Entretien. Aziz Rabbah dans sa nouvelle vie associative

Dix-huit mois après la création de son mouvement, l’ancien ministre et dirigeant du PJD revient pour Médias24 sur la vocation de l'initiative "La nation d’abord et toujours". Pour ceux qui y voient la volonté de créer un parti politique, Aziz Rabbah nie cette intention et assure que les statuts de son association stipulent que les membres qui tenteront de l’utiliser à des fins politiques seront automatiquement exclus de ses rangs.

Entretien. Aziz Rabbah dans sa nouvelle vie associative

Le 30 mai 2024 à 18h33

Modifié 30 mai 2024 à 18h45

Dix-huit mois après la création de son mouvement, l’ancien ministre et dirigeant du PJD revient pour Médias24 sur la vocation de l'initiative "La nation d’abord et toujours". Pour ceux qui y voient la volonté de créer un parti politique, Aziz Rabbah nie cette intention et assure que les statuts de son association stipulent que les membres qui tenteront de l’utiliser à des fins politiques seront automatiquement exclus de ses rangs.

Peu de temps après avoir pris ses distances avec le PJD où il n’occupe plus aucune fonction, Aziz Rabbah a créé un mouvement citoyen intitulé "La nation d’abord et toujours", qu’il présente comme une sorte de think tank ou force de proposition.

Cette initiative qui se veut, selon lui, au service exclusif de la société civile du Maroc rappelle cependant étrangement le parcours du Mouvement de tous les démocrates (MTD) qui avait donné naissance, par la suite, au Parti authenticité et modernité (PAM).

Excluant toute volonté de créer un nouveau parti politique, notre interlocuteur expose les priorités de son association.

Nous sommes un mouvement nationaliste basé sur le concept du Tamaghrabit que j'ai développé en 2002

Médias24 : Comment définir votre mouvement ?

Aziz Rabbah : Nos nombreux comités de réflexion nous permettent de prétendre à être une force de proposition, mais aussi d'encadrement sur le terrain, car notre vocation est de penser et d’agir en même temps.

En effet, nos membres ne se contentent pas de se réunir dans des salles pour débattre, ils doivent descendre sur le terrain pour encadrer et proposer des projets de développement et de réforme.

- Votre vocation est donc associative...

- Absolument, car notre mouvement est régi par la loi sur les associations.

- Mais cela ne vous empêche pas de faire des propositions d’ordre politique…

- Evidemment, étant une force de proposition, nous avons vocation à donner notre point de vue sur des sujets comme l'industrie, l'agriculture, la santé, l'éducation, l'emploi, le chômage qui sont des thématiques éminemment politiques.

À titre d’exemple, nous proposons des solutions pour renforcer et soutenir la classe moyenne pour qu'elle ne soit pas affaiblie, des idées pour profiter des potentialités dans les montagnes, pour investir dans l'agriculture, les domaines forestiers, les plantes médicinales, les domaines des ressources naturelles, les domaines du tourisme montagneux…

- Quel est votre référentiel : libéral, socialiste ou religieux ?

- Tout simplement marocain.

- C'est-à-dire nationaliste ?

- Absolument, nous sommes un mouvement nationaliste basé sur le concept du Tamaghrabit que j'ai développé en 2002.

- Sachant que vous venez du PJD qui a un référentiel religieux, faites-vous, dans votre discours et vos recommandations, l'impasse sur le discours religieux ?

- Est-ce que le PJD avait un discours religieux ? Est-ce qu'on parlait de la prière ? Non, mais il avait quand même un référentiel religieux qui est la matrice commune de tous les Marocains, et une partie centrale de leur identité.

- Mais dans le cadre de votre mouvement, qu'en est-il de la religion ?

- N’étant ni français, ni belge, ni américain, ni égyptien, ni pakistanais, c’est tout simplement notre marocanité qui prime.

- Comment est financé votre mouvement ?

- Par une cotisation annuelle de 200 dirhams, mais il y a aussi des sponsors, des personnes qui travaillent bénévolement, et nous sommes en train de planifier des activités qui seront payantes.

Nous réfléchissons aussi à monter des projets qui peuvent être financés par l’Etat, par des institutions, des programmes internationaux, dans le cadre de notre réglementation nationale.

Tant que je serai en vie, le mouvement restera apolitique. Nos statuts sont très clairs, notre mouvement ne pourra jamais se transformer en parti politique ou en syndicat

- Certains pensent que votre mouvement a vocation à suivre le modèle du Mouvement de tous les démocrates qui avait abouti à la création du PAM ? Va-t-il devenir un parti politique ?

- Absolument pas, pour la bonne raison que nos démarches sont diamétralement opposées.

- Parce que vous avez pris votre retraite de la politique...?

- Tout à fait, et d’ailleurs j'allais prendre cette décision en 2016, mais Sa Majesté a décidé que je devais rester dans le gouvernement.

Depuis cette date,  je voulais prendre ma retraite et créer cette association, car je considère que notre pays a besoin de plusieurs mouvements nationalistes.

Au risque de vous étonner, chaque jour, je conseille à mes amis qui ont pris leur retraite de la politique ou de la fonction publique, comme des directeurs généraux, des ministres ayant quitté la scène politique ou des parlementaires, de lancer des initiatives de ce type pour créer une émulation positive qui bénéficiera au Maroc, grâce à la multiplication des bonnes pratiques et des conseils avisés.

- Depuis le congrès constitutif de votre mouvement en décembre 2022, qu'est-ce qui a été accompli en un an et demi ?

- Le premier constat est la forte adhésion, avec une croissance maîtrisée des candidats qui doivent croire aux valeurs de notre pays avant d’être admis au sein de notre mouvement.

En effet, ils doivent être 'propres', dans le sens où ils ne seront retenus que s'ils croient à la transparence, à la déontologie, au bon comportement et au respect de la loi.

- Vous leur demandez de produire une fiche anthropologique ?

- Pas du tout, mais nous procédons à une sélection pour éviter les candidats qui ne correspondent pas à notre vision. De plus, les personnes retenues doivent avoir un certain niveau de compétence.

Cela ne veut pas dire qu’ils doivent être bardés de diplômes, car s’il peut y avoir des universitaires, des ingénieurs ou des médecins, on peut aussi avoir des agriculteurs ou des commerçants qui peuvent apporter leur expérience pour trouver des solutions à certaines problématiques d’actualité.

Malgré le fait que nous soyons très sélectifs, nous observons aujourd’hui un rythme de 5 à 10 personnes qui adhèrent quotidiennement à notre mouvement, aussi bien au Maroc qu’à l'étranger.

Au niveau national, nous avons un nombre croissant de sections régionales et provinciales. Nous sommes présents dans trois régions et, bientôt, nous couvrirons les 12 régions du Maroc.

Si nous n’avions pas prévu de le faire, nous avons pris la décision, après le séisme, de créer des forums de développement provinciaux, surtout dans les zones montagneuses comme celle du Haouz.

On a commencé par celles de Safi et de Kénitra, et nous allons continuer sur cette lancée dans des dizaines de provinces qui seront dotées de forums de propositions et d'encadrement.

- Et au niveau international ?

- Là aussi, des centaines de membres ont commencé à rejoindre notre mouvement.

Nous sommes présents en France avec une section à Paris dans la région Ile-de-France, à Angers et à Strasbourg, et nous sommes en train de préparer notre installation dans la région Paca et dans l’Aquitaine.

Pour ce qui est de l’Europe, on a mis en place des comités de coordination en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Espagne, mais aussi en Belgique, en Italie et aux Pays-Bas.

Depuis une semaine, nous sommes présents au Canada, en attendant de créer un comité de coordination aux États-Unis. Tout cela pour dire que nous essaimons aussi bien au niveau national qu’à l’étranger, et ce n’est qu’un début, car les sections n’arrêtent pas de se multiplier.

Pour vous donner un exemple concret, nous avons organisé récemment une première manifestation en France qui portait sur les relations maroco-françaises.

Nous sommes en train de lancer une académie pour les femmes, qui permettra de renforcer leurs capacités professionnelles et d'accompagner celles qui sont porteuses de projets

- Justement, quel type d’activités sont organisées par les sections de votre mouvement ?

- La première portait sur l'art et la culture, car nous sommes convaincus que ces secteurs peuvent contribuer à développer notre économie.

En effet, contrairement à ce que certains pensent, ce n'est pas une perte de temps, car l’art est un acteur de développement extraordinaire.

Nous avons aussi organisé une manifestation sur la diplomatie parallèle qui doit impliquer aussi bien les Marocains que les étrangers qui peuvent devenir des ambassadeurs internationaux de notre pays.

La micro-économie a également été le sujet d’un grand forum dédié à l'investissement. Le choix de cette thématique s’est imposé, car on parle beaucoup de grands investissements, mais on oublie que la petite et moyenne épargne, voire la micro-épargne, ont aussi besoin d'être accompagnées.

Pour s’inscrire dans l’actualité post-séisme, un séminaire a été consacré à l'économie montagneuse portant sur l'investissement dans les zones reculées où il faut exporter les potentialités.

Nous avons aussi débattu du devenir de la classe moyenne au Maroc et d’autres thématiques d’ordre régional, où nous avons donné la parole à de nombreux intervenants qui ont proposé des recommandations pour améliorer la prise de décision au niveau des 12 régions du Maroc.

Les jeunes ne sont pas en reste, car nous sommes en train de préparer un programme pour les accompagner dans leur vie scolaire, puis universitaire, avec des centres d'accompagnement et de renforcement des capacités.

Nous sommes en train de lancer une académie pour les femmes, qui permettra de renforcer leurs capacités professionnelles et d'accompagner celles qui sont porteuses de projets.

La liste est longue, mais je peux citer la création future d’un centre d’accueil et de formation pour les handicapés et de plusieurs initiatives dans le domaine de la santé au service de la société.

Pour résumer, nous voulons créer une compétition au sens positif du terme pour provoquer une émulation entre nos nombreuses commissions qui sont dédiées à l'éducation, à l'économie, à la diplomatie parallèle, au tourisme, à l’artisanat, aux jeunes, aux femmes, aux handicapés…

L’objectif est que nos adhérents qui sont médecins, ingénieurs, avocats, professeurs, enseignants, cadres, techniciens, professionnels de tous les horizons, et même des retraités, apportent leur expertise en choisissant d’intégrer un secteur où ils apporteront une plus-value pour notre pays.

Surtout quand ils sont convaincus que c'est un mouvement qui est neutre.

- Vous avez combien d'adhérents au niveau national et à l’étranger ?

- Je ne veux pas comptabiliser parce qu'on est en train de préparer une vraie base de données. Mais avec les centaines d’adhésion récentes, on a dû dépasser le millier de membres.

- Vos adhérents viennent-ils du PJD ou d’autres partis ?

- La majorité d'entre eux n'ont pas d'affiliation politique, mais ceux qui sont politisés viennent de tous les partis politiques.

- Vous voulez contribuer à faire avancer plusieurs questions d’ordre politique ou socio-économique. Que pensez-vous de la réforme de la Moudawana ?

- Je vais encore vous surprendre. S'il y a des choses dans la Moudawana qui défavorisent la femme ou l'homme – parce qu'il faut prendre en considération les deux sexes –, il faut les amender.

Par contre, on ne peut pas encourager des choses négatives comme le divorce, l'abstention au mariage ou créer des divisions entre un couple marié.

Je suis pour l'amendement de la Moudawana actuelle, mais je me dois de rappeler qu’elle est faite d'abord pour encourager les familles à durer, à être plus soudées et à avoir des enfants.

Parce que je considère que sans progéniture, il n'y a aucune civilisation dans le monde qui peut durer.

- Quelles sont selon vous les priorités de la réforme de la Moudawana ?

- Protéger la famille nucléaire et les enfants de la violence, assurer un juste équilibre entre l'homme et la femme dans le cas d’un divorce, qui doit être équitable, et prendre en considération les beaux-parents qui ne doivent pas finir leur vie dans une maison de retraite comme dans les pays européens.

- Que pensez-vous de l’héritage qu’on appelle Taassib ou héritage par agnation? Trouvez-vous normal que les cousins d’une fille qui a perdu ses parents puissent prétendre à l’héritage ?

- Si vous vous adressez à un alem, il vous expliquera qu’il existe des solutions intermédiaires comme وصية (testament) ou alors les donations du vivant des parents. Je ne suis pas un spécialiste, mais je connais plusieurs personnes qui ont pris ce type de dispositions pour répartir leur fortune avant leur décès.

Mais, pour qu’il n’y ait pas de conflit, je pense qu’il est important de sauvegarder des liens solides entre la fille et ses cousins ou oncles, parce que la famille est le socle de l’identité marocaine.

- Quelle est votre ambition pour votre mouvement dans dix ou quinze ans ?

- Qu'il soit toujours là pour servir les intérêts de notre pays en prodiguant des conseils pratiques à tous les niveaux.

- Tout en restant apolitique...

- Tant que je serai en vie, ce sera le cas. Lors de leur adhésion, tous les membres de notre mouvement citoyen ont prêté serment pour qu’il reste apolitique. Nos statuts sont très clairs, car ils ont prévu que notre mouvement ne pourra jamais se transformer en parti politique ou en syndicat.

- Donc, quoi qu’il arrive, vous ne serez jamais récupéré par un parti politique ?

- C’est impossible, car une disposition de notre règlement intérieur édicte que quiconque voudra utiliser notre mouvement à des fins politiques sera automatiquement exclu de ses rangs.

- Pourquoi avoir quitté la politique, alors que vous étiez promis à un grand avenir au PJD ?

- En servant mon pays dans mon mouvement citoyen, je considère que mon avenir n’est pas limité.

- Mais vous aviez l’opportunité d’être candidat au secrétariat général de votre ancien parti…

- L’essentiel pour moi est d’être heureux dans ma mission actuelle, car après avoir milité dans la politique pendant près de quarante ans, j’ai jugé qu’il était temps de changer de voie.

En effet, que ce soit en politique ou dans n’importe quel domaine, je considère qu’il faut savoir tirer sa révérence tant que vous êtes capable d’accomplir d’autres choses bénéfiques pour votre pays.

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

Attijariwafa bank: COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.