Amnistie, redistribution, secret fiscal, informel... Les confidences de Younes Idrissi Kaitouni
Younes Idrissi Kaitouni était l'invité de notre conférence-débat, Les Grands Rendez-vous Médias24, avec deux panélistes de marque, Mohamed Hdid et Hakim Marrakchi. Opération de régularisation spontanée, contrôle fiscal, recettes et finances publiques, digitalisation du fisc, etc. De nombreux sujets ont été abordés. Verbatims.

Amnistie, redistribution, secret fiscal, informel... Les confidences de Younes Idrissi Kaitouni
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Badr Elhamzaoui
Le 30 janvier 2025 à 19h49
Modifié 1 février 2025 à 16h24Younes Idrissi Kaitouni était l'invité de notre conférence-débat, Les Grands Rendez-vous Médias24, avec deux panélistes de marque, Mohamed Hdid et Hakim Marrakchi. Opération de régularisation spontanée, contrôle fiscal, recettes et finances publiques, digitalisation du fisc, etc. De nombreux sujets ont été abordés. Verbatims.
Lors de cette conférence-débat, les échanges ont constitué une occasion privilégiée pour analyser et décrypter les évolutions fiscales et leur impact sur les entreprises et l’économie marocaine.
Revenant sur l’amnistie fiscale récemment mise en place, Younes Idrissi Kaitouni, directeur général des Impôts (DGI), a tenu à clarifier plusieurs points : "Le montant de 125 MMDH déclaré dans le cadre de l’amnistie fiscale est définitif, et les déclarants individuels restent anonymes".
Il n’y aura pas d’autre opération d’amnistie fiscaleLe directeur général des Impôts a ainsi coupé court aux rumeurs sur une éventuelle reconduction du dispositif, tout en soulignant sa portée limitée sur les recettes globales de l’État. "Concernant les 6 MMDH versés à la DGI, ils ne représentent que 1 % des recettes fiscales, un chiffre qui reste relativement modeste au regard des ressources globales de l’État. Par ailleurs, il n’y aura pas d’autre opération d’amnistie fiscale", souligne-t-il.
Pression fiscale et lutte contre l’informel
Dans le même contexte, M. Kaitouni a rappelé que, lorsqu’on adopte la définition du FMI, la pression fiscale au Maroc dépasse les 20 %. "Selon la définition des recettes fiscales retenue par le FMI, la pression fiscale s’élève à près de 30 % au Maroc".
Dans le même sens, Mohamed Hdid, expert-comptable, appelle à trouver le juste équilibre : "Par rapport à la pression fiscale dans son ensemble, je pense que son niveau devrait être un compromis, mais c’est la répartition qui reste un sujet important". Avec le poids de l'informel, la pression fiscale n'est en effet pas uniformément répartie.
Ce niveau de pression fiscale alimente régulièrement les débats sur la compétitivité du pays et la nécessité de préserver l’investissement.
M. Kaitouni a souligné que c’est là que réside le véritable enjeu : "Le défi est de mobiliser les ressources fiscales sans nuire à l’investissement".
L’informel le plus nuisible n’est pas visible : c’est la fraude aux fausses factures dans les entreprises formellesPour y parvenir, l’un des grands chantiers de l’administration demeure la lutte contre l’informel. "L’objectif de l’administration fiscale, à travers toutes les actions qu’elle entreprend, est de lutter contre l’informel structurel et de l’intégrer dans l’économie formelle", affirme le directeur général, tout en reconnaissant la complexité de ce défi. "L’informel ne se trouve pas toujours là où l’on croit. Le plus néfaste pour l’économie n’est pas celui visible, mais plutôt la fraude aux fausses factures au sein même des entreprises formelles".
L'informel comprend ainsi deux parties:
-les activités sans tenue de comptabilité et qui représentent, en tenant compte de l'agriculture, au moins 20% du PIB.
-les activités telles que l'achat ou la vente de fausses factures.
Redistribution et affectation des recettes du contrôle fiscal
La question de l’affectation des recettes fiscales occupe depuis longtemps une place centrale dans les débats publics. Une fois les recettes collectées, se pose inévitablement la question de leur redistribution et de leur impact sur l’économie.
Dans ce sens, M. Kaitouni explique que "toutes les recettes du contrôle fiscal sont exclusivement affectées au remboursement de la TVA. Aucun dirham provenant du contrôle fiscal ne sera versé au budget de l’État".
Cette mesure, selon lui, vise à améliorer la fluidité de remboursement de la TVA, problématique souvent soulevée par les entreprises.
Ainsi, sur le volet social, le directeur général des Impôts rappelle que la redistribution des marges issues des recettes fiscales constitue une priorité essentielle : "À chaque fois qu’on a une marge à travers les recettes fiscales, le gouvernement pense à la redistribution, à travers la réforme du barème de l'IR, l’exonération de la retraite, l’AMO Tadamone, etc.", souligne-t-il.
Pour autant, du côté du monde entrepreneurial, des attentes persistent. Hakim Marrakchi, entrepreneur et président de la commission Fiscalité et Douane de la CGEM, pointe une iniquité dans la répartition de l’impôt et estime que les avancées en matière d'impôt sur le revenu et de prestations sociales restent insuffisantes : "En tant qu’entrepreneur, je pense que l’effort réalisé en matière d’IR et de prestations sociales ne répond pas encore aux attentes. Nous attendons des améliorations", précise M. Marrakchi.
Vers plus de transparence : fin du “secret fiscal” ?
L’administration fiscale se veut plus ouverte à la communication avec les contribuables : "Il n’y aura pas de secret fiscal. Nous avons souscrit à un abonnement dans une base de données internationale accessible à tous, qui fait référence aussi bien pour l’administration fiscale que pour les contribuables", révèle M. Kaitouni. Il s'agit d'une base de connaissances qui définit les marges dans tel ou tel secteur dans le monde. Elle fait désormais partie des références utilisées par la DGI.
"Actuellement, le contribuable a le droit de nous demander ce que nous savons sur lui, et nous sommes tenus de lui répondre. Ainsi, grâce aux données à notre disposition, nous sommes en mesure de partager avec chaque entreprise les informations que nous détenons sur elle avant qu’elle ne fasse sa déclaration", précise le directeur général des Impôts.
Nous sommes en mesure de partager avec chaque entreprise les informations que nous détenons sur elle avant qu’elle ne fasse sa déclarationConcernant les contentieux relatifs aux soupçons de fraude, M. Kaitouni souligne qu’une nouvelle étape a été franchie dans ce domaine : "Il est désormais possible de soumettre des dossiers qualifiés de soupçons de fraude par l’administration fiscale à la Commission des infractions fiscales avant de les transmettre au parquet", souligne-t-il. Il
Toutefois, au-delà de ces efforts de transparence, Hakim Marrakchi pointe un autre problème structurel, à savoir la complexité du Code général des impôts et la nécessité d’une meilleure vulgarisation. "Le Code général des impôts est clair pour les fiscalistes, mais pas toujours pour le contribuable lambda. Un effort de vulgarisation plus important est nécessaire pour une relation plus fluide avec l’administration fiscale."
Enfin, en matière de réformes, Marrakchi plaide pour une révision en profondeur de la fiscalité locale, laquelle pénalise, selon lui, l’investissement. "Je pense également qu’il est temps, après l’IS, l’IR et la TVA, d’engager une réforme de la taxe professionnelle, car elle constitue un frein à l’investissement", ajoute-t-il.
Le statut d’auto-entrepreneur est une forme de légalisation de l’informelUn autre sujet sensible abordé lors de la conférence concerne le statut des auto-entrepreneurs, qui suscite un débat quant à sa véritable contribution à l’économie formelle. Si ce régime a été conçu pour encourager l'intégration des travailleurs informels dans le circuit légal, son efficacité en matière de conformité fiscale reste discutable.
M. Kaitouni a ainsi soulevé une problématique majeure : le faible taux de déclaration des auto-entrepreneurs par rapport à leur nombre total, met en évidence une distorsion entre l’objectif initial du dispositif et son application réelle. Il souligne que, malgré une fiscalité très allégée, la grande majorité des auto-entrepreneurs ne respectent pas leurs obligations déclaratives.
"Pour moi, le statut d’auto-entrepreneur est une forme de légalisation de l’informel. Je le pense, et je vous l’affirme avec des chiffres à l’appui. Aujourd’hui, nous comptons 430.000 auto-entrepreneurs, dont la fiscalité est extrêmement allégée, généralement ne dépassant pas 1% de leur chiffre d’affaires. Pourtant, sur ce total, seuls 27.000 déclarent effectivement leurs revenus. C'est l'un des taux de non-conformité les plus élevés de notre système fiscal", souligne-t-il.
Selon le Directeur général des impôts, cette situation remet en question une idée largement répandue en matière de politique fiscale : la corrélation automatique entre baisse d’impôts et meilleure conformité.
Contrairement aux attentes, l’expérience marocaine montre que réduire les taux d’imposition ne garantit pas une amélioration du civisme fiscal. "Cela permet aussi de déconstruire un mythe bien ancré : celui selon lequel une baisse des impôts inciterait mécaniquement à une meilleure conformité fiscale. En réalité, l’expérience montre que lorsque nous réduisons les taux d’imposition, au lieu d’attirer davantage de déclarants, nous en perdons. C’est une observation contre-intuitive, mais les chiffres l'attestent", conclut M. Kaitouni.
Ce constat relance ainsi le débat sur la nécessité de réformer le statut des auto-entrepreneurs afin de garantir un meilleur équilibre entre incitation fiscale et engagement des bénéficiaires à respecter leurs obligations déclaratives.
Par ailleurs, le débat a également porté sur l’impact des lois de finances et des amendements fiscaux adoptés en fin de parcours parlementaire.
Pour Mohamed Hdid, certains amendements s’écartent de leur objectif principal : "Certains amendements de dernière minute, bien que fondés sur de bonnes intentions, aboutissent à des résultats contraires à l’objectif initial", indique-t-il.
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Le 30 janvier 2025 à 19h49
Modifié 1 février 2025 à 16h24