Round Up. La régulation des réseaux sociaux, nouveau chantier de Ouahbi
Face à la montée des condamnations pour les infractions en ligne, des questions se posent quant au retard du cadre légal des réseaux sociaux. Après l’abandon de la loi “Benabdelkader”, où en sont les projets du ministre actuel de la Justice, Abdellatif Ouahbi ?

Round Up. La régulation des réseaux sociaux, nouveau chantier de Ouahbi
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Sara Ibriz
Le 20 décembre 2024 à 12h51
Modifié 20 décembre 2024 à 13h26Face à la montée des condamnations pour les infractions en ligne, des questions se posent quant au retard du cadre légal des réseaux sociaux. Après l’abandon de la loi “Benabdelkader”, où en sont les projets du ministre actuel de la Justice, Abdellatif Ouahbi ?
Depuis des semaines, plusieurs affaires judiciaires impliquant des youtubeurs / influenceurs sont recensées au Maroc. Si certains ont déjà été condamnés pour des faits de “diffamation”, d’autres ont récemment été arrêtés pour des raisons relevant de leur comportement sur les réseaux sociaux, jugé inapproprié.
Ici, il n’est pas question de s’attarder sur les faits reprochés à ces "célébrités" des réseaux sociaux mais plutôt de s’intéresser à ce que traduit cette vague d’arrestations et/ou de condamnations et aux questions que pose cette situation. Où doit-on placer la frontière entre la liberté d’expression et le respect des droits individuels ? N’est-il pas temps d’encadrer l’usage de ces plateformes ?
Sur les réseaux sociaux, les types de problématiques sont divers et variés. Entre arnaques, diffusion de propos insultants et diffamatoires, “live” pour récolter de l’argent sans autorisation ou bien pour partager un contenu parfois obscène, sans oublier la propagation des fake news… les moyens d’atteinte à la vie privée d’autrui et à l’ordre public sont assez nombreux sur le web. Et le gouvernement en est conscient.
Mais comment compte-t-il agir ? Où en est la loi relative aux réseaux sociaux parue en 2020 et disparue depuis ? Que prévoit le ministre actuel de la Justice qui a lui-même recours à la justice pour des faits de diffamation en ligne ?
Un cadre juridique en - très - longue/lente préparation
Ce qui est sûr, c’est que cette loi de 2020 (n°22.20) a été abandonnée.
Élaborée et présentée par le département de la Justice, dirigé à l’époque par Mohamed Benabdelkader, la loi 22.20, relative aux réseaux sociaux avait provoqué un tollé.
En effet, sous Mohamed Benabdelkader, le ministère de la Justice avait déjà tenté d'amorcer un texte pour encadrer les agissements sur le web, notamment sur les réseaux sociaux. Il s'agissait précisément de réprimer les cas de diffusion de "fausses informations" sous plusieurs variantes, dont celle, polémique, sur les fake news, "portant le doute sur la qualité et la sécurité d'un produit". Cette initiative, alors connue sous l'appellation "loi muselière", avait suscité la gronde de l'opinion publique. Elle avait fait l'objet de protestations et d'un rétropédalage du gouvernement mais aussi de la part de l'USFP qui est pourtant l'initiateur du texte via le ministre Benabdelkader, quasi-désavoué par son parti.
Au-delà de cet aspect polémique, ce projet de loi visait à garantir la liberté de communication numérique sur les réseaux sociaux, les réseaux de diffusion ouverts et d'autres réseaux similaires, à condition que les intérêts légalement protégés ne soient pas compromis ; mais aussi à cerner les diverses formes de crimes commis par le biais de ces réseaux, en particulier ceux qui affectent la sécurité et l'ordre publics, à travers la publication de fausses informations ou portant atteinte aux personnes, ainsi que certains crimes visant les mineurs.
Le texte visait également à imposer des obligations aux fournisseurs de services de médias sociaux et mettre en place une procédure efficace et transparente pour lutter contre les contenus électroniques illicites ; tout en adoptant des sanctions à l'encontre des prestataires de services de réseaux sociaux qui violent leurs obligations.
L’esprit de ce texte semble plus centré sur la protection de l’ordre public, tandis que celui que prône l’actuel ministre de la Justice tend vers une double protection, incluant la vie privée du citoyen.
Dans ce sens, Abdellatif Ouahbi s’est exprimé sur ses ambitions concernant l’encadrement de l’usage des réseaux sociaux. Et dans ses explications, le ministre ne parle pas d’une loi spécifique mais de dispositions à intégrer dans le Code pénal.
S’il ne prévoit pas d’interdire l’usage des réseaux sociaux, le projet de Code pénal, très attendu, va plutôt en encadrer l’usage.
Ce que prévoit Ouahbi
Ce qui est sûr, c’est que le département de Ouahbi ne prévoit pas d'interdire l'usage de certains réseaux sociaux. De passage au Parlement en mai 2024, le ministre a déclaré que “l’interdiction n’est pas la solution” et ce, en raison d’une relation de pouvoir complexe entre les plateformes et les États où ils sont utilisés.
S’il ne prévoit pas d’interdire l’usage des réseaux sociaux, le projet de Code pénal, très attendu, va plutôt en encadrer l’usage. Selon celui en charge de son élaboration, des peines sévères y seront prévues pour sanctionner les infractions sur internet, notamment sur les réseaux sociaux.
Mais ce texte, il le promet depuis 2022. En décembre de la même année, il avait assuré que le Code pénal allait être présenté au Parlement avant début 2023. Aujourd’hui, le texte n’a pas encore vu le jour. En attendant de verser ce texte dans le parcours législatif, Abdellatif Ouahbi partage des bribes de son contenu, notamment en matière d’encadrement des réseaux sociaux. Un sujet qui lui tient à coeur.
En effet, le ministre a lui-même été victime de diffamation sur les réseaux sociaux et a porté plainte contre deux créateurs de contenus. L’un d’entre exerce également le métier de journaliste. Il s’agit de Hamid El Mahdaoui.
Mais celui-ci a publié le contenu jugé diffamatoire sur sa chaîne Youtube personnelle. Le tribunal de première instance de Rabat a estimé que ces publications ne relevaient donc pas du Code de la presse mais des dispositions du Code pénal.
Il convient de noter qu’en décembre 2022, le ministre avait mis en exergue un arrêt de la Cour de cassation rendu quelques semaines plus tôt, selon lequel c’est le Code pénal, et non pas le Code de la presse, qui s’applique aux infractions émanant des réseaux sociaux. Une jurisprudence que le ministre a considéré comme une “orientation qui va pousser le ministère public vers l’application du Code pénal pour les infractions sur les réseaux sociaux”. Tout ceci remonte à près de deux ans avant la condamnation de Hamid El Mahdaoui, suite à la plainte déposée par Abdellatif Ouahbi.
Sans rentrer dans le détail de ces affaires que Médias24 a déjà traitées (ici et ici), il convient de s’arrêter sur les ambitions du ministre à ce sujet. Lors de multiples déclarations, le ministre a indiqué :
-avoir la volonté de contrer les atteintes à la vie privée sur le web à travers un Code pénal dont les dispositions concerneront les cas de diffamation et d’injures sur internet, mais également la violation de la présomption d’innocence ;
-compter durcir les peines, surtout lorsqu’il s’agit d’enfant ou de femmes, ou lorsque l’infraction touche à la vie conjugale et d’autres pans de la vie privée ;
-viser à reconnaître la publication parmi les cas de flagrance ;
-prévoit de sanctionner sévèrement la diffusion de photos sur les réseaux sociaux ;
-et de sanctionner les personnes qui créent des journaux électroniques sans être journalistes.
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