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Abdallah-Najib Refaïf

Journaliste culturel, chroniqueur et auteur.

Naissance d’un monde à notre insu

Le 1 novembre 2024 à 15h12

Modifié 1 novembre 2024 à 16h17

À travers un récit teinté d’ironie et de critique, l’auteur questionne le rapport des sociétés du Sud aux technologies modernes. Face à la fracture numérique et aux bouleversements de l’intelligence artificielle, il invite à se saisir de la révolution numérique en devenant acteurs plutôt que simples spectateurs.

Il était une fois, à la fin du XIXe siècle et à l’orée du XXe, quelque part dans une "Arabie heureuse" repue et assoupie, un théologien atrabilaire qui s’agaçait chaque fois qu’un de ses disciples lui rapportait telle étrange invention moderne née en Occident :  électricité, chemins de fer, téléphone, photographie, cinématographe… Las et résigné, il répondait finalement à ces messagers importuns par cette formule : "Al hamdou lillahi alladi sakhara lana annassara likhidmatina hatta natafarragha nahnou lissalate" (Louanges à Allah qui a mis les Nazaréens à notre service afin que nous nous consacrions à la prière).

A l’heure du grand bouleversement technologique planétaire, cette anecdote transmise comme un petit conte oriental -au-delà de la charge ironique et la portée critique de la pensée conservatrice, obscurantiste ou magique qui régnait à l’époque (et que certains entretiennent encore)- nous ramène réfléchir à ce que tous les gens du Sud en général font de ce qui s’invente et se crée sous leurs yeux par un Occident conquérant (outils et contenus) et dont ils ne sont que les consommateurs passifs et les admirateurs oisifs ou hallucinés. On parle ici de la fracture numérique définie comme celle qui décrit les inégalités dans l’accès aux technologies de l’information et de la communication, leur utilisation et leur impact. Certains experts du Sud n’hésitent pas parler d’une "menace de colonisation par l’IA", comme c’est le cas du Sénégalais Seydina N’diaye, qui a fait partie d’un groupe d’experts chargé par l’ONU de mener une réflexion sur l’intelligence artificielle.

Le fossé numérique tend à se creuser de plus en plus et pose des problèmes à la fois économiques et sociaux. Cette déconnexion de la société moderne dont les causes sont à la fois financières, culturelles ou générationnelles (le cas de l’illectronisme entre autres), affecte le bien-être des individus, des entreprises et des gouvernements et se chiffre en millions d’opportunités manquées. Chaque jour apporte son lot de nouveautés et d’innovations et nous confronte à un nouveau monde qui se construit à notre insu et chahute l’ancien par telle création qui va redessiner le paysage du travail à l’échelle planétaire.

Restons, pour illustrer le propos, dans ce domaine vital pour tout développement économique qu’est l’emploi. Alors que dans le reste de la planète responsables et gouvernants s’échinent, avec peu de moyens et souvent de bonne foi pour certains, à éduquer et à former des populations selon les schémas anciens, voilà qu’on annonce que l’intelligence artificielle est en passe de transformer radicalement le marché du travail. Celui qui fait cette prédiction n’est pas n’importe qui, mais bien un professionnel de la profession en la personne du cofondateur de Microsoft, Bill Gates.

Selon ce défenseur acharné de l’IA, seules trois professions vont résister à sa montée en puissance : l’énergie, la biologie et… la programmation de l’intelligence artificielle elle -même. Bien sûr c’est de la maitrise de cette dernière profession dont dépendront les deux premières et en seront tributaires. Et Bill Gates d’affirmer : "L’IA a le potentiel de permettre de travailler moins d’heures et de nous concentrer sur des tâches plus créatives et significatives".

Quelles seraient donc ces tâches créatives et significatives évoquées par le magnat de la technologie pour des pays qui en sont encore au stade de la découverte et de l’hallucination face à une technologie qui évolue à un rythme vertigineux ? Le magnat de la technologie, qui parle en connaissance de cause des défis à l’horizon d’un avenir si proche, a bien sûr la réponse et elle est simple : la formation et l’acquisition des connaissances en programmation et en compétences numériques.

Reste les grandes questions bien complexes qui se poseront à tous, à ceux qui maitrisent cette technologie comme aux autres : est-ce que l’humanité, telle qu’elle va aujourd’hui- et elle ne va pas bien tous les jours- est prête pour ce vaste bouleversement éthique et anthropologique ? Quelles seront les garanties pour que les bienfaits tant vantées par les promoteurs de l’IA soient équitablement répartis ?

En attendant la réponse à ces grandes questions, revenons à notre théologien agacé mais résigné pour lui donner raison quant au temps à consacrer non pas uniquement à la prière -l’une n’empêchant pas le reste- mais aussi à la réflexion, à la formation et à la créativité. Car en effet, supports numériques, outils et tuyaux de la technologie sont déjà là, inventés par l’Occident, mis à disposition et leur coût n’est pas exorbitant.

Reste à se former en programmation numérique puis inventer ce qu’il faut mettre dans ces tuyaux, c’est dire l’immatériel et ses contenus originaux à diffuser. Et cela n’est l’apanage de personne, mais l’affaire de l’esprit et d’un imaginaire phosphorescent et arborescent, tous deux adossés à la profondeur historique, la richesse immatérielle et l’épaisseur culturelle de chaque peuple.

Parier sur l’esprit avec l’audace de l’innovation plutôt que sur la frilosité de l’imitation. Telle doit être l’ambition de ceux qui veulent inventer un avenir meilleur. "L’esprit, disait Malraux, donne l’idée d’une nation, mais ce qui fait sa force sentimentale, c’est la communauté des rêves".

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