“Pourquoi les conclusions du RGPH sur l’usage de la langue amazighe sont infondées” (M. Demnati)
Selon le dernier recensement général de la population et de l'habitat (RGPH 2024), la langue amazighe représente 24% des langues parlées au Maroc. Remettant en cause la fiabilité de ce taux, la militante Meryam Demnati estime "infondée" cette conclusion qui veut montrer, selon elle, que la généralisation de l’enseignement avance bien depuis 2011 alors qu’il n’en est rien en réalité. Explications.

“Pourquoi les conclusions du RGPH sur l’usage de la langue amazighe sont infondées” (M. Demnati)
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Samir El Ouardighi
Le 21 décembre 2024 à 18h03
Modifié 22 décembre 2024 à 9h39Selon le dernier recensement général de la population et de l'habitat (RGPH 2024), la langue amazighe représente 24% des langues parlées au Maroc. Remettant en cause la fiabilité de ce taux, la militante Meryam Demnati estime "infondée" cette conclusion qui veut montrer, selon elle, que la généralisation de l’enseignement avance bien depuis 2011 alors qu’il n’en est rien en réalité. Explications.
Invitée à commenter la conclusion émise par le RGPH selon lequel la part de la langue amazighe est de 24% dans les langues parlées au Maroc Meryam Demnati affirme être perplexe sur la crédibilité de ce taux. Elle n'est d'ailleurs pas la seule dans ce cas, différents courants amazighes ayant exprimé de vives réserves quant à ce chiffre. Pourtant, côté HCP, on a expliqué à plusieurs reprises la méthodologie employée et exprimé la neutralité de l'institution concernant tout sujet, comme le chômage ou les langues parlées.
Se basant sur le fait que ce chiffre "officiel" n'est pas le fruit d'un sondage relatif à une question explicite des agents aux personnes sondées en septembre dernier, l'activiste de la cause amazighe nous livre sa lecture critique d'une démarche "politique" qui se démarquerait de la réalité.
"Le taux de 24% n'a aucun fondement scientifique"
"Personne n’est en mesure d’expliquer l’origine de son mode de calcul d'autant plus que moi-même et tous les gens que je connais n’ont absolument pas été interrogés par les fonctionnaires sur la langue vernaculaire utilisée dans notre vie quotidienne", ajoute la militante pour qui les agents se sont simplement contentés de poser des questions d’ordre général.
Elle fait probablement allusion ici au questionnaire élargi qui a été administré à 30% de la population générale, d'une part pour ne pas alourdir le processus; et d'autre part, parce que 30% est un échantillon suffisant pour des questions en dehors du recensement pur et dur de la population et de l'habitat.
Déçue par la méthodologie utilisée "qui serait identique à celle du précédent", notre interlocutrice considère que ses concepteurs ont essayé d'imposer à l'opinion publique leur vision d’un pays où l’usage de l’amazighe évolue dans le bon sens en omettant cependant de consacrer une question pour le mesurer.
Il faut en effet rappeler que le contenu très court du questionnaire principal destiné à recenser les habitants du Maroc portait essentiellement sur l’état-civil (nom, prénom, adresse, lieu et date de naissance…). Mais c'est la pratique normale en la matière.
"Une estimation qui permet de minimiser l’importance de cette langue"
Une annonce "préparée à l’avance" qui s’expliquerait par une volonté politique de minimiser l’importance de la 2ème langue officielle vouée à continuer à occuper une place inférieure à l’arabe.
Une démarche en contradiction totale avec la politique de généralisation de son enseignement lancée en 2011, date à laquelle cette langue a acquis un caractère officiel après l’adoption de la nouvelle constitution.
Et d’ajouter que l’intention était en réalité de laisser croire que malgré tous les efforts entrepris par les autorités de tutelle pour généraliser son usage, le nombre d’amazighophones ne progresse pas vraiment.
Un nombre d'usagers qui reste limité à sa portion congrue avec seulement un quart de la population marocaine qui l’utiliserait.
"Selon le dernier RGPH, l’usage de l’amazighe a reculé depuis 2014"
"Alors qu’on ne cesse de nous présenter l’amazighe comme étant la langue de tous les Marocains, l’absence totale de transparence sur le mode de calcul de son usage montre que la politique discriminatoire à son égard n’a pas cessé depuis l’avant-dernier recensement », avance Meryam Demnati qui tout en remettant en question la fiabilité des chiffres des 2 derniers recensements sur l’usage de l’amazighe rappelle que leurs conclusions estiment que sa part dans les langues parlées a reculé depuis 10 ans.
En effet, selon les chiffres officiels des RGPH de 2014 et de 2024, la part de l'amazighe dans les langues parlées au Maroc serait passée de 27% à 24%, soit un recul de 3 points en une décennie, alors que son enseignement a été lancé dès 2003 dans le secteur public.
"Sans mobilisation de la société civile, la cause n’avancera pas"
Tout en reconnaissant du bout des lèvres quelques résultats de la politique de généralisation initiée en 2016, "tout aussi grippée que celle consistant à accorder leurs droits aux femmes sur les questions d’héritage …", Meryam Demnati se veut toutefois très critique sur l’évolution d’une dynamique qui aurait normalement dû aboutir à l’utilisation de l’amazighe par au moins 50% de la population.
Sur les enseignements à tirer avant le prochain recensement de 2034, la militante estime que faute de soutien des partis politiques totalement décalés qui ne se manifestent qu’en période électorale, "la société civile devra continuer à se mobiliser pour obtenir plus de droits linguistiques et culturels sans quoi un linguicide voire un ethnocide ne sera pas à exclure à terme".
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