La performance, l’efficacité, la compétence technique, etc. étaient jusqu’à très récemment les fondamentaux de toute organisation qui a des ambitions de croissance et de développement. Alors quand des "concepts" tels que la confiance ou encore la réputation –qui sont enchevêtrées l’une dans l’autre – sont avancées comme des "incontournables des leaders modernes", certains pourraient penser que ce sont juste des "mots à la mode". Or ce n’est absolument pas le cas.

Lors de la dernière édition de l’African Digital Summit organisée les 8 et 9 octobre 2024 à Casablanca par le Groupement des annonceurs du Maroc (GAM), Kamal Taibi, CEO de Stratëus Group, et Karena Crerar, CEO d’Edelman Africa, ont partagé la scène lors d'un échange intitulé "Confiance et réputation : une relation étroite". Cet échange, suivi de près par de nombreux responsables et experts en communication ainsi que des dirigeants d’entreprises, a mis en lumière les enjeux majeurs auxquels les organisations sont confrontées aujourd'hui en matière de confiance et de réputation.

Pour Kamal Taibi, la confiance est le socle sur lequel repose toute réputation pérenne. Il a rappelé que la crise financière de 2008 avait déjà érodé cette confiance en tous types d'institutions, rendant sa reconstruction nécessaire pour la réussite des organisations.

Cela a été confirmé depuis par les différentes éditions du rapport Edelman Trust Barometer ces dernières années. Pour rappel, Edelman produit ce rapport référence sur la confiance depuis 2000, et le partage chaque année lors du World Economic Forum de Davos. À noter que la présentation de ce rapport, notamment son édition 2024, a été faite pour la première fois au Maroc lors de ce sommet africain de Casablanca.

Z et Alpha, deux générations exigeantes vis-à-vis des leaders

Autre élément important mentionné par Kamal Taibi, les générations Z et Alpha qui ont une relation particulière avec les déclarations et la communication des leaders. Le CEO de Stratëus Group a expliqué que "si un jeune ne trouve pas un leader engagé et qui donne des résultats, il ne lui fait tout simplement pas confiance, ni à l’institution qu’il dirige". Cette exigence souligne l'importance pour les organisations de maintenir une présence active et un engagement authentique envers leurs audiences.

Cette discussion sur l'importance de la confiance est particulièrement pertinente dans le contexte marocain, où les citoyens expriment une défiance croissante envers les institutions publiques. Une étude publiée par la Banque mondiale fin 2023 (lire notre analyse), révèle que 37,5% des Marocains ne font "pas du tout" confiance au Parlement, et que 61% des répondants ne font pas confiance aux informations officielles diffusées par les autorités. Une situation qui montre à quel point la transparence et l'engagement authentique des leaders sont cruciaux pour rétablir la confiance.

Authenticité, logique, empathie : le triptyque (très difficile) à adopter

À un niveau plus général et global, Frances Frei, professeure à Harvard Business School, et Anne Morriss, experte en leadership, soutiennent également cette idée. Elles expliquent que la confiance repose sur trois piliers essentiels : l'authenticité, la logique et l'empathie. "Les gens ont tendance à vous faire confiance lorsqu'ils estiment interagir avec la vraie version de vous-même (authenticité), quand ils ont foi en votre jugement et votre compétence (logique), et quand ils sentent que vous vous souciez d'eux (empathie)". Cette observation renforce l'importance pour les leaders de montrer non seulement leur engagement, mais aussi leur humanité et leur compétence pour gagner la confiance des jeunes générations.

Le fondateur et CEO de Stratëus Group, cabinet spécialisé en Corporate Affairs, insiste sur l'importance de la transparence et un engagement authentique continu. "Construire la confiance ne repose pas seulement sur des déclarations, mais sur des résultats et des actions concrètes", a-t-il déclaré. Il recommande une communication honnête, surtout en cas d'erreurs, pour éviter la méfiance et renforcer la crédibilité.

Très souvent les erreurs commises par les entreprises et les institutions sont tues. Pourtant, les affronter ouvertement peut améliorer la perception de crédibilité, selon les experts. Surtout auprès d'un public exposé à une déferlante de communications émanant de toutes parts.

L’IA, le chamboule-tout des organisations

Toujours selon Kamal Taibi, les défis actuels sont exacerbés par l'intelligence artificielle (IA), qui multiplie les risques de désinformation. "Avec la puissance de l’IA, les fake news deviennent plus difficiles à déceler", a-t-il précisé. Karena Crerar a également abordé l'impact de l'IA sur la confiance, mettant en avant les inquiétudes relatives à la sécurité des données, la confidentialité et le plagiat qui peuvent générer une méfiance envers les nouvelles technologies. "Il est crucial que les gens comprennent ces technologies et voient les bénéfices qu'elles peuvent apporter", a-t-elle ajouté.

S’agissant des conseils et recommandations pour les organisations souhaitant renforcer leur réputation, les deux experts convergent sur cinq piliers importants :

1. Transparence et communication continue : maintenir un dialogue ouvert avec le public, en particulier en temps de crise ou à la suite d’erreurs.
2. Engagement authentique : montrer un engagement réel et constant envers les objectifs et les valeurs de l'organisation.
3. Adaptation aux nouvelles générations : comprendre et répondre aux attentes des jeunes générations en matière de leadership et de responsabilité sociale.
4. Éducation sur les nouvelles technologies : informer et rassurer le public sur les innovations telles que l'IA, en mettant en avant leurs bénéfices et en garantissant la sécurité des données.
5. Fondamentaux de la confiance : bâtir la confiance sur des piliers solides, incluant l'intégrité, la fiabilité et la transparence sans oublier l’empathie.

La relation entre confiance et réputation est ainsi tout aussi indissociable qu’importante pour la performance des organisations contemporaines.