la plus fidèle possible.
- Comment se prémunir contre ces pratiques ?
- En étant attentif à l’usage et en faisant fonctionner la loi. Naturellement, au Maroc, comme ailleurs, nous avons besoin de la vigilance de nos concitoyens et de l’anticipation alerte de nos responsables de traitement.
- En tant que président de la CNDP, si vous deviez vous fixer un objectif pour l'année 2024, lequel serait-il ?
- L’objectif est toujours le même : faire respecter la protection des données à caractère personnel. Cela a été l’objectif des années passées, c’est l’objectif 2024.
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