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ROUND-UP. 16e colloque des finances publiques : la TGR pave les voies d'une gouvernance refondée

Le 5 novembre 2024 à 11h35

La gouvernance des finances publiques, la transparence budgétaire, la réforme de la LOLF, l’intelligence artificielle... Autant de sujets cruciaux qui ont rassemblé experts et décideurs à la Trésorerie Générale du Royaume (TGR) les journées des vendredi 1er et samedi 2 novembre 2024, à Rabat. Au cœur des échanges, l'objectif était clair et nécessaire : repenser en profondeur la gouvernance budgétaire publique pour un modèle plus transparent, plus agile et mieux armé face aux défis économiques et sociaux d'aujourd'hui.

Cet événement s'inscrivait dans le cadre du 16ᵉ Colloque International des finances publiques, organisé sous l'égide du ministère de l'Économie et des finances (MEF), en partenariat avec FONDAFIP et la Revue Française de Finances Publiques (RFFP), sous le thème : "Vers une meilleure restructuration du modèle de gouvernance financière publique au Maroc et en France."

Dans son allocution d’ouverture, la ministre de l’Économie et des finances, Nadia Fettah Alaoui, a donné le ton en insistant sur le contexte de crises successives qui accentuent la pression sur les finances publiques. "Nous sommes confrontés à une période des plus difficiles, qui se manifeste globalement par une croissance atone, une forte inflation et une aggravation de l’endettement public.", explique-t-elle.

Ces tensions, exacerbées par la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et le séisme d’Al Haouz, ont, selon la ministre, contraint le Maroc à réagir en urgence pour préserver un équilibre économique déjà fragile, "L’État a dû mettre en œuvre des mesures exceptionnelles pour soutenir les entreprises, sauvegarder le pouvoir d’achat des ménages, réhabiliter les infrastructures endommagées et veiller à reloger les familles."

Ainsi, selon la ministre, cette situation révèle la nécessité urgente de repenser la gouvernance publique afin de pallier les vulnérabilités structurelles du système. "En mettant sous tension notre système des finances publiques, ces événements ont mis en évidence sa fragilité et ses limites que nous avons tendance à ignorer en temps normal.", ajoute-t-elle.

La ministre a également insisté sur l'importance d’une gouvernance qui prenne en compte les défis environnementaux. Selon elle, la durabilité économique et la préservation des ressources naturelles deviennent prioritaires dans les modèles économiques contemporains. Ainsi, une approche intégrée des finances publiques doit désormais intégrer les préoccupations climatiques pour renforcer la résilience économique du Maroc. "Même sur le plan de la théorie économique, nous avons assisté depuis quelques décennies à un changement de paradigme.", précise-t-elle.

Ces constats invitent à une réflexion approfondie sur les fondements de la gouvernance financière publique.

Les axes de réforme pour une gouvernance financière renforcée

De son côté, le Trésorier général du Royaume, Noureddine Bensouda, a mis en lumière la nécessité de garantir une convergence des politiques publiques pour renforcer la soutenabilité des finances. "Il y a lieu de rappeler au préalable une évidence, c’est que toutes les décisions en finances publiques, quand bien même elles peuvent paraitre techniques, sont éminemment politiques en ce qu’elles portent sur le vivre ensemble, le pactum societatis ou contrat social qui est le fondement même de l’État.", a-t-il affirmé.

Cette perspective souligne l'importance de concilier la gestion partisane avec un impératif plus structurel, visant le long terme et répondant aux aspirations de la société marocaine. "Le défi demeure toutefois de concilier entre ce sens partisan des finances publiques, qui est d’ailleurs légitime, et l’impératif du vivre ensemble, qui est plus structurel, visant le long terme et répondant aux aspirations de nos concitoyens.", précise le Directeur de laTGR.

Bensouda a également souligné les efforts d'intégration des services d’assiette et de recouvrement, une mesure qui a permis d’augmenter substantiellement les recettes fiscales et d’instaurer une justice fiscale qui représente, selon lui, "l’essence même du vivre ensemble, où tout un chacun participe à l’effort collectif en fonction de sa faculté contributive et bénéficie du fruit de la création de la richesse."

L'intelligence artificielle au cœur des débats

L’intelligence artificielle, qui ne cesse de se développer avec une vélocité incroyable, s’est imposée dans le débat. Ainsi, la question relative au rôle de l’intelligence artificielle dans la gestion des finances publiques a été réitérée.

Selon M. Bensouda, l'intelligence artificielle occupe une place centrale dans l’avenir de la gouvernance budgétaire publique, où elle permet, d’une part, de faciliter la collecte des données, d’anticiper les tendances économiques et d’optimiser les dépenses, permettant ainsi à l’administration publique de gagner en efficacité et en réactivité. D’autre part, elle contribuera à optimiser la gestion des dépenses et à mobiliser les ressources avec une précision accrue. "Il demeure entendu que l’avenir est à l’intelligence artificielle qui offre une opportunité d’amélioration substantielle de la gestion des finances publiques, en termes d’optimisation de l’effort de mobilisation des ressources et d’amélioration de l’efficacité des dépenses.", conclut-il.

Réformes législatives en perspective

La Loi Organique de la Loi de Finances (LOLF) n’a pas échappé aux débats, notamment les voix qui espèrent y inclure des modifications, soit une réforme de cette dernière, et ce pour permettre plus de clarté et de flexibilité dans l’exécution des finances publiques. Parmi les points relevés figure l'inclusion des charges et des ressources des établissements publics dans le cadre budgétaire général. Cette mesure, selon la ministre de l’Économie et des finances, vise à mieux superviser les finances publiques en harmonisant les ressources entre l’État et les entités publiques. "Les opérations des budgets de ces établissements seront prévues, autorisées, exécutées et contrôlées dans les mêmes conditions que les opérations du budget général.", précise-t-elle.

Vers un modèle cohérent de gouvernance financière

Michel Bouvier, professeur émérite à l’Université Paris Panthéon-Sorbonne et président de la FONDAFIP, a saisi l’occasion pour souligner une impasse majeure dans le modèle actuel de gouvernance budgétaire, qu’il qualifie de "keynésolibéral", un mélange de modèles économiques incompatibles, où se confrontent un État interventionniste et un marché dominant. Cette hybridation, selon lui, engendre des incohérences. "Face à face, le modèle keynésien, symbolisant un État régulateur, et le modèle néolibéral, prônant la domination du marché, créent un terrain sans modèle cohérent pour les finances publiques.", a-t-il expliqué.

Selon lui, il est temps de dépasser ce clivage et de concevoir un dispositif structurel qui permette une gestion efficace des finances publiques, sans pour autant retomber dans le centralisme étatique. Cette transformation, dit-il, est indispensable pour rendre la gouvernance publique plus agile, plus transparente et plus adaptée aux besoins actuels, tout en renforçant la souveraineté des États.

Contrôle parlementaire : il y a un travail à faire

Le volet contrôle des finances publiques a suscité des discussions profondes. Lahcen El Haddad, parlementaire et ancien ministre du Tourisme, avance qu’en ce qui concerne le contrôle des finances publiques au Maroc, les choses s’avèrent mal organisées, notamment dans un cadre de structures multiples et de responsabilités floues. "Par exemple, le contrôle des finances publiques relatives aux collectivités territoriales se fait par le Parlement, la Cour des comptes via les cours régionales et le ministère de l'Intérieur (audits et contrôles internes), ce qui crée un cadre flou en termes de contrôle et, par conséquent, de gouvernance des finances publiques."

Dans le même sens, M. Haddad indique que le contrôle principal, soit le contrôle parlementaire, reste faible, et ce en raison des limites de compétences et de ressources du Parlement. "Il faut investir dans la formation des parlementaires en finances publiques, celles-ci sont trop techniques. Sans une connaissance des finances publiques, on ne peut pas évaluer la gouvernance et contrôler. Il y a ainsi un faible débat. Par exemple, le rapport de la Cour des comptes sur les infrastructures en 2022 n'a pas suscité de débat considérable au Parlement. Les rapports de contrôle des finances publiques se passent sans débats ; il faut tenir compte que le rôle de la Cour des comptes n’est pas consultatif, leurs rapports devraient normalement susciter le débat et motiver des décisions ou d’éventuelles enquêtes."

Cette situation entraîne une fragmentation non seulement au niveau du contrôle parlementaire, mais aussi au sein de l’institution elle-même, le Parlement, qui, selon M. El Haddad, souffre déjà d’un déficit de confiance auprès des citoyens. "Selon une enquête de la Banque mondiale relative à la confiance institutionnelle, 61% des marocains expriment une défiance envers le Parlement.", conclut-il.

Le 16ᵉ Colloque de Rabat a souligné l'urgence de transformer la gouvernance financière publique pour répondre aux défis contemporains. Les crises successives ont mis en lumière les fragilités du système financier actuel, rendant indispensables des réformes axées sur la transparence, la durabilité et l'innovation.

L'intégration de l'intelligence artificielle dans la gestion des finances publiques, la convergence des politiques publiques, une réforme fiscale profonde et une meilleure coordination des organes de contrôle sont autant de pistes proposées lors de ce colloque. Ces axes de transformation visent à renforcer la résilience économique du pays et à moderniser la gouvernance financière pour qu'elle soit plus agile et adaptée aux défis du XXIᵉ siècle.

 

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Le 5 novembre 2024

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