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Transfert de la CNOPS à la CNSS : une loi révisée et enfin approuvée malgré les résistances

Après avoir été reportée pour approfondir les discussions quant à ses différentes dispositions, une version révisée du projet de loi actant le transfert de la CNOPS vers la CNSS a été examinée et adoptée ce 7 novembre en Conseil de gouvernement. Selon nos sources, les principales modifications ont porté sur deux articles. Détails.

Transfert de la CNOPS à la CNSS : une loi révisée et enfin approuvée malgré les résistances

Le 7 novembre 2024 à 18h01

Modifié 7 novembre 2024 à 18h55

Après avoir été reportée pour approfondir les discussions quant à ses différentes dispositions, une version révisée du projet de loi actant le transfert de la CNOPS vers la CNSS a été examinée et adoptée ce 7 novembre en Conseil de gouvernement. Selon nos sources, les principales modifications ont porté sur deux articles. Détails.

Le projet de loi 54.23 complétant et modifiant la loi 65.00 portant Code de la couverture médicale de base a été examiné le 19 septembre dernier en Conseil de gouvernement. Après avoir créé des remous dans le secteur, et pour éviter la confrontation avec les syndicats des mutuelles affiliées à la CNOPS qui étaient montés au créneau, le gouvernement avait décidé de reporter son adoption en vue d'"approfondir les discussions" autour de ses différentes dispositions.

Une nouvelle mouture dudit texte a été programmée et adoptée ce 7 novembre en Conseil de gouvernement. Consultée par Médias24, sa note de présentation insiste sur deux points : les principaux changements qu'implique l'adoption d'un seul organisme de gestion de l'assurance maladie, à savoir la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), et les modalités de suppression de l'AMO pour les étudiants. Mais quels sont les changements apportés à la version initiale de ce texte?

Contactées par nos soins, des sources proches du dossier indiquent que les changements ont porté notamment sur l'article 114, dans lequel le gouvernement a apporté des modifications sur les trois niveaux de couverture existants actuellement (mutuelles, assurances et caisses internes). D'autres changements ont été apportés aux articles portant sur l'AMO pour les étudiants.

Le texte dans sa version modifiée continue de susciter des critiques, notamment de sources proches de la CNOPS. Celles-ci déplorent que le gouvernement ait maintenu la même logique que dans la précédente version de ce texte, celle de vider la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) de son régime, de ses biens et de son patrimoine, sans se soucier de ce qui adviendra de cette institution qui existe depuis plus d'une soixantaine d'années.

Ce qu'implique l'adoption d'un seul organisme de gestion

Cette nouvelle mouture explique que le principal objectif de ce projet de loi reste un organisme unique de gestion des régimes de l'AMO, dans le but d’assurer la convergence des différents régimes de protection sociale.

Concrètement, comme nous l'avions détaillé dans de précédents articles, ce projet de loi propose de transférer la gestion du régime d’assurance maladie obligatoire de base du secteur public, assurée actuellement par la CNOPS, à la CNSS, de sorte que tous les régimes soient désormais gérés par un seul organisme. 

D'après la note de présentation de ce projet de loi consultée par Médias24, ses principales dispositions sont les suivantes :

- harmoniser les dispositions de la loi 65.00 avec les exigences de l’adoption d’un organisme unique de gestion ;

- confier au conseil d’administration de la CNSS la responsabilité de statuer sur toutes les questions liées aux régimes d’assurance maladie obligatoire de base des secteurs public et privé, y compris pour les personnes incapables de payer les cotisations, ainsi que sur les autres régimes de couverture de santé de base gérés par la CNOPS ;

- substituer la CNSS à la CNOPS dans les conventions conclues avec les mutuelles en ce qui concerne le régime d’assurance maladie obligatoire de base dans le secteur public, et maintenir l’application de ces conventions pour une durée déterminée par décret, permettant ainsi la poursuite de la coordination avec les mutuelles dans le domaine de l’assurance maladie;

- continuer de permettre aux assurés de la CNOPS et à leurs ayants droit de bénéficier, dans le cadre du tiers payant, des services fournis par les mutuelles dans le cadre de l'AMO, et ce, à travers une convention conclue à cet effet entre la CNSS et les mutuelles ;

- transfert et intégration des employés permanents, stagiaires et contractuels exerçant leurs fonctions à la CNOPS à la date de l’entrée en vigueur de cette loi, vers la CNSS de manière automatique, tout en maintenant leur affiliation au régime de l'AMO ainsi qu’aux régimes de retraite de base et complémentaire pour lesquels ils versaient leurs cotisations à la date de leur transfert.

- transfert des biens mobiliers et immobiliers appartenant à la CNOPS vers la CNSS sans contrepartie et avec transfert de pleine propriété. Les biens mobiliers et immobiliers acquis par la CNOPS et les mutuelles qui la composent avant le 18 août 2005 sont exclus de ce transfert ;

- transfert des archives et de tous les documents administratifs et financiers relatifs à l'assurance maladie du secteur public et aux autres régimes de couverture sanitaire de base gérés par la CNOPS vers la CNSS.

Cette loi stipule également que la CNSS remplacera la CNOPS dans tous les contrats d’études, travaux, fournitures, services ainsi que dans tous les autres contrats et conventions conclus dans le cadre du régime d’assurance maladie obligatoire de base du secteur public et des autres régimes de couverture de santé de base gérés par cette dernière. Elle prévoit aussi :

- le transfert à la CNSS de l’ensemble des actifs et passifs, des soldes déposés dans les comptes bancaires, ainsi que des remboursements des dossiers de maladie provenant des comptes du régime d’assurance maladie obligatoire de base du secteur public et des autres régimes de couverture sanitaire de base gérés par la CNOPS ;

- la révision des taux de majoration pour retard de paiement des cotisations relatives au régime de l'AMO afin de les aligner sur les taux de majoration pour retard de paiement des cotisations du régime de la sécurité sociale ;

- la possibilité pour l’organisme de gestion de contribuer, partiellement ou totalement, au financement des services de prévention relatifs aux examens médicaux, à la surveillance sanitaire et à la sensibilisation à la santé, en lien avec les programmes prioritaires de la politique sanitaire de l’État.

La CNSS est toutefois tenue de fournir à l’administration toutes les données et informations permettant de suivre la situation financière des régimes d’assurance maladie obligatoire de base qu’elle gère, notamment en ce qui concerne le paiement des cotisations et le versement des prestations.

La loi de l'AMO pour les étudiants abrogée, l'âge de prise en charge des étudiants prolongé à 30 ans

Pour ce qui est du régime d’assurance maladie obligatoire de base pour les étudiants, le gouvernement précise dans le présent projet de loi "qu’il n’est plus nécessaire dans le contexte actuel de généralisation de l’assurance maladie".

"La majorité des étudiants marocains peuvent désormais bénéficier de la couverture santé en tant qu’ayants droit, ce qui est en contradiction avec le paragraphe 3 de l’article 4 de la loi 116.12 relative à l’assurance maladie obligatoire de base pour les étudiants, qui stipule que leur éligibilité à ce régime est conditionnée par l’absence de toute autre couverture santé, quelle qu'en soit la nature, soit en tant qu’assurés principaux, soit en tant qu’ayants droit. Il est donc devenu urgent d'abroger les dispositions relatives à ce régime, tout en préservant les droits acquis en faveur des étudiants", explique la note de présentation du présent texte.

Les principales dispositions de cette nouvelle mouture sur ce volet sont ainsi les suivantes :

- adapter les dispositions de la loi 65.00 aux exigences de l’abrogation du régime d’assurance maladie obligatoire de base pour les étudiants ;

- prolonger l’âge de prise en charge des enfants non mariés poursuivant des études dans des établissements d’enseignement supérieur ou de formation professionnelle publics ou privés autorisés par la législation en vigueur jusqu’à 30 ans, au lieu de 26 ans, à l'exception des étudiants suivant un enseignement traditionnel et dans les établissements affiliés à l'Université Al Quaraouiyine ;

- abroger les dispositions de la loi 116.12 ;

- transférer les actifs, passifs, dépôts et remboursements associés au régime d’assurance maladie obligatoire de base pour les étudiants de la CNOPS  vers le budget de l’État ;

- transférer les réserves financières et les excédents provenant des revenus et coûts du régime d’assurance maladie obligatoire de base pour les étudiants vers le budget de l’État ;

- permettre aux étudiants, dont la contribution annuelle est prise en charge par l’État, conformément aux dispositions de la loi 116.12 précitée, et qui ne bénéficient d’aucun autre régime d’assurance maladie obligatoire de base ou de couverture santé en tant qu’ayants droit, de bénéficier temporairement de l'AMO pour les personnes incapables de payer les cotisations. Cependant, ils doivent, sous peine de suspension de leurs droits à ce régime, soumettre des demandes de prolongation dans les délais prescrits.

- prévoir que l’État remplace l’organisme gestionnaire du régime d’assurance maladie obligatoire de base pour les étudiants dans tous les contrats d’études, travaux, fournitures et services, ainsi que dans tous les autres contrats et conventions liés à ce régime et non encore réglés de manière définitive. L’État prendra en charge le règlement de ces contrats et accords selon les modalités et conditions qui y sont spécifiées.

- assurer le transfert des dossiers et archives détenus par l’organisme gestionnaire du régime d’assurance maladie obligatoire de base pour les étudiants vers l’administration ;

- L'organisme gestionnaire de l'AMO pour les étudiants se charge de rembourser ou de couvrir les frais des soins reçus par les étudiants avant la date d'entrée en vigueur de cette loi, conformément aux dispositions de la loi 116.12.

Plusieurs articles de la loi 65.00 abrogés à l'entrée en vigueur de ce texte

Pour appliquer toutes ces nouvelles dispositions, ce nouveau texte de loi prévoit également l'abrogation de plusieurs articles, notamment :

- le titre du premier chapitre du titre II du livre II de la loi 65.00 (à savoir "Organisme de gestion de l'assurance maladie obligatoire de base pour le secteur privé - La CNSS), ainsi que les articles 77 et 78 relatifs notamment aux réunions du conseil d'administration ;

- le titre du deuxième chapitre du titre II du livre II de ladite loi (à savoir "Organisme de gestion de l'assurance maladie obligatoire de base pour le secteur public - La CNOPS) ainsi que les articles 83, 86, 87,88, 89, 91, 92, 93, 122, 123, et 124 ;

- et l’abrogation du décret-loi 2.18.781 du 10 octobre 2018 portant création de la Caisse marocaine de l'assurance maladie.

Les dispositions de cette nouvelle loi sont prévues d'entrer en vigueur après un délai de douze mois à compter du premier jour du mois suivant celui de sa publication au Bulletin officiel.

Droits acquis : des applications différentes pour les trois types de couverture

Sondées par nos soins, des sources proches du dossier nous confient que "cette nouvelle mouture comporte plus de clarifications que de modifications".

"Prenons l'exemple de l'article 114, il existe trois niveaux de couverture, à savoir les mutuelles, l'assurance et les caisses internes. Dans le texte en vigueur actuellement [la loi 65.00, ndlr], l'article 114 stipule qu'en cas de transfert vers l'AMO, les droits acquis en ce qui concerne les cotisations et le taux de couverture, doivent être préservés. Près de 1,8 million de personnes sont concernées par cet article".

"Dans cette nouvelle mouture", poursuivent nos interlocuteurs, "le gouvernement a apporté un autre changement, en différenciant entre les établissements disposant d'une assurance, qui ne subiront aucun changement et qui seront autorisés à garder leur couverture telle quelle de manière transitoire, en attendant la publication d'un texte réglementaire qui fixera le délai pour que ces établissements basculent vers la CNSS".

"En revanche, pour les établissements disposant de mutuelles (tels que la CMIM pour le secteur privé) ou de caisses internes d'assurance, s'ils ne disposent pas de couverture maladie analogue à celle de l'AMO, ils seront forcés, par un texte réglementaire, de basculer vers la CNSS", explique notre source.

Elle estime qu'il y a un risque sur ce point qui pourrait être en faveur des assurances, "dans la mesure où ledit texte réglementaire fixant le délai de basculement vers la CNSS peut être publié dans une année, comme il peut l'être dans cinq ans. Il n'y a pas de garantie sur cet aspect".

Elle pose également d'autres questions :  "Pourquoi les établissements disposant d'une assurance ont-ils été écartés ? Cette comparaison en terme de taux de couverture notamment sera-t-elle comparée avec l'AMO du secteur public ou du secteur privé, sachant que le panier de soin et le taux de couverture sont différents ? Comment ce décalage sera-t-il constaté, et qui se chargera de le constater ?"

Des doutes sur la préservation des droits acquis des étudiants

En ce qui concerne l'AMO pour les étudiants, notre source explique qu'à travers ce texte, "les droits acquis de cette population, estimée à près de 630.000 étudiants affiliés actuellement à la CNOPS ne seront pas préservés".

Elle ajoute que "cette nouvelle mouture stipule que cette catégorie bénéficiera d'un taux de couverture selon le statut des ayants droit, en d'autres termes l'appartenance des parents aux différents régimes (AMO Tadamon, AMO Achamil, Travailleurs non salariés ...), tout en préservant ses droits acquis. Or, ces étudiants bénéficient actuellement, dans le cadre de la loi 116.12, des mêmes paniers de soin et taux de couverture que le secteur public, qui restent supérieurs à tous ceux appliqués par la CNSS".

"Il y a, certes, un côté positif à la prolongation de la prise en charge des étudiants jusqu'à 30 ans, mais cette disposition ne concernera qu'une population minime. Rares sont les étudiants qui poursuivent leurs études jusqu'à leurs 30 ans".

Cette réforme n'est pas aisée. Elle bouscule un ordre établi depuis des décennies et un mode de fonctionnement bien installé. Or le basculement vers une seule caisse gérant l'AMO est une nécessité pour la cohérence et la gestion du régime.

Sur le plan stratégique, c'était inévitable et recommandé depuis plusieurs années. L'urgence de la généralisation de la protection sociale l'a imposé.

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