Regards croisés de Fitch, Moody's et S&P sur le Maroc
Les récentes analyses de Fitch, S&P (Standard & Poor's) et Moody's montrent une certaine convergence dans l'évaluation des agrégats économiques du Maroc. Cependant, en examinant les chiffres de manière plus approfondie, des divergences se dessinent.
Voici les principales convergences et divergences entre les trois analyses, par agrégat :
Croissance économique
Fitch, Moody's et S&P soulignent unanimement la dépendance persistante de l'économie marocaine du secteur agricole, particulièrement exposé aux aléas climatiques. En 2023, le Maroc a enregistré une croissance de 3,4%.
Fitch anticipe un ralentissement de cette dynamique à 3,0% en 2024, avant une reprise à une moyenne de 3,5% sur la période 2025-2026.
De son côté, S&P table sur une croissance légèrement supérieure, à hauteur de 3,1%.
Moody's prévoit un retour à une croissance de 4% à moyen terme, portée par la diversification économique.
Ainsi, les analyses des trois agences convergent sur deux points essentiels : d'une part, elles reconnaissent que la performance économique non agricole du Maroc, notamment dans les secteurs clés comme l'automobile, l'aéronautique, le tourisme et les phosphates, constitue un levier majeur pour stimuler la croissance du pays. D'autre part, elles soulignent que le Maroc accorde une importance stratégique à l'augmentation des investissements privés, qu'ils soient nationaux ou étrangers, notamment à travers des partenariats public-privé (PPP), afin de renforcer sa dynamique économique et de réduire sa dépendance des aléas climatiques.
Consolidation budgétaire et gestion de la dette
Les trois analyses s'accordent sur la nécessité pour le Maroc de continuer à mettre en œuvre des réformes budgétaires afin d'assurer une stabilité financière à long terme et d'élargir la base fiscale par la formalisation de l'économie. Les évaluations des déficits budgétaires montrent une tendance positive vers la consolidation :
- Fitch projette un déficit budgétaire de 4,1% du PIB en 2024, avec une baisse progressive à 3,6% sur la période 2025-2026, soutenue par une réduction des subventions et une augmentation des revenus issus de financements innovants.
- Moody's prévoit une diminution modeste du déficit budgétaire, passant de 4,2% du PIB en 2024 à 3,8% d'ici 2026, tout en soulignant les défis liés aux pressions des dépenses publiques pour financer les réformes sociales et les infrastructures.
- S&P envisage une amélioration plus notable, avec un déficit qui devrait se situer à 4,2% du PIB en 2024 et pourrait atteindre 3,0% d'ici 2027, grâce à des réformes fiscales telles que la simplification du système de TVA et la réduction progressive des subventions.
En ce qui concerne la dette publique :
- Fitch anticipe une augmentation modérée de la dette à 70% du PIB en 2024, mais estime que sa structure reste favorable grâce à un pourcentage élevé de dette à taux fixe et libellée en dirhams, limitant ainsi les risques de refinancement et de change.
- Moody's considère que la dette marocaine devrait se stabiliser autour de 65% du PIB d’ici 2027, et restera soutenable grâce à une gestion prudente des finances publiques, malgré des pressions persistantes sur les dépenses sociales.
- S&P maintient une perspective similaire avec une dette projetée à environ 65,9% du PIB en 2024, qui resterait relativement stable avant de se situer à 65,1% en 2027, mettant l'accent sur la capacité du Maroc à accéder aux financements externes et à maintenir des coûts de refinancement relativement bas.
Les efforts pour rationaliser la dette publique et les subventions, combinés à des réformes visant à attirer plus d'investissements directs étrangers, sont des facteurs que les trois analyses jugent cruciaux pour améliorer la soutenabilité de la dette à moyen terme.
Compte courant, IDE et réserves de change
Fitch anticipe une légère augmentation du déficit du compte courant, atteignant 1,2% du PIB en 2024, puis se stabilisant à une moyenne de 1,5% sur la période 2025-2026. Cette évolution serait soutenue par la solide performance du secteur des services, notamment le tourisme, ainsi que par des transferts de fonds stables.
Concernant les réserves de change du Maroc, Fitch prévoit qu'elles atteindront en moyenne 5,2 mois de paiements externes sur la période 2024-2026, grâce à la robustesse anticipée des investissements directs étrangers, qui viendrait renforcer ces réserves. "Nous anticipons un rebond des IDE nets à 0,8% du PIB en 2024, soutenu par d'importants flux d'investissements dans le secteur automobile". Ainsi, le Maroc devrait également bénéficier de la régionalisation des chaînes d'approvisionnement chinoises, dans un contexte de restrictions sur les importations imposées par les États-Unis et l'Union européenne.
Parallèlement, S&P prévoit une amélioration continue du déficit du compte courant, avec une projection moyenne de 1,6% du PIB pour la période 2024-2027. Cette dynamique, selon S&P, serait soutenue par une augmentation des recettes touristiques et des exportations automobiles, ainsi que par une stratégie proactive de diversification économique.
En ce qui concerne les IDE, S&P anticipe une croissance progressive des flux dans les années à venir, grâce à la mise en œuvre de réformes économiques structurelles qui devraient rendre le Maroc plus attrayant pour les investisseurs.
Indicateurs de performance monétaire et inflation
Sur le plan monétaire, S&P anticipe une baisse du taux d'inflation à 1,5% en 2024, suivie d'une stabilisation autour de 2% sur la période 2025-2027, grâce aux mesures prises par la Banque centrale. De son côté, Moody's souligne que la politique monétaire prudente du Maroc, notamment grâce à son approche contrôlée de la libéralisation du taux de change, contribuerait à la stabilité macroéconomique et renforcerait la crédibilité des politiques économiques du pays. En revanche, Fitch n'émet pas d'avis spécifique sur ces aspects monétaires.
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Ces divergences sont prévisibles et s'expliquent par les différentes hypothèses utilisées pour calibrer les modèles de prévision de chaque agence. En effet, ces modèles s'appuient souvent sur des estimations de données indisponibles ou difficiles à quantifier. Par exemple, anticiper les risques liés à une hausse des prix de l'énergie – souvent influencés par des tensions géopolitiques – est particulièrement complexe. Il est difficile de prévoir avec précision le moment, l'ampleur ou l'impact de tels événements, ce qui complique l'évaluation de leurs répercussions sur les prix et, par extension, sur l'économie.
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