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TNR, régionalisation et valorisation des RH : les priorités des nouveaux dirigeants de la santé

Récemment nommés à la tête de trois agences stratégiques ainsi qu'au ministère de la Santé, les nouveaux dirigeants sont attendus par les professionnels du secteur sur plusieurs dossiers clés, dans le cadre d'une réforme qu'ils doivent désormais accélérer.

Siège du ministère de la Santé et de la protection sociale à Rabat.

TNR, régionalisation et valorisation des RH : les priorités des nouveaux dirigeants de la santé

Le 29 octobre 2024 à 9h29

Modifié 29 octobre 2024 à 9h29

Récemment nommés à la tête de trois agences stratégiques ainsi qu'au ministère de la Santé, les nouveaux dirigeants sont attendus par les professionnels du secteur sur plusieurs dossiers clés, dans le cadre d'une réforme qu'ils doivent désormais accélérer.

Le 18 octobre dernier, trois nouveaux dirigeants d’agences stratégiques dans le secteur de la santé ont été nommés en Conseil des ministres. Ces nominations ont été suivies, le 23 octobre, par la désignation d'un nouveau ministre de la Santé, dans le cadre du remaniement ministériel, en remplacement de Khalid Ait Taleb.

Ces professionnels, forts d'une longue expérience dans le secteur de la santé et ayant occupé divers postes stratégiques, sont attendus de pied ferme sur des dossiers clés, à leur tête la réforme du secteur, avec toutes les contraintes qu'elle implique.

Sondés par nos soins, médecins et syndicalistes du secteur espèrent que les nouveaux arrivants, en particulier le nouveau ministre, Amine Tahraoui, continueront sur la même voie et accélèreront surtout ce qui a déjà été entamé avec le ministre sortant pour éviter de nouvelles tensions.

Si les médecins espèrent être conviés à de nouveaux rounds de discussion avec la nouvelle équipe du ministère pour échanger sur les dossiers chauds, les syndicats insistent, eux, sur la nécessité de poursuivre la mise en œuvre de l'accord conclu avec le gouvernement le 23 juillet dernier, évitant ainsi de revenir au point de départ.

"La révision du TNR doit être l'un des chantiers prioritaires du nouveau président de la HAS"

Mustapha Aboumaarouf est le nouveau président de la Haute Autorité de santé (HAS), qui remplacera, à son entrée en service, l'Agence nationale de l'Assurance maladie (ANAM), et qui se chargera notamment de l'encadrement technique de l'AMO, de l'évaluation des médicaments et des produits de santé, ainsi que des services des institutions de santé privées et publiques.

"C'est un chirurgien pédiatrique, titulaire d'un doctorat de la Faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca. C'est également un ex-doyen de la Faculté de médecine et de la pharmacie, un ancien coordinateur des doyens des facultés, et le premier vice-président de la Société marocaine des sciences médicales (SMSM), qui regroupe dans son Conseil d'administration 53 sociétés, notamment de médecine générale et de différentes spécialités", nous apprend-on. "Il connaît donc particulièrement bien le secteur de la santé".

D'après nos sources, "Mustapha Aboumaarouf est attendu par les professionnels pour avancer sur le chantier de la réforme, aux côtés des ministres de la Santé, des Finances et du Budget. La priorité devra être donnée à la révision du Tarif national de référence (TNR), un dossier qui a déjà pris beaucoup de retard".

En effet, le dossier du TNR traîne depuis de nombreuses années. Malgré les différentes réunions tenues par le passé à ce sujet entre les différentes parties concernées, le blocage persiste.

"Aujourd'hui, les patients paient 300 DH pour une consultation chez un médecin spécialiste, et sont remboursés sur la base de 150 DH. Pour préserver l'équilibre de l'AMO, notre médecine doit être basée sur la prévention, qui commence par la consultation", nous explique-t-on. "Si le reste à charge continue de représenter les deux tiers du prix de la consultation, les citoyens seront de moins en moins nombreux à aller consulter, d'autant que le pouvoir d'achat continue de s'affaiblir", ajoutent nos sources.

"Le TNR doit alors être révisé et calculé sur la base des coûts réels de chaque prestation, soit 300 DH en ce qui concerne les consultations chez un médecin spécialiste et 200 DH pour un généraliste".

Et nos interlocuteurs de poursuivre : "Selon les statistiques, 3% des assurés consomment 52% du budget de l'AMO. Il s'agit des patients atteints de cancers, de maladies chroniques, de maladies rénales et de maladies cardiaques. Si ces patients consultaient davantage, le diagnostic aurait été fait plus rapidement et les médecins auraient procédé à des traitements précoces, d'autant que la consultation ne représente que 4% du budget de l'AMO".

Les médecins sondés par nos soins soulignent également que "la convention relative à la révision du TNR doit être dynamique au profit des patients".

"En ce qui concerne la prise en charge, elle doit être accordée en 48 heures. Actuellement, elle arrive en retard, ce qui contraint les patients à déposer des chèques de paiement et non de garantie. Si la prise en charge arrivait au bout de 48 h, les patients ne paieraient que le tiers payant, et seraient plus nombreux à consulter", ajoutent-ils, notant qu'en ce qui concerne "la prise en charge de l'ambulatoire, elle doit être accordée dans la journée, et ses actes doivent être définis".

L'autre dossier important sur lequel le nouveau président de la HAS est attendu a trait au chantier des profils-métiers, initié récemment par la SMSM en coordination avec le ministère de l'Enseignement supérieur, et établi sur la base d'une approche par compétences. "Nous devons définir ce que doit savoir chaque médecin de chaque spécialité, ainsi que son cursus scolaire. C'est une importante refonte de la formation du troisième cycle, à laquelle tout le monde doit participer".

Plus de génériques et facilitation de l'octroi des AMM

Outre le président de la HAS, deux autres dirigeants dans le secteur ont été nommés en Conseil des ministres. Il s'agit de Samir Ahid, directeur de l'Agence marocaine du médicament et des produits de santé, et de Kamal Doghmi, directeur de l'Agence marocaine du sang et de ses dérivés. 

"Samir Ahid est professeur de pharmacologie. Il était doyen fondateur honoraire de la Faculté de médecine et de pharmacie à l'Université Mohammed V des sciences de la santé de Casablanca, avant d'occuper, depuis 2023, le poste de doyen de la Faculté Euromed de Pharmacie de Fès", rappellent nos sources.

"Parmi les chantiers qu'il doit accélérer, figure celui des génériques, dont la pénétration doit être revue à la hausse. Le médicament représente 30% du budget de l'AMO. C'est donc un lot très important sur lequel nous avons besoin d'une gestion irréprochable". "Nous devons aller sur plus de génériques", estiment les médecins contactés par nos soins, "qui représentent actuellement à peine une pénétration de 40% à 44% dans le Royaume, contre plus de 70% dans d'autre pays".

"À la tête de cette grande institution, Samir Ahid doit également favoriser les laboratoires nationaux qui nous permettent de couvrir entre 65% et 70% du besoin national actuel. Ce taux doit être augmenté à au moins 80%, notamment avec l'arrivée de l'usine de Benslimane qui sera spécialisée dans la production des vaccins et des biosimilaires, l'objectif étant de donner au Maroc une autonomie importante".

Les professionnels du secteur insistent aussi sur la nécessité de faciliter l'octroi des Autorisations de mise sur le marché (AMM) et d'en diminuer les lourdeurs, mais aussi de faciliter l'accès aux produits innovants avec les laboratoires internationaux.

À son entrée en service, cette agence viendra remplacer la Direction des médicaments et de la pharmacie (DMP) qui relève du ministère de la Santé, dont les fonctions ont évolué en termes de qualité et de quantité et qui n'est plus en mesure d'assurer la gestion du secteur, ni de suivre les développements et transformations aux niveau national et international.

Pour ce qui est de l'Agence marocaine du sang et de ses dérivés, "le nouveau directeur doit instaurer une meilleure gouvernance pour faire face aux multiples problématiques, à leur tête la disponibilité du sang dans le Royaume. Kamal Doghmi est un militaire. C'est un homme compétent et de rigueur, et il va y veiller", estiment nos interlocuteurs.

Cette future agence remplacera le Centre national de transfusion sanguine et ses centres régionaux. À son entrée en service, elle devra mobiliser tous les moyens possibles pour fournir le sang dans le pays.

Ces trois nouveaux dirigeants devront désormais constituer leurs équipes et préparer le terrain à l'entrée en service de leurs agences.

Régionalisation avancée et valorisation des ressources humaines

Si ces trois agences ont désormais à leur tête des professionnels dans chaque domaine, ce n'est nullement le cas du nouveau ministre de la Santé qui venait à peine d'être désigné secrétaire général de la chefferie du gouvernement.

Amine Tahraoui a intégré un secteur en pleine réforme, en cours de négociations avec diverses parties prenantes, et au moment où se concrétise un accord majeur signé en juillet dernier avec les syndicats qui a pour principal but d'apaiser les tensions.

S'il connaît bien l'administration, le nouveau ministre de tutelle devra à présent maîtriser le secteur de la santé pour en accélérer la réforme. "Les ressources humaines sont le principal élément de notre système de santé. Il faut les valoriser et les gratifier pour éviter d'en perdre davantage", soulignent nos sources, qui rappellent que "600 à 700 médecins quittent le Maroc chaque année pour exercer dans des pays étrangers". Une loi a déjà été adoptée dans ce sens, dont il ne manque à présent que la mise en œuvre.

"La régionalisation avancée doit également être concrétisée dans le secteur de la santé" par le nouveau ministre. "Nous avons 11 facultés de médecine et une université privée à Dakhla. Nous devons désormais étudier le besoin dans chaque région, et former les profils adéquats".

"Il s'agit là de l'un des chantiers stratégiques dans le secteur, dont l'aboutissement se fera à travers la création et la mise en œuvre des groupements territoriaux de santé" qui intègreront les Centres hospitaliers universitaires (CHU) et l'ensemble des unités hospitalières régionales en un seul établissement autonome, et sur lequel les désaccords entre les décideurs et les ressources humaines sont nombreux, notamment sur le volet de la représentativité au niveau du Conseil d'administration.

"Avant l'adoption du récent décret d'application de ces groupements, nous avons été consultés pour avis, et nous avons estimé que le conseil d'administration de chaque groupement devrait être composé d'au moins sept professionnels de santé. Après son adoption, nous avons été surpris. Ledit conseil ne sera composé que de trois professionnels de santé, à savoir un médecin et deux infirmiers, en plus de trois enseignants chercheurs. Nous constatons alors que malgré l'approche participative empruntée par le ministère, nos avis ne sont pas pris en considération lors de l'application", ce qui pose un grand problème de confiance, déplore Mustapha Jaa, président du Syndicat indépendant des infirmiers et membre de ladite coordination, joint par Médias24.

"Nous espérons que le nouveau ministre continuera à concrétiser l'accord conclu avec le gouvernement

Les syndicats espèrent malgré tout que le nouveau ministre poursuivra les négociations entamées par Khalid Aït Taleb. "Il y a un accord entre le gouvernement et les six syndicats constituant la Coordination syndicale nationale du secteur de la santé, dont on doit poursuivre la concrétisation", nous confie Mustapha Jaa.

"Nous avons fait un courrier dans ce sens au nouveau ministre deux jours après sa désignation, mais nous n'avons, à ce jour, reçu aucun retour, ni été conviés à une rencontre de prise de contact, contrairement à l'UMT qui s'est retirée de la coordination il y a plusieurs mois, et qui a été reçue ce lundi par M. Tarhaoui".

Les syndicats espèrent également que le nouveau ministre de tutelle agira au niveau du PLF 2025, qui prévoit que lorsque les groupements seront créés, les salaires des différents fonctionnaires seront versés du budget de ces groupements, "contrairement à ce qu'on avait convenu avec l'ancien ministre. Nous avions convenu que les salaires continueraient à être versés depuis le Budget général de l'Etat", conclut notre interlocuteur.

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