L’éthique ou “l’espace commun” entre référentiels religieux et universels (Asma Lamrabet)
Dans son nouvel ouvrage, “Islam et libertés fondamentales : pour une éthique universelle”, Asma Lamrabet explore les tensions entre valeurs universelles et référents religieux. À travers une analyse critique et une approche éthique, elle propose des pistes de réflexion pour dépasser les antagonismes et construire un dialogue inclusif entre traditions et modernité.

L’éthique ou “l’espace commun” entre référentiels religieux et universels (Asma Lamrabet)
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Sara Ibriz
Le 16 décembre 2024 à 16h30
Modifié 17 décembre 2024 à 13h16Dans son nouvel ouvrage, “Islam et libertés fondamentales : pour une éthique universelle”, Asma Lamrabet explore les tensions entre valeurs universelles et référents religieux. À travers une analyse critique et une approche éthique, elle propose des pistes de réflexion pour dépasser les antagonismes et construire un dialogue inclusif entre traditions et modernité.
S’il fallait résumer les cinquante minutes de présentation de l’ouvrage de la chercheuse et écrivaine Asma Lamrabet, ce serait à travers son message “adressé au système éducatif” qui doit, selon elle, jouer un rôle dans “l’éducation à un universel humain”, qui est “le produit d’un héritage civilisationnel pluriel et dont le référentiel religieux de l’islam doit faire partie intégrante”.
Pour l’essayiste et la féministe, “il s’agit d’enseigner aux jeunes générations que les valeurs telles que la liberté, la justice, l’égalité, le savoir, la raison, l’amour, le respect des divergences, etc. sont non seulement intrinsèques à l’islam, mais également à l’Orient, à l’Occident, au monde… Et qu’elles ne sont le monopole d’aucune civilisation, ni dévolues à aucune culture ou idéologie donnée”.
C’est dans ce sens qu’Asma Lamrabet estime que le fait de “construire” un “espace éthique commun” qui inclut “les grandes valeurs universelles, ainsi qu’un référentiel religieux porteur de sens, ouvert, pluriel et humaniste”, ne constitue pas une concession mais plutôt une ”nécessité” et une ”évidence”.
“Le Maroc ainsi que d’autres sociétés musulmanes ont le potentiel humain, spirituel et politique nécessaire pour mettre en œuvre cet espace éthique commun. En tout cas, nous l’espérons pour les générations à venir”, déclare-t-elle lors de la présentation de son dernier ouvrage Islam et libertés fondamentales : pour une éthique universelle, le jeudi 12 décembre (Editions En Toutes Lettres, 184 pages, 95 DH).
Et pour expliquer la source de ses conclusions, la chercheuse aux multiples publications revient à la genèse de cet ouvrage tout en développant sa réflexion autour de deux axes : d’abord la compréhension de ce que signifient les référentiels universels, puis ce qu’impliquent les référentiels religieux. Cette approche lui a permis de conclure ce qu’il est nécessaire de mettre en œuvre pour allier les deux dans un espace commun, à savoir l’éthique.
Requestionner l’imaginaire sous le prisme de l’éthique
Lors de la présentation de son livre, Asma Lamrabet a souligné que la genèse de cet ouvrage est ancrée dans le contexte marocain, marqué par des débats récurrents sur les libertés fondamentales et les réformes attendues du Code de la famille. Ces questions, qui trouvent des échos dans d’autres sociétés musulmanes, révèlent un antagonisme supposé entre droits humains universels et valeurs islamiques.
Pour l’autrice, cette opposition découle de lectures figées des deux référentiels, qu’elle appelle à déconstruire. Elle insiste sur la nécessité de questionner les imaginaires collectifs et les normes conceptuelles qui alimentent cette tension.
“Ce livre n’est pas une réponse définitive à toutes ces questions, mais une tentative de mettre en évidence de manière non exhaustive les principaux points de tension de cette thématique cruciale et de proposer de :
- Dans un premier temps, requestionner nos imaginaires et toutes ces nombreuses normes conceptuelles qui les hantent, voire déconstruire autant la vision dite universelle que celle du religieux, afin de mieux comprendre de quoi on parle.
- Dans un deuxième temps, relire et réanalyser, à la lumière d’une lecture éthique et humaniste, toutes les thématiques apportées dans ce livre qui sont au cœur de cette tension référentielle telle que la liberté de religion, l’avortement, l’égalité homme-femme avec tous ses ‘sous-produits’ comme l’héritage, etc., les enfants nés hors mariage et leur statut, les relations sexuelles en dehors du mariage et la peine de mort.
Tout cela afin de prendre le risque d’ouvrir d’autres voies de reconstruction et d’alternatives qui se veulent vraiment universelles et qui prennent en compte les principes éthiques fondateurs des deux référentiels. Et ceci pour construire sereinement, si possible, 'un lieu commun', c'est-à-dire un lieu qui sera celui des universalismes des deux référentiels. Un lieu commun qui soit légitime, inclusif et cohérent”.
Vers un universel inclusif
Asma Lamrabet rappelle que “l’universel” est aujourd’hui de plus en plus critiqué et remis en question dans sa configuration euro-centrée. Citant des penseurs tels que Paul Ricœur et Enrique Dussel, elle rappelle qu’il existe plusieurs propositions visant à le “renommer”.
“Rappelons aussi qu’il ne s’agit pas ici de renier l'apport incontournable de l’Occident à la formulation des droits humains, mais plutôt de dénoncer le refus ou le déni d’une certaine élite savante occidentale à réinscrire les autres traditions culturelles épistémologiques au sein d’un patrimoine commun qui serait véritablement universel. Ce qui est donc à critiquer ici, ce n’est pas le fondement humaniste des valeurs dites universelles mais de leur accaparation, voire de leur instrumentalisation géopolitique par l’Occident”, souligne Asma Lamrabet.
L’autrice propose de renouer avec une vision véritablement universelle, fondée sur un dialogue interculturel et interreligieux. Elle rappelle que l’héritage humaniste de l’Andalousie médiévale, marqué par les contributions croisées des traditions juives, chrétiennes et musulmanes, offre un modèle inspirant de co-construction des savoirs.
Et d’ajouter : “Cependant, cette critique de l’instrumentalisation des droits humains, tout en étant légitime et nécessaire, ne peut être effective que si elle se fait parallèlement à une autocritique de la tradition musulmane et de toute l’approche théologico-politique. Autrement dit, il faut balayer d’abord devant sa porte”.
Réconcilier spiritualité musulmane et valeurs universelles
Un autre aspect central du livre est la relecture des notions religieuses telles que la charia et le fiqh. Asma Lamrabet déconstruit les interprétations réductrices qui en font des systèmes rigides. Elle critique l’héritage colonial qui a contribué à figer ces concepts sous la forme d’un “droit musulman” souvent inadapté aux réalités contemporaines.
Dans “Islam et libertés fondamentales”, Asma Lamrabet invite à dépasser les clivages et à ouvrir de nouvelles perspectives. Son approche, à la fois critique et constructive, propose de réconcilier les valeurs humanistes universelles avec une spiritualité musulmane éthique et inclusive.
Pour elle, ce dialogue est essentiel pour répondre aux défis de sociétés en quête de justice sociale, d’égalité et de liberté, tout en respectant leurs identités culturelles et religieuses. Un chemin ambitieux, mais nécessaire, vers une éthique véritablement universelle.
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Le 16 décembre 2024 à 16h30
Modifié 17 décembre 2024 à 13h16