Les températures caniculaires et l'absence de pluies provoquent inquiétude et attentisme
Dans le monde rural, en proie à un début de saison sec dans la plupart des régions, l'attentisme prévaut. L'exode vers les villes reste une solution ultime. Tour d'horizon avec 4 spécialistes reconnus de l'eau, de l'agriculture et du monde rural.

Les températures caniculaires et l'absence de pluies provoquent inquiétude et attentisme
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Rédaction Medias24
Le 28 novembre 2024 à 19h00
Modifié 29 novembre 2024 à 12h30Dans le monde rural, en proie à un début de saison sec dans la plupart des régions, l'attentisme prévaut. L'exode vers les villes reste une solution ultime. Tour d'horizon avec 4 spécialistes reconnus de l'eau, de l'agriculture et du monde rural.
Ce jeudi 28 novembre 2024, il a fait 32 degrés à Casablanca. Depuis au moins une semaine, la température dans la métropole atteint quotidiennement des pics de 29 ou 30 degrés.
Le réchauffement climatique s'installe donc et avec lui, une inquiétude certaine. "La situation est grave. Je suis très inquiet", nous disent une partie des spécialistes que nous avons contactés.
En fait, la situation n'est pas uniforme dans tout le pays.
A Meknès, le Pr Errahj, enseignant à l'Ecole nationale d'Agriculture, témoigne: "dans cette zone, il n'y a pas de stress pluviométrique. Les températures ne sont pas trop hautes et on constate la présence d'un petit couvert végétal". C'est qu'il avait déjà plu en quantité non négligeable.
A Imlil, dans le Haut-Atlas, les quantités d'eau ont "un peu baissé car il n'a pas neigé depuis quelques années", mais le moral est bon, car les populations qui vivent de tourisme et de plantations fruitières (cerisiers, pommiers...), arrivent à irriguer, témoigne Mohamed Mahdi, le sociologue du monde rural qui s'y trouvait il y a une semaine.
Les échos sont néanmoins globalement préoccupants. L'inquiétude porte sur le devenir de cette année agricole, mais également sur l'avenir de la situation hydrique au Maroc et à l'absence d'une bonne communication des pouvoirs publics quant à leur plan d'avenir. Les informations restent en effet fragmentées.
Le réchauffement climatique impacte directement l'agriculture et l'élevage. Et peut impacter l'eau potable, ce qui heureusement n'est pas le cas au Maroc.
En affectant l'agriculture et l'élevage, il peut faire des ravages dans le monde rural ainsi que dans les villes par effet domino. La situation actuelle était prévue. Elle semble toutefois s'être installée brutalement et intensément.
Le Pr Larbi Zagdouni, ago-économiste, spécialisé dans le monde rural, ne mâche pas ses mots: "C'est une gangrène. Le changement climatique dévaste tout, même les plantations fruitières et l'élevage. Seule l'agriculture saisonnière peut être épargnée. Il décime donc le capital productif. C'est une catastrophe كارثة".
Le Pr Tahar Srairi, enseignant chercheur à l'Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II (IAV), se trouve face à un dilemme devant ses étudiants: "je me demande si je dois enseigner au passé", tellement le réchauffement climatique semble bien installé et durable. Il avoue que chez lui, "l'inquiétude est absolue, et je pèse mes mots. La situation est très inquiétante et ceci sans dramatriser. Elle confirme ce qui nous attend au cours des prochaines années".
C'est une gangrène. Le changement climatique dévaste tout, même les plantations fruitières et l'élevage. Seule l'agriculture saisonnière peut être épargnée
Tahar Srairi rappelle que 4 millions de personnes vivent de l'agriculture. Larbi Zagdouni cite les pertes d'emplois dans le monde rural (1,2 million en 6 ans). Tahar Srairi pose LA question : quel est le plan B? Où est-il? Quelle est l'alternative?".
Les besoins marocains en eau potable sont seulement de 1,7 milliard de m3 par an. Ceux de l'agriculture sont de 14 milliards de m3.
A titre d'information, et pour ce qui concerne l'actuelle saison agricole 2024-25, il prévient que le point de non-retour, c'est fin décembre. "S'il ne pleut pas d'ici là, nous subirons une année blanche".
Où va le Maroc?
Larbi Zagdouni estime que l'on ne parle pas assez d'un secteur sinistré, l'élevage. Il trouve la crise des viandes rouges incompréhensible et inexplicable si l'on s'en tient uniquement aux chiffres officiels. En effet, lors des cycles précédents de sécheresse, comme celui de 1981-1985, les prix de la viande se sont effondrés, car les bêtes sont sacrifiées ou bradées. Là, c'est le contraire qui se passe: les prix ne cessent d'augmenter, atteignant des pics jamais connus auparavant. "Si l'autorité gouvernementale estime que le cheptel est suffisant, pourquoi importe-t-on de la viande fraîche ou congelée?". Il dit son incompréhension totale devant la décision de confier une enquête sur le cheptel à l'ANOC, une association professionnelle, comme si le ministère se défaussait sur les professionnels ou se reposait sur eux, alors que c'est une affaire de spécialistes et de services comme ceux de l'ONSSA ou de la Direction des statistiques du ministère de l'Agriculture.
Larbi Zagdouni évoque une "sahélisation" de l'Afrique du Nord. Il estime que le dessalement ne remplacera jamais les apports d'eau conventionnels en forte baisse. Il attire l'attention sur l'hémorragie actuelle dans la catégorie des petits éleveurs. L'agriculture actuelle, impactée par la pénurie d'eau, ne peut plus faire vivre les 13 millions de personnes qui habitent la campagne. Il appelle le ministère de l'Agriculture à publier les chiffres exacts du cheptel ainsi que celui des destructions (arrachages, dessèchement) des arbres fruitiers. "Les solutions à cette situation se trouvent en dehors de l'agriculture", conclut-il.
Les solutions sont en dehors de l'agriculture
Mostafa Errahj va dans le même sens. "La question agricole ne se pose pas en tant que problématique agro-agricole". "Nous disposons de nombreux instruments d'incitation à la production, et peu d'incitations à la consommation intelligente", déplore-t-il. Le système agricole favorisait le moins-disant, "or, le moins-disant sera toujours celui qui effectue de l'exploitation intensive, jamais le paysan de Berrechid ne pourra le concurrencer, il sera toujours le moins cher".
"A côté de la maîtrise de l'eau, du bon choix des variétés, il y a d'autres instruments à actionner". Il préconise des systèmes territorialisés. Il cite l'exemple de l'AMAP, l'Association pour le maintien d'une agriculture paysanne, qui conclut des contrats avec des producteurs agro-écologistes avec mise en place d'un système de pré-financement par les consommateurs.
Nous disposons de nombreux instruments d'incitation à la production, et peu d'incitations à la consommation intelligente
En conclusion, la situation actuelle est préoccupante. Les solutions qui sont agitées telles que le dessalement ne sont pas jugées suffisantes pour remplacer les apports en eaux conventionnelles. Des chercheurs mais aussi des citoyens sont dans le flou et n'ont pas de visibilité quant à un éventuel plan B, ou plan de rattrapage.
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