Voici pourquoi les loyers et les prix de l'immobilier neuf ont explosé à Rabat (opérateurs)
Depuis le début de la crise sanitaire en 2020, les prix de la location et de l’immobilier neuf à Rabat ont connu une forte inflation qui fait de la capitale une des villes les moins abordables du Maroc pour se loger. Sollicités par notre rédaction, le directeur général du groupe Balima et le président de la Fédération des industries des matériaux de construction nous expliquent les raisons de cette flambée des prix.

Voici pourquoi les loyers et les prix de l'immobilier neuf ont explosé à Rabat (opérateurs)
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Samir El Ouardighi
Le 17 janvier 2025 à 18h47
Modifié 18 janvier 2025 à 12h23Depuis le début de la crise sanitaire en 2020, les prix de la location et de l’immobilier neuf à Rabat ont connu une forte inflation qui fait de la capitale une des villes les moins abordables du Maroc pour se loger. Sollicités par notre rédaction, le directeur général du groupe Balima et le président de la Fédération des industries des matériaux de construction nous expliquent les raisons de cette flambée des prix.
Que faut-il penser de l’augmentation constante du montant des loyers et des prix d’achat de logements neufs qui pousse de plus en plus les classes moyennes et surtout modestes à se loger dans la périphérie de la ville ?
Si plusieurs élus l’expliquent par un épuisement des réserves foncières nécessitant un nouveau plan d’aménagement et une extension de la superficie de la capitale, deux grands acteurs de l’immobilier apportent d’autres explications à cette inflation croissante qui pénalise un nombre croissant d’habitants.
"L’attractivité croissante de la capitale et la réduction du parc d'immeubles sont à l’origine de la hausse des loyers"
"Pour expliquer l'actuel trend haussier, il convient d'abord de rappeler que depuis 2012, les prix du secteur locatif et de l'immobilier neuf ont longtemps stagné à cause de la faiblesse de la demande, et qu’à partir de 2020, le marché a commencé à se redresser grâce à l’attractivité croissante de Rabat", déclare Louis-Bernard Lechartier, directeur général du groupe Balima, propriétaire d’un parc important de logements locatifs et qui s’est essayé à la promotion immobilière.
Ainsi, le fait qu’un nombre important d'immeubles d’appartements ou de bureaux aient été transformés en grands hôtels ou en résidences hôtelières a ipso facto entraîné la réduction de l’offre de logements intra-muros et, par conséquent, l'augmentation des prix à la location du parc restant.
"Le secteur locatif des commerces n’a pas profité du trend haussier des locations de logements"
Réfutant l’idée que l’ensemble du secteur de la location aurait été marqué, durant les quatre dernières années, par une forte augmentation du montant des loyers, Louis-Bernard Lechartier tient à préciser que les commerces n’ont pas profité de la tendance haussière avec une chute importante de leurs prix locatifs.
Une situation qui s’expliquerait par un environnement économique difficile qui a engendré une perte du pouvoir d’achat des Marocains qui consomment de moins en moins, notamment en raison de l’intense sécheresse qui sévit dans le Royaume depuis près de sept ans.
Sans compter la concurrence générée par l'implantation croissante de grands centres commerciaux qui multiplient l’offre de produits face à une tendance baissière de la consommation et qui a pour effet de minorer l’activité des petits commerces.
Se voulant toutefois optimiste pour l'avenir, notre interlocuteur estime que la vigueur des nombreux investissements en cours au Maroc devrait se traduire par une reprise économique qui boostera à terme la consommation des Marocains.
"La hausse de 50% des coûts de construction et de la main-d’œuvre a dû être répercutée sur le prix des logements neufs"
Concernant l’inflation des prix d'achat de l'immobilier neuf, notre interlocuteur explique qu’il faut la mettre sur le compte de la hausse constante des coûts de construction depuis 2022.
Tout en rappelant que le coût de construction représentait 30% de la valeur commerciale d'un appartement neuf, Louis-Bernard Lechartier estime que ce n’est plus le cas après l’augmentation d’au moins 50% de tous les matériaux nécessaires (ciment, sable, métaux, revêtements, bois, robinetterie, carrelage…), sans compter le coût de la main-d’œuvre qui a beaucoup augmenté.
"Après avoir établi un business plan initial qui comprenait les estimations de tout le chantier de rénovation de l’hôtel Balima, nous nous sommes rendu compte, après le début des travaux, qu’il fallait revoir à la hausse tous les coûts des matériaux et des prestations qui ont explosé", déplore le directeur général du groupe, pour qui la multiplication des chantiers d’infrastructures à travers le Maroc incite les entreprises sous-traitantes à ne pas baisser leurs tarifs.
"Accroître la verticalité des logements comporte des surcoûts financiers prohibitifs"
Concernant le projet du plan d'aménagement de la capitale qui recommande d’étendre la superficie de la capitale vers les zones périphériques d’Akrech et de Menzah, notre interlocuteur avance que les coûts significatifs de la viabilisation des terrains disponibles constituent un obstacle à l’extension souhaitée et à la baisse des prix.
Et de citer les importants "coûts hors site" de raccordement au réseau électrique et à la distribution d’eau qui restent pour l’instant décourageants voire prohibitifs pour les promoteurs immobiliers.
Estimant irréalisable la proposition municipale de transformer en immeubles R+4 ou R+6, les anciennes villas R+1 des quartiers de l’Agdal et l’Océan, Louis-Bernard Lechartier tient à rappeler que le parc ancien de maisons particulières a été construit sur de petites parcelles qui comportaient des voies d’accès étroites.
"S’il est louable de vouloir accroître la verticalité de ces villas, la faible superficie de leurs parcelles (400 à 600 m²) va automatiquement être rognée de moitié par la nécessité d’élargir les voies de circulation aux alentours, ce qui rendra inconstructible leur terrain et obligera les promoteurs à acheter au moins trois à quatre maisons mitoyennes pour pouvoir construire un immeuble d’habitation R+4 ou R+6", déclare le dirigeant qui juge irréalisable ce projet en ajoutant que pour le rentabiliser vraiment, les promoteurs devront construire un immeuble d'au moins dix étages.
Pour ce qui est des solutions à apporter à l'exode actuel des habitants de la capitale, notre interlocuteur résume sa lecture en affirmant qu’il faudra d'une part augmenter "véritablement" la verticalité des logements pour réduire les coûts de construction et multiplier le nombre de logements dans la périphérie afin d'absorber les nouveaux arrivants.
"Il est temps de densifier la ville avec un nouveau plan d’aménagement"
Pour sa part, David Toledano, qui préside la Fédération des industries des matériaux de construction, explique la forte augmentation actuelle des prix de la location et de l'achat d’un logement neuf par la position géographique très prisée de la capitale et par l'épuisement de ses réserves foncières intra-muros, à moins de puiser dans celles disponibles au niveau du plateau d’Akrech et de la zone périphérique du Menzah.
"Si, à l'origine, les urbanistes n'ont pas voulu chercher la densification de la capitale, il est temps de revoir le plan d'aménagement, car sa zone intra-muros n'a pas beaucoup d'extensions possibles avec des terrains de plus en plus recherchés et des immeubles limités en termes de hauteur", estime le dirigeant de cette fédération affiliée à la CGEM.
Sur la recommandation d'experts d'élever les immeubles pour loger davantage de ménages et de faire baisser les prix des loyers, notre interlocuteur confirme qu'une densification s'impose, sachant que plusieurs zones d'habitation de la capitale subissent les mêmes contraintes de construction qui n'ont pas été révisées depuis une vingtaine d'années.
Et de rappeler que dans certains quartiers aisés de la capitale comme le Souissi, il est toujours obligatoire d'avoir des parcelles de 2.000 m² pour être autorisé à construire une maison, alors que selon lui, "il faudrait "revoir le zoning pour libérer des terrains supplémentaires pour être en mesure de construire de nouveaux immeubles".
Proposant de réduire l'obligation de disposer d'un terrain de 2.000 m² en le ramenant, par exemple, à 1.000 m², David Tolédano avance que "cela permettrait de libérer de l'espace supplémentaire pour construire du neuf, à l'image des maisons en périphérie disposant de superficies de 100 m² qui ont beaucoup de succès au niveau commercial".
Ce qui permettra de trouver un juste milieu entre la demande de résidences luxueuses et les besoins du plus grand nombre pour agrandir la ville sans pour autant l'étaler sur un plan géographique.
"Une tension qui va se poursuivre avec l’épuisement des réserves foncières"
Tolédano estime que la métamorphose et le développement de Rabat qui attirent beaucoup de nouveaux habitants, provoquent inévitablement une tension entre l’offre et la demande qui ne peut que perdurer en l'absence de terrain.
"Ce qui manque vraiment, c'est la possibilité d'étalement géographique pour développer des logements de moyen standing et sociaux, mais hormis dans certaines zones éloignées ou sur la partie côtière de la capitale, il n'y a plus vraiment d'espaces disponibles pour les construire", déclare notre interlocuteur, pour qui le rachat de vieilles maisons à démolir pour les remplacer par un immeuble constitue souvent le seul moyen de récupérer du foncier.
"La hausse du prix du m² n’est pas liée à celle des matériaux de construction"
Sur l'augmentation des prix des matériaux de construction qui pourrait expliquer la forte hausse du prix d'achat d'un logement neuf, le professionnel estime que la justification avancée par les promoteurs est totalement infondée.
Arguant que les prix des matériaux qui n'ont ni doublé ni triplé représentent toujours 30% du prix commercial d'un bien neuf, le président de la fédération insiste en effet sur le fait que l'inflation du prix du m² ne peut absolument pas se justifier par la seule hausse du coût des intrants.
Tout en recommandant aux autorités concernées de trouver les solutions appropriées pour faire face à la demande croissante qui crée une tension croissante sur le marché du logement, David Toledano conclut en rappelant que le problème immobilier de Rabat est conjoncturel et n'est pas propre à la capitale.

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Le 17 janvier 2025 à 18h47
Modifié 18 janvier 2025 à 12h23