Diffamation en ligne : le cas Mahdaoui, journaliste ou producteur de contenu ?
Le cas de Hamid El Mahdaoui, poursuivi en diffamation pour ses vidéos sur YouTube, s'inscrit dans le cadre d'un phénomène global où les créateurs de contenus numériques font face à des poursuites judiciaires pour des accusations similaires, notamment en matière de diffamation.

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Le 29 novembre 2024 à 14h36
Modifié 29 novembre 2024 à 20h52Le cas de Hamid El Mahdaoui, poursuivi en diffamation pour ses vidéos sur YouTube, s'inscrit dans le cadre d'un phénomène global où les créateurs de contenus numériques font face à des poursuites judiciaires pour des accusations similaires, notamment en matière de diffamation.
Début 2024, Hamid El Mahdaoui a été visé par une plainte de Abdellatif Ouahbi pour diffamation publique et injures, après avoir publié plusieurs vidéos entre février et décembre 2023 sur sa chaîne YouTube.
Dans ses vidéos, Hamid El Mahdaoui attaque l'actuel ministre de la Justice, l'accusant notamment de fraude fiscale, corruption et passe-droit. Il a également soulevé des questions sur le passé d'avocat de Ouahbi, en particulier son rôle dans la défense de personnes accusées de trafic de drogue et de blanchiment d'argent, avant de devenir ministre.
Les vidéos, selon El Mahdaoui, étaient publiées dans le cadre de son travail journalistique et destinées à poser des questions sur la responsabilité politique du ministre. Le journaliste a précisé qu'il avait tenté de joindre le ministre avant la publication de chaque vidéo pour lui poser toutes ces questions, ce qui prouve, selon lui, qu’il n’y avait aucune intention de nuire.
Hamid El Mahdaoui a finalement été poursuivi en vertu du Code pénal pour injures publiques et diffamation, et a été condamné à 18 mois de prison ferme, ainsi qu'à des dommages-intérêts de 1,5 million de DH au profit du plaignant. La défense a contesté cette condamnation, arguant qu'El Mahdaoui devait être jugé en vertu du Code de la presse, mais la cour a estimé que les vidéos relevaient de la création de contenu numérique personnel, et non d'une activité journalistique formelle.
L'explication du ministère public
Deux jours après l'annonce du verdict, le chef de l’Unité des affaires de la presse à la présidence du ministère public, Hassan Farhane, a indiqué que la loi a défini avec précision le cadre régissant l’exercice du journalisme, un domaine qui fait l’objet d’une protection juridique.
Cependant, a-t-il ajouté dans cette interview accordée à Radio 2M, "les publications numériques ne remplissant pas les critères de la presse électronique, tels que définis par la loi relative à la presse et à l’édition, ne s’inscrivent pas dans le champ d’application de ladite loi et sont soumises aux dispositions du Code pénal, au cas où celles-ci impliquent des actes punis par ce Code".
"Le débat soulevé par certains au sujet de procès intentés contre des journalistes en vertu du Code pénal doit être tiré au clair, afin de mettre en lumière la base juridique y afférente", a-t-il relevé à cet égard.
Et de préciser que la liberté de la presse est garantie par l’article 28 de la Constitution, lequel énonce que celle-ci ne peut être limitée, à l’exception des cas prévus par la loi, notant toutefois que la profession journalistique doit s’exercer conformément aux normes et conditions définies par la loi 88-13 relative à la presse et à l’édition.
Le responsable a, d’autre part, expliqué que "l’action judiciaire, que ce soit au niveau des juridictions compétentes ou de la Cour de cassation, n’a cessé de considérer ce qui est publié sur les réseaux sociaux et les espaces ouverts comme faisant partie de la sphère privée soumise aux dispositions du Code pénal, chaque fois qu’il s’agit de faits incriminés par cette loi".
Cette sphère privée ne peut en aucun cas donner lieu à l’application des dispositions de la loi relative à la presse et à l’édition, tant que les conditions stipulées par ce texte ne sont pas remplies, a-t-il précisé.
Il a fait observer que "la liberté d’expression est perçue par certains usagers des réseaux sociaux comme étant la liberté de faire ce que bon leur semble !", déplorant que certains comptes et pages soient devenus des espaces où l’on se livre à des actes de diffamation et à des insultes répugnantes à l’endroit des personnes.
Entreprise vs créateur de contenu
Dans une décision similaire hormis le passage par la case prison, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a récemment accordé 350.000 $ de dommages-intérêts à une entreprise de beauté après qu'un youtubeur a publié une série de vidéos diffamatoires à propos de l'entreprise et de ses produits.
La société Buy Beauty a poursuivi le prévenu, M. Dong, en diffamation pour avoir publié une série de vidéos sur YouTube visant la firme. Le prévenu déclarait dans ses vidéos que Buy Beauty s'adonnait à des activités criminelles telles que le vol d'informations personnelles et financières sensibles, le blanchiment d'argent et la traite des êtres humains, entre autres.
La Cour a accordé aux plaignants 250.000 $ en dommages-intérêts généraux, 50.000 $ en dommages-intérêts aggravés et 50.000 $ en dommages-intérêts punitifs. De plus, une injonction permanente a été accordée pour interdire toute autre déclaration diffamatoire.
La Cour a observé que la publication en ligne est "probablement plus dommageable à la réputation que la diffamation par d'autres moyens, en raison de la possibilité que les publications soient vues par un public plus large". La diffamation avait eu un "impact profond" sur les plaignants, tant individuels que collectifs, et le prévenu ne s’était jamais excusé. Lors de l'examen des preuves, la Cour a constaté que des clients avaient annulé leurs contrats de vente avec les plaignants et que, à mesure que la diffamation se poursuivait, des employés avaient commencé à démissionner. Sur la base de ces éléments, la Cour a jugé qu'une indemnisation significative de 250.000 $ était nécessaire.
La Cour a également jugé que des dommages-intérêts aggravés à hauteur de 50.000 $ étaient justifiés en raison de la malveillance apparente dans la conduite du défendeur. Enfin, des dommages-intérêts punitifs de 50.000 $ ont été accordés pour dissuader les futurs "commentaires faussement répréhensibles", car d'autres pourraient chercher à reproduire ce comportement afin de tirer profit de la publicité.
Autorités VS Radio
Autre cas, cette fois-ci en France en plein état d'urgence. Le 20 octobre dernier 2016, deux bénévoles de la radio associative lyonnaise Radio canut dite "la plus rebelle des radios" avaient ironisé sur les manifestations de policiers. A l'antenne, ils avaient incité les suicidaires à "se faire sauter dans la manif des flics". Les deux animateurs ont été poursuivis pour "provocation au terrorisme".
En direct, l'animateur avait appelé les auditeurs qui souhaitaient endosser le rôle de "suicidés, suicidaires et kamikazes" à "se faire sauter au milieu du cortège" de policiers à Lyon.
Un auditeur choqué a alors prévenu la police. Une enquête a été ouverte et confiée à la Direction interrégionale de la police judiciaire. Les locaux de la radio associative ont été perquisitionnés le 25 octobre, en présence d'un magistrat.
L'enregistrement du passage comportant les propos polémiques a été saisi, indique la radio associative dans un communiqué. Radio Canut a dénonce la procédure lancée contre deux de ses animateurs; précisant que "les deux animateurs ont fait une blague entre deux morceaux de musique punk".
"Ces propos sont au second degré, c'est de l'humour ! Confondre terrorisme et satire est apparemment de mise dans une période d'état d'urgence", a dénoncé Radio Canut dans ce même communiqué, rappelant que les deux animateurs seront prochainement jugés pour provocation au terrorisme, et qu'ils risquent jusqu'à 5 ans de prison et une lourde amende.
L'association Radio Canut fut finalement mise en demeure par le CSA de respecter, à l'avenir, les dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 en ne diffusant plus de séquences portant atteinte à la sauvegarde de l'ordre public.
Incitation à la haine
Enfin, et cet évènement ne date que d'Octobre dernier, l'activiste britannique anti-musulman Stephen Yaxley-Lennon, connu sous le pseudonyme de Tommy Robinson, a été condamné lundi à 18 mois de prison pour avoir enfreint une injonction du tribunal prononcée à la suite de sa condamnation pour diffamation.
Yaxley-Lennon avait été poursuivi pour diffamation devant la Haute Cour de Londres par le réfugié syrien Jamal Hijazi et, en 2021, il avait été condamné à verser 100.000 livres (environ 129.885 dollars) de dommages et intérêts. Une injonction lui interdisant de répéter les propos diffamatoires avait également été prononcée, mais Yaxley-Lennon a reconnu l’avoir enfreinte à plusieurs reprises entre février 2023 et juillet de cette année.
Lors de l’audience à la Woolwich Crown Court de Londres, le juge Jeremy Johnson a déclaré : « Ces violations n’étaient ni accidentelles, ni négligentes, ni simplement imprudentes. Chaque violation de l’injonction a été réfléchie, planifiée, délibérée, directe et flagrante. »
L'Avocat général britannique a engagé des poursuites contre Yaxley-Lennon en raison de ses commentaires dans des interviews en ligne et dans un documentaire intitulé Silenced, visionné des millions de fois et projeté sur Trafalgar Square à Londres en juillet.
L’avocat de l'Avocat général, Aidan Eardley, a rappelé que Yaxley-Lennon avait été reconnu coupable de mépris à trois reprises et emprisonné pour cela en 2019. Il possède également d’autres condamnations pénales. En outre, il a été accusé par certains médias et responsables politiques d’avoir attisé les tensions ayant conduit à plusieurs jours d’émeutes au Royaume-Uni fin juillet, après le meurtre de trois jeunes filles lors d’un atelier de danse à Southport. Yaxley-Lennon a pour sa part accusé les médias de mentir à son sujet.
L’avocate de Yaxley-Lennon, Sasha Wass, a expliqué que ses propos diffamatoires découlaient de sa conviction profonde en faveur de la liberté d’expression et de la presse, ainsi que de son désir ardent d’exposer ce qu’il considère comme la vérité. Elle a également révélé que le documentaire Silenced avait été « essentiellement commandité » par la société Infowars de l’Américain Alex Jones, connu pour ses théories du complot.
Le juge Johnson a condamné Yaxley-Lennon à 18 mois de prison, moins trois jours passés en détention après son arrestation. Il purgera la moitié de cette peine en prison.
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Modifié 29 novembre 2024 à 20h52