
Ancien ministre. Docteur en sciences de communication

Jouer la révolution par les droits de l’Homme
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Le 2 janvier 2025 à 13h30
Modifié 2 janvier 2025 à 13h04La récente déclaration controversée du président de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH) sur la question du Sahara marocain soulève des interrogations sur les motivations sous-jacentes de certains militants. Face à un contexte de mobilisation accrue autour de la cause nationale, ces propos, loin de passer inaperçus, ont renforcé l'ampleur du débat sur la place de l'activisme pour les droits de l'Homme dans la politique marocaine actuelle.
L'opinion publique marocaine a été récemment largement indignée par une déclaration controversée du président de l'Association marocaine des droits de l’Homme, concernant la question Sahara marocain. Prétendre que "l’autonomie n’était pas la solution" au moment où la thèse séparatiste semble s'effondrer jour après jour, ne pouvait qu’attirer l’attention des médias et du grand public, peut-être parce que l’auteur de cette déclaration avait franchi les bornes de la provocation, peut-être parce qu’il a semblé dépasser les limites de l’agacerie, mais ce qui est certain c'est que cette très maladroite sortie médiatique qui voulait faire grand bruit, s’est révélée d'une insupportable insolence, d’une banalité désespérée et d’une énorme vacuité intellectuelle, marquée par des slogans idéologiques périmés et des confusions terriblement ignorantes des réalités géopolitiques,
Cet activiste d'extrême gauche ainsi que ses camarades du parti la Voie Démocratique Travailliste et sa branche associative l'AMDH ont déjà fait des déclarations tout aussi provocatrices auparavant, sans susciter une telle réaction. Aujourd’hui, il est essentiel de considérer le contexte actuel dans lequel les enjeux géopolitiques évoluent constamment. Ce qui était acceptable ou ignoré auparavant peut devenir inacceptable aujourd’hui. La sensibilité de l'opinion publique nationale face à la question du Sahara s’est considérablement intensifiée ces dernières années. Il est tout à fait évident que dans le nouveau contexte de cette mobilisation exceptionnelle autour de la cause nationale, les déclarations grossières et déconnectées de la réalité résonnent totalement différemment et suscitent étonnement et indignation.
Lorsqu’une déclaration jugée comme portant atteinte au sentiment national, il est tout à fait évident qu’elle déclenche une mobilisation collective, reflétant l’existence d’une volonté d’affirmer des valeurs et des principes, face à des discours perçus comme menaçants pour l’unité nationale.
Faut-il rappeler que l'ancienne présidente de l'AMDH avait soutenu, en avril 2013, l'élargissement du mandat de la Minurso à la surveillance des droits de l'Homme au Sahara, insistant dans des déclarations à la presse sur le fait que le respect des droits de l'Homme dans les provinces du sud du Royaume du Maroc devrait être pris en charge par l'ONU ?
Faut-il rappeler la position démagogique et déconnectée des réalités, que le parti Annahj avait adoptée en novembre 2020 à l'égard de l'intervention des Forces Armées Royales pour libérer le passage de Guerguerat, lorsqu'il a appelé dans un communiqué à "éviter l’escalade et la guerre au Sahara occidental", ignorant que c’est le polisario qui a bloqué le trafic routier entre le Maroc et la Mauritanie, tout en rappelant sa position de toujours, qui est celle d'une solution au conflit qui garantit "le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination"?
Faut-il encore rappeler que l’ancien secrétaire national du parti Annahj avait plaider en avril 2023 pour "adopter la position d’autodétermination du peuple du Sahara occidental et la défendre avec audace, quel que soit son coût oppressif"?
Une politique de provocation pour une stratégie de survie
Ce type de déclarations presque ignorées hier pourrait aujourd'hui entraîner des vagues de commentaires critiques, même provoquer de fortes réactions qui n’existaient pas auparavant, notamment si, à l'instar des adolescents qui utilisent la provocation comme moyen de s’affirmer et de se construire, nos gauchistes droits-de-l’hommistes perdurent dans leur stratégie de survie, qui consiste à faire de la provocation leur fonds de commerce, voire leur pratique politique privilégiée.
L'opinion publique marocaine a le plein droit (puisqu'il s'agit des droits) de se demander si les récents propos du président de l'AMDH sur la question du Sahara marocain s'inscrivent dans un soucis de protection des droits de l'Homme, ou s'ils découlent d'une quelconque lecture marxiste-leniniste de la réalité de ce conflit artificiel. Sa déclaration relève-t-elle d’une stratégie de communication politique basée sur la provocation (Badvertising), digne d'un groupuscule antisystème, ou n'est-elle qu'un pâle écho de la propagande séparatiste transnationale, actuellement en perte de souffle ? Peut-être faut-il envisager que toutes ces éventualités soient valables à la fois, chacune éclairant un aspect différent de la déclaration en question, de ses enjeux réels et de ses dynamiques sous-jacentes.
Pour mieux appréhender ladite déclaration, il faut l’inscrire dans une dynamique de substitution entre l'activisme partisan de gauche radicale et le militantisme pour les droits de l’Homme, qui témoigne d'une transformation significative des modalités d’engagement politique au Maroc comme ailleurs. Le postulat "substitutiste" a été largement examiné dans la sociologie ainsi que dans l’histoire intellectuelle des droits de l’Homme, notamment les processus de substitution des utopies marxistes-leninistes par une nouvelle utopie morale, incarnée par les droits de l’Homme, où l’engagement humanitaire viendrait remplacer un engagement politique déçu.
C’est dans le cadre de cette dynamique que les droits de l'Homme sont instrumentalisés pour servir un agenda politique caché ou affiché, et que les militants gauchistes ratés font recours à la stratégie des droits de l'Homme, non pas comme des valeurs intrinsèques, mais comme des outils au service d'un intérêt politique, d’un enjeu majeur qui consiste à faire la révolution et effectuer le changement radical du système politique en place.
L'instrumentalisation politique des droits de l’Homme
Il est certain que les défenseurs des droits de l'Homme jouent un rôle crucial dans la protection et la promotion des libertés fondamentales et des droits individuels. Cependant, l’expérience internationale montre qu’il existe aussi des activistes politiques qui exploitent les droits de l'Homme pour dénoncer et discréditer leurs adversaires politiques, comme il existe dans certains contextes, des défenseurs des droits de l'Homme qui peuvent être instrumentalisés par des puissances étrangères pour déstabiliser des régimes en place, ce qui peut entraîner une méfiance envers l’action et le discours sur les droits de l’Homme, et pose un défi crucial à l'authenticité et à l'intégrité de ces prétendus activistes de la société civile, dont le souci majeur n’est rien d’autre que de faire avancer leur agenda caché.
Au Maroc, le mouvement des droits de l'Homme se caractérise par sa diversité et sa complexité, reflétant les réalités sociopolitiques du pays. On peut identifier l'existence de trois composantes distinctes qui structurent ce mouvement :
La première composante regroupe des militant(e)s qui, par principe ou par conviction, ont choisi de ne pas s'engager dans l'action politique traditionnelle. Leur approche est souvent motivée par un désir de justice sociale, de défense des droits fondamentaux et d'amélioration des conditions de vie des citoyens, indépendamment des luttes partisanes. Leur engagement est souvent marqué par des campagnes de sensibilisation et des actions de plaidoyer, privilégiant le dialogue et l’éducation plutôt que la confrontation politique.
La seconde catégorie inclut des activistes de gauche qui, déçus par la politique partisane, choisissent de se concentrer exclusivement sur le militantisme des droits de l'Homme, tout en s'abstrayant des jeux de pouvoir.
La troisième composante regroupe des individus ou des groupes de la gauche radicale, qui sans renoncer à leurs convictions idéologiques et activités politiques, ont adopté la stratégie d'instrumentalisation de la cause des droits de l'Homme pour se donner une légitimité et mieux servir leur agenda caché.
Les droits de l’Homme comme extension de la politique
C’est exactement dans cette troisième catégorie du militantisme opportuniste, qu’il convient d’inscrire les déclarations de nos gauchistes droits-de-l’hommistes concernant la question du Sahara marocain. Si Clausewitz théorisait la guerre comme une continuation de la politique par d’autres moyens pour atteindre les objectifs de l’Etat, les camarades de l’AMDH perçoivent les droits de l’Homme comme une extension de la politique sous autres outils, pour harceler et déstabiliser l’Etat. Cette analogie entre la célèbre réflexion de Clausewitz sur la guerre et l’instrumentalisation politique des droits de l'Homme souligne la manière dont les dynamiques politiques peuvent se manifester sous différentes formes. Tout comme la guerre peut être perçue comme une extension brutale des rivalités et des intérêts politiques, les droits de l’Homme, dans ce contexte, représentent un cadre normatif qui peut être utilisé à des fins politiques. Dans ce sens, les droits de l’Homme ne sont plus des idéaux abstraits. Ils deviennent des instruments politiques qui cherchent à intensifier la lutte des classes et saper le pouvoir de l’Etat.
Des expériences à l’international et notamment en Amérique Latine nous montrent comment des groupes de la gauche radicale engagés dans le militantisme politique qui visait à renverser le régime en place par la révolution, se sont tournés face à l’échec de cette mission, vers la défense des droits de l’Homme comme une continuité de cette même action politique révolutionnaire, mais par d’autres moyens qui consistent à harceler l’État, en dénonçant ses violations des droits humains, pour le discréditer et l'affaiblir. En ce sens, l’action associative devient un outil de contestation, permettant de mobiliser l’opinion publique nationale et internationale contre le pouvoir politique visé.
C'est ainsi que lorsqu'une partie de la gauche radicale a choisi de se dissoudre dans le monde associatif et la société civile, elle a intégré une logique d'adaptation stratégique face à l’échec des révolutions politiques traditionnelles. La lutte pour les droits humains devient dans ce contexte un prolongement du combat révolutionnaire et un choix stratégique qui incarne une volonté de réinventer la politique.
Du militantisme révolutionnaire à l'activisme humanitaire
En Europe, un secteur important de l'activisme humanitaire actuel repose sur les ruines de l'activisme révolutionnaire des années 60 et 70. Des partis comme Syriza en Grèce, Die Linke en Allemagne et Podemos en Espagne ont tenté de tisser des liens avec les mouvements sociaux, cherchant à mobiliser les citoyens autour de luttes concrètes sans prétendre les diriger.
En Amérique Latine, des mouvements de gauche radicale comme celles du Venezuela et de la Bolivie ont également intégré des approches associatives dans leur stratégie politique, mettant l’accent sur la défense des droits humains et la justice sociale.
En Argentine, la Commission des droits de l’Homme, fondée en avril 1976 de la confluence de différents groupes dont le plus important était constitué des militants du Parti révolutionnaire des travailleurs argentins (PROA), a été fondamentalement liée à des organisations révolutionnaires, surtout durant la dictature militaire de 1976 à 1983. Bien qu'elle a été créée pour défendre les droits humains et dénoncer les violations, ses membres ont toujours tenu à collaborer avec des organisations politico-militaires, cherchant à combiner la lutte pour les droits humains avec une opposition active au régime.
Au Maroc, le passage du militantisme révolutionnaire (Annahj) à l’activisme pour les droits de l’Homme (AMDH) ne se présente pas comme une rupture, inscrite dans une logique de substitution d’une cause par une autre, et ne suppose pas nécessairement le déclin de "l’utopie maximale" de cette gauche radicale. Au contraire, le militantisme en matière de droits de l'Homme au sein de l’AMDH se trouve symbiotiquement associé à la stratégie partisane d'Annahj Addimocrati.
Une dynamique d'hybridation idéologique
La haine du Makhzen constitue le même logiciel idéologique qui structure le militantisme aussi bien du parti politique que de l’association des droits l’Homme. C'est ainsi que l'action politique et l’engagement pour les droits de l’Homme tendent à se confondre, donnant lieu à des formes de militantisme superposé. Les mêmes acteurs avec presque le même discours, s’engagent dans une pratique associative de chantage ou de harcèlement droits-de-l'hommistes, tout en continuant à militer en parallèle dans le parti politique, visant à déclencher la révolution dont ils ont toujours rêvé.
Comprendre cette dynamique d'hybridation politico-idéologique permet non seulement d’évaluer les risques associés à l'instrumentalisation politique des droits humains, mais aussi de développer des stratégies au sein de la société civile, pour garantir que la défense des droits de l'Homme demeure ancrée dans des valeurs et des principes véritablement engagés en faveur de la dignité humaine de la justice sociale, tout en préservant une vigilance contre les agendas politiques camouflés derrière des façades associatives.
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