Les architectes du privé s'organisent en syndicat pour défendre la profession
Concurrence déloyale, pratiques abusives dans les concours et les consultations, conditions de travail de plus en plus précaires... Face à ces défis, les architectes du privé s'organisent en syndicat pour répondre aux besoins spécifiques de la profession. Le Syndicat national des architectes privés du Maroc, SYNA Maroc, tient sa première assemblée générale ce jeudi 14 novembre à Casablanca.
Les architectes du privé s'organisent en syndicat pour défendre la profession
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Basma Khirchi
Le 14 novembre 2024 à 16h42
Modifié 14 novembre 2024 à 17h39Concurrence déloyale, pratiques abusives dans les concours et les consultations, conditions de travail de plus en plus précaires... Face à ces défis, les architectes du privé s'organisent en syndicat pour répondre aux besoins spécifiques de la profession. Le Syndicat national des architectes privés du Maroc, SYNA Maroc, tient sa première assemblée générale ce jeudi 14 novembre à Casablanca.
SYNA Maroc est né en réponse aux nombreux défis qui menacent l'avenir de l'architecture privée. Le nouveau syndicat qui tient ce jeudi 14 novembre sa première assemblée générale, au siège du conseil régional de l’Ordre des architectes de la région Casablanca-Settat, se fixe ainsi comme objectif la défense des intérêts de la profession qui subit plusieurs pressions.
Une avalanche de problèmes
"Nous encourageons cette initiative. Un syndicat est toujours le bienvenu dans n'importe quelle profession. Il est un instrument nécessaire et indispensable pour n'importe quelle profession libérale", affirme à Médias24, Mohamed Karim Sbai, président du conseil régional de l’Ordre des architectes de la région de Casablanca-Settat qui abrite l'assemblée générale du nouveau syndicat.
Le président du conseil régional de l'Ordre des architectes cite "des problèmes de tous genres". Des problèmes qui sont loin de dater d'aujourd'hui, tient à préciser notre interlocuteur.
"Les problèmes que subit l'architecture privée ne datent pas d'aujourd'hui. Ils se rapportent à l'exercice de la profession, aux conditions de travail par rapport aux autorisations de construire, c'est-à-dire des problèmes que nous avons par rapport au délai des autorisations, par rapport à la manière dont les administrations instruisent nos dossiers, par rapport aussi aux divergences auxquelles nous sommes confrontés quand nous déposons un dossier. Il y a également des divergences entre architectes et administrations par rapport aux avis émis par ces dernières".
La concurrence déloyale existe [...]Ce n'est pas bon, ni pour la profession ni pour le citoyen
"Nous avons par ailleurs des problèmes internes à la profession. Or, il y a des architectes qui signent et font n'importe quoi. La concurrence déloyale, liée directement aux honoraires des architectes, est l'autre gros problème auquel nous faisons face. Nous constatons que les honoraires des architectes sont de plus en plus à la baisse. Et, malheureusement, nous ne disposons pas aujourd'hui de l'outil juridique pour fixer un minimum d'honoraires au-dessous duquel l'architecte du privé ne peut pas faire sa mission. C'est ce qui fait que la concurrence déloyale existe. Celui qui travaille au prix le plus bas ne remplit pas complètement sa mission. Ce n'est pas bon, ni pour la profession ni pour le citoyen qui cherche le moins-disant, mais finalement se retrouve avec de très grands problèmes au niveau de son chantier, et très souvent des problèmes de sécurité ainsi que des problèmes techniques, que le client paie cher par la suite".
"Les problèmes sont donc de tous genres. Au niveau de l'Ordre, nous faisons le nécessaire pour remédier à ces problèmes. Mais s'il y a un autre organisme, tel que le nouveau syndicat pour justement nous aider à surmonter ces défis, il est toujours le bienvenu", conclut Mohamed Karim Sbai.
Signatures de complaisance et concours biaisés
Khalil Morad El Ghilali, architecte et enseignant à l'Université euro-méditerranéenne de Fès, se félicite de ce nouvel élan de mobilisation. Il estime que le travail du syndicat permettra de lutter contre les conflits d'intérêts résultant de la présence d'architectes du public parmi les architectes représentés par l'Ordre.
"C'est une superbe initiative. Il se trouve qu'au niveau de l'Ordre, nous avons à la fois des acteurs publics et privés. Des conflits d'intérêts résultent de facto. Quand on devient un architecte du public, on devient un fonctionnaire de l'État. On défend ainsi les intérêts de l'État qui ne s'alignent pas forcément sur les intérêts d'un opérateur du privé. Le travail du syndicat viendrait justement combler cette lacune. Encore faut-il que le travail derrière suive, et que les intentions soient complètement désintéressées et qu'elles servent la profession".
La concurrence déloyale, un des problèmes phares rencontrés par la profession, intervient à plusieurs niveaux, estime notre interlocuteur.
"La concurrence déloyale est tout un réseau, principalement constitué de certains techniciens au niveau des sièges de communes et des agences urbaines, qui ont développé à travers le temps une sorte de réseau complètement immoral, notamment à travers des signatures de complaisance. Le citoyen, lui, quand il envisage de réaliser un plan, la première chose qu'il fait, c'est d'aller chercher, au niveau de l'agence urbaine ou de la commune, les acteurs du bâtiment. Ces acteurs sont principalement des techniciens qui viennent dans ce cas-là récupérer le client et signer des plans puisqu'ils ont pu développer entre-temps un réseau d'architectes privés", accuse notre interlocuteur.
"La concurrence déloyale est également constatée à travers des concours biaisés ou des consultations complètement pipées. C'est là l'un des plus gros problèmes que l'architecte est actuellement en train de subir".
Les honoraires des architectes, l'autre écueil
"L'architecte engage son temps et son énergie. Les concours coûtent très très cher, entre l'impression, les salaires engagés et puis parfois même des prestations supplémentaires, que ce soit des maquettes ou des rendus onéreux. Les dépenses s'établissent en moyenne aux alentours de 40.000 DH et ne sont presque jamais récupérables, puisque seuls les cinq premiers sont primés. Nous avons donc des concours avec une vingtaine à une trentaine de participants, qui finalement ne récupèrent pas du tout leur argent. En plus de cela, ce sont des concours qui sont pipés, dont on connaît déjà les vainqueurs, ce qui rajoute d'autant plus à la frustration", poursuit notre source.
La contribution de l'architecte se chiffre entre 5% et 6% du montant total de la mise en œuvre. Dans d'autres pays, notamment en France ou en Belgique, le pourcentage moyen tourne autour de 12% à 13%
La rémunération de l'architecte du privé n'a pas suivi l'inflation, note en outre l'architecte.
"La rémunération de l'architecte est restée très proche de ce qu'elle était auparavant, malgré la crise économique actuelle. La contribution de l'architecte se chiffre entre 5% et 6% du montant total de la mise en œuvre. Dans d'autres pays, notamment en France ou en Belgique, le pourcentage moyen tourne autour de 12% à 13%. C'est un autre élément à prendre en considération".
"Puis il y a des grilles qui n'ont pas du tout été actualisées depuis les années 1980, ou qui ont été légèrement actualisées. On parle encore de gros œuvres qui sont à 1.200 DH le mètre carré, alors que cela n'existe plus en fait. Donc, c'est vraiment toutes ces questions-là qui ont été laissées de côté, et dont le syndicat, je pense, pourrait se charger et autour desquelles il devrait essayer de développer un argumentaire", conclut Khalil Morad El Ghilali.
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