Un proche vous offre cet article

Inscrivez-vous gratuitement pour lire cet article, habituellement réservé aux lecteurs abonnés.

Vous êtes déjà inscrit ? Se connecter
Abdallah-Najib Refaïf

Journaliste culturel, chroniqueur et auteur.

Abdallah-Najib Refaïf, auteur, chroniqueur et journaliste culturel.

Images pieuses et vœux piégeux

Le 20 décembre 2024 à 16h53

Modifié 20 décembre 2024 à 16h53

Comment les croyances, amplifiées par les réseaux sociaux, se transforment et s’adaptent aux usages modernes ? Entre foi intime et croyances partagées, entre opinions tranchées et pratiques numériques, un vaste espace s’ouvre pour les échanges, les dérives, et parfois même les manipulations.

Dans son livre "Le dérèglement du monde", l’écrivain Amine Maalouf fait ce constat frappé au coin du bon sens : "On accorde trop de poids à l’influence des religions sur les peuples, et pas assez à l’influence des peuple sur les religions".

En effet, une religion, comme toute croyance, est ce que l’Homme en fait et comment elle est imprégnée de l’imbrication de ses sentiments, ses frustrations, ses ambitions, ses désirs, ses peurs et ses passions tristes ou heureuses.

De nos jours, plus que jamais, et à l’heure de l’amplification prodigieuse des liens, dits sociaux, à travers les réseaux du même nom, une croyance ou une opinion est partagée et diffusée en temps réel et avec plus grand nombre. La religion, n’échappe pas à cette formidable diffusion et de ce fait se transforme et transmue au gré de ceux et celles qui s’y attachent par foi inébranlable, conviction versatile, héritage culturelle ou par tout simplement par habitude.

Mais autant la foi authentique est une affaire intime et individuelle parce que spirituelle, quand elle n’est pas mystique, autant la croyance est commune, collective transmissible volubile et partagée avec le plus grand nombre. Et puis il y a aussi l’avis que l’on peut situer entre la croyance et l’opinion. L’avis quand il est tranché abonde et se multiplie. Péremptoire et parfois éphémère, il a trouvé une place de choix dans les réseaux qui tendent à remplacer nos liens sociaux sur lesquels doit se bâtir toute société humaine.

"J’aime, je déteste, je n’aime pas, je hais". En peu de mots l’avis claque d’un clique et fait le tour de la question sans relativiser, ni s’embarrasser de la moindre réflexion, du moindre détail et encore moins de de l’analyse. Ils appellent ça "opinion publique", alors que, dirait Oscar Wilde, "l’opinion publique n’existe que là où il n’y a pas d’idées".

Mais revenons au constat d’Amine Maalouf à propos de l’influence des gens sur la religion, mais plus encore en ces temps furieusement numériques qui agitent notre contrée. Qui de nous, ici et maintenant, ne reçoit pas ces notifications hebdomadaires du vendredi où un quidam, voire même un de vos contacts perdus de vue, vous souhaite un bon vendredi (joumou3a moubaraka) avec moult petites fleurs et autres arabesques d’un kitsch insoutenable et parfois même couvertes par une petite mélodie sirupeuse ? D’autres notifications, moins solennelles mais tous aussi intempestives, se contentent de vous souhaiter simplement le bonjour ou le bonsoir, sinon une bonne journée. Cette propension au partage à tout vent, hystériquement et soudainement généreuse, est en passe de devenir un fléau panoptique et un sujet d’étonnement sans cesse renouvelé.

Ce jeudi matin, une de ces notifications impromptues a laissé la parole à une voix d’outre-tombe lançant des prières et de "da3awate" eschatologiques, mêlées à quelques imprécations, le tout sur fond d’un paysage faussement bucolique saturé de couleurs criardes. A quelques minutes d’intervalle, voilà qu’une autre notification reçue de la part d’un ami avec lequel on échange des messages plus profanes. Il partage une info destinée à tous, c’est-à-dire à n’importe qui, avertissant de ne pas ouvrir ces "gentils contenus" de "bonne journée", "bon vendredi" et autres salamalecs sous peine de voir vos données piratées par un "phishing" (hameçonnage) planétaire organisé par des hackers. Le message conseille alors de rédiger soi-même ses propres vœux. Vaste programme où là aussi le pire est à craindre !

Certes, les tentatives d’hameçonnage ont envahi les smartphones via diverses applications et ce depuis un certain temps. Mais ceux qui visent les musulmans et leurs croyances par ce phishing ont devant eux l’extraordinaire espace numérique d’une confession qui compte plus d’un milliards et demi d’adeptes. Il y a de quoi faire, me dit l’ami qui m’a fait parvenir cette notification tout en essayant de mesurer l’incommensurabilité des données de cette part de l’humanité en croissance continue. (Il me rappela dans la foulée cette prédiction d’un humoriste en forme de boutade qui nous faisait tant rire dans les années 80 de notre jeunesse : "Deux choses ne reculeront pas : l’Islam et le tabac". Sur le tabac, on s’est trompé).

L’application en question a offert cette opportunité d’échange sous formes de stickers trop kitsch et si moches dans un but qui n’a rien de spirituel, fait-il le préciser. Elle a visé la conquête d’un vaste marché dans lequel se sont engouffrés des prosélytes et des zélotes de tout poil, suivis par des "phishers" maniant l’arnaque à tout crin. En attendant, des millions d’images pieuses et autant de vœux faussement pieux continuent de circuler, servant d’appât pour attirer les gogos accros aux clics et polluer les écrans de ceux qui en ont leur claque.

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

A lire aussi


Communication financière

BMCE Capital Real Estate: Publication de la valeur liquidative exceptionnelle au 31 décembre 2024 de l’OPCI « Soprirent Fund SPI »

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.